Archives de catégorie : revue

n°327 – Démocratiser la gestion ou gérer la démocratie ?

Il y a quelques années (en 1996), peut-être un peu trop péremptoirement, un éditorial de direction et gestion des entreprises(1), le titre initial de notre revue, déclarait : Tout se gère. Quelques-uns des propos avaient alors mécontenté un économiste qui m’avait fait savoir qu’il résiliait son abonnement !

Et pourtant peut-on dire, près de vingt ans plus tard, que c’est bien la gestion qui, « du fait de son objectif, est la résolution de problèmes pratiques et précis » ? Car on le voit tous les jours, notamment avec ce mortifère New Public Management, sévir ce que j’appelais la maladie de la gestion : la gestionite(2). Il s’agit bien d’une « … maladie épidémique dont on ne se relève que très diminué… lorsque l’on s’en relève(3) ». Elle gangrène nos économies et nombre de nos organisations !

Mais, notre propos n’est pas seulement ici de gérer une structure si vaste soit-elle comme celle de l’Éducation nationale ou de la protection sociale, mais au moins dans notre deuxième assertion, d’envisager l’organisation même des pouvoirs publics qui régissent tout !

Notre problématique comporte donc au moins deux approches qui ne coïncident apparemment pas complètement.

Démocratiser la gestion. C’est par excellence, l’idéal de l’Économie Sociale et Solidaire. C’est aussi, et on le sait moins, celui de la « participation » au sens gaullien du terme. En 1948, dans un discours aujourd’hui hélas bien oublié, Charles de Gaulle énonçait ce programme. Pompidou et Giscard le torpillèrent en 1969, puis ce dernier l’enterra avec Chirac en 1974 qui trahissait ainsi le gaulliste, Jacques Chaban-Delmas aux élections présidentielles. « Oui ! » disait le Général, « nous voulons l’Association du travail, du capital, de la direction […], dans le cadre de l’entreprise […]. »

« Quelle forme prendra l’Association ? […] celle de contrats de société, passés sur pied d’égalité entre les divers éléments, […] mais, ceci posé, le contrat devra prévoir et régler la rémunération de chacun, […] en fonction du rendement collectif de l’entreprise constaté périodiquement par l’assemblée des participants(4). »

Et de poursuivre, « Nous voulons faire en sorte que les travailleurs valables deviennent des sociétaires, au lieu d’être des salariés. »

« Sociétaires », ce terme alors utilisé par Charles de Gaulle raisonne favorablement également à l’oreille d’un tenant de l’économie sociale et solidaire. Il s’utilise notamment dans les coopératives, les anciennes coopératives ouvrières (SCOP) devenues Sociétés Coopératives et Participatives ou caricatural lorsqu’une banque coopérative bien connue, le Crédit Mutuel, à chaque printemps, c’est-à-dire à l’approche des assemblées générales des caisses locales, inonde de publicités sur le rôle des sociétaires et du pouvoir qu’ils exercent dans les décisions de la banque dont ils sont théoriquement les propriétaires. Michel Abhervé tout comme Thomas Regazzola, ont dénoncé cette « captation abusive d’image » des grands groupes coopératifs qu’ils soient bancaires(6) ou agricoles(7).

Si même dans les formes d’organisation dont le principe initial : « un homme, une voix », la démocratie réelle laisse à désirer, alors a fortiori, cette dernière, ne peut guère espérer trouver sa place dans les sociétés de capitaux. On les appelle d’ailleurs par facilité : « les entreprises », alors que seule la possession du capital y donne le pouvoir, et encore ! Nous savons en effet que les actionnaires ne sont déjà pas égaux. Il existe des actions sans droit de vote et d’autres avec un vote double. De plus, tout cela ne dépend que de la bonne information(8) des (petits) actionnaires. Quant à des sociétés comme Stellantis, le siège étant à Amsterdam, le vote des actionnaires à Paris, notamment sur la rémunération du dirigeant, le fameux say on pay(9) est purement consultatif !

Cette information qui doit être égale pour tous s’exprime dans la connaissance des documents comptables. Hors, comme le fait remarquer Daniel Bachet : « adopter un langage comptable plutôt qu’un autre, c’est adopter une représentation de l’entreprise, de l’efficacité et des rapports de pouvoir » puisqu’il n’a pour finalité que « des bénéfices potentiels y compris grâce à une évaluation subjective sans référence au marché(10) ».

Donner un pouvoir aux salariés, comme le prônait la participation gaullienne, serait une priorité. Pour ce faire, il faut d’abord refonder le système d’information comptable pour éviter que les salariés ne soient conduits à s’aligner sur la seule logique financière favorable aux intérêts des détenteurs de capitaux comme le souligne encore Daniel Bachet(11).

Tout cela est bien actuel lorsque l’on prend conscience que la recherche immédiate du profit, si chère aux fonds de pension, est totalement contradictoire avec les enjeux écologiques planétaires, mais aussi régionaux. La fuite des compagnies d’assurance devant les catastrophes naturelles, déjà en France, coopératives de production, une fois dépouillées en 1978 de leur statut « ouvrier » de 1947, comme dans les (SCIC) Sociétés Coopératives d’Intérêt Collectif, créées en 2001 ! Un rapport du Sénat, lorsque ce dernier travaillait de manière sérieuse et ouverte, mérite d’être consulté à ce sujet(5).

Mais même dans cette forme, on est souvent très loin de la démocratie voulue. D’abord parce que la démocratie ordonne que chacune des parties prenantes ait le même degré d’information économique et qu’il est rare que les « sachants », ou soi-disant « sachants », partagent l’information ! Cela dévient démontre combien la réforme des retraites imposées au forceps par le Gouvernement macronien n’est pas seulement inique, mais totalement court-termiste. Elle offre à l’épargne privée assurantielle les retraites des catégories les plus aisées ! Une politique de gribouille là aussi terriblement dangereuse pour ces très mauvais gestionnaires qui sont aux affaires !

Gérer la démocratie semble bien alors s’imposer ! Oui, mais comment ? « Vaste programme ! » aurait répondu sans doute le Général ! Il est de bon ton en effet, de fustiger en France, la constitution de la Ve République en oubliant qu’elle n’est justement plus, et de loin, celle de ses fondateurs.

Depuis 1974, les réformes progressives ont visé à dénaturer la démocratie, parfois qualifiée par les plus hostiles de « plébiscitaire », pour imposer une forme devenue omnipotente : l’« État de droit ». Il ne se fonde pourtant que sur l’exacerbation de l’individualisme, « atomiste », dans sa conception libérale qui atteint son paroxysme dans la réforme sarkozyste, mais inspirée du socialiste Badinter avec la QPC (Question Prioritaire de Constitutionalité). Cette dernière fait ployer les votes démocratiques devant l’intérêt particulier au nom d’un principe supposé immanent, mais bien humain. La Cour de Justice de l’Union européenne ne juge pas autrement d’ailleurs en bafouant tous les votes des assemblées démocratiquement élues par les peuples au nom de ce fameux droit.

Or ne nous trompons pas, ce droit « immanent » n’est, comme tous les droits, qu’une opportunité du temps. Sans entrer dans un marxisme militant qui n’est pas nôtre, il suffit d’apprécier à l’aune des enjeux économiques et politiques, les décisions y compris récentes du Conseil constitutionnel. En effet, et cela accentué depuis la présidence de ce Conseil par J.-L. Debré, seul le droit de propriété a été considéré comme absolu. Cela s’est illustré notamment dans le cadre de la transmission des entreprises avec le possible droit de préemption par les salariés en cas de cession(12)(13). La Loi Hamon de 2014, même après les coupes effectuées par le cabinet du ministre de l’Économie Moscovici d’alors, prévoyait l’information « préalablement à la cession d’une entreprise afin de permettre aux salariés de présenter une offre ». Il ne restait pourtant plus que cette mesure, devenue croupion après l’élimination de riches propositions prévues dans le projet de la Loi Hamon auxquelles notre revue avait tenu à s’associer(14), y compris en étant auditionnée en commission au Sénat(15). Et bien même cela a été censuré à la suite d’une QPC, dès le 17 juillet 2015.La « liberté d’entreprise » sanctifiée l’emporte évidemment sur le droit des salariés ! « En l’absence d’homogénéité sociale, l’égalité formelle la plus radicale se transforme en l’inégalité la plus radicale et la démocratie formelle en dictature de la classe dominante(16). »

Il est évident encore que les réformes comme celles qui découlent des ordonnances Juppé obèrent depuis 1996, la démocratie paritaire voulue en 1945, privant les partenaires sociaux de gérer les budgets les plus importants de la société qui sont ceux de la protection sociale au profit de la bureaucratie étatique ! Et pourtant l’AGIC-ARRCO comme celle de l’UNEDIC montrent ô combien, que la gestion paritaire est saine et préserve l’intérêt des cotisants !

Il est manifeste également que la création de la LOLF, le 1er août 2001 qui annule l’ordonnance du 2 janvier 1959 pour les finances publiques, instaure une logique de performance parfaitement néo-libérale. La Révision Générale des Politiques Publiques (RGPP) du sarkozyste-macronien Woerth a montré toutes ses limites et son effectivité destructrice pour l’appareil de l’État, et tout particulièrement dans les territoires. La révolte des « Gilets jaunes », comme celle du monde rural, relayée par nombre d’élus locaux et d’associations a montré cette générale déréliction !

Il est certain enfin que la réforme 2008, qui semble limiter l’usage du fameux article 49-3 à chaque session parlementaire, est en fait un magnifique leurre qui permet d’imposer toutes les mesures économiques et financières, même en l’absence de vote du Parlement. La meilleure illustration en a été la Réforme des retraites en 2023. Tout cela a été déclaré conforme à la Constitution par un tour de passe-passe qui montre toutes les limites du fameux « État de droit » ! C’est la réalisation que « toute idéologie doit pour se réaliser en tant qu’action politique et sociale, créer et utiliser des institutions et des techniques adaptées à ses principes(17) ». On pourrait ajouter une autre fourberie de cette réforme de 2008, puisque désormais les ministres qui quittent le Gouvernement retrouvent automatiquement leurs sièges de parlementaires alors que sous de Gaulle, au départ du Gouvernement, il fallait aux excellences repasser par la case élection. Un recul de la démocratie en catimini qui n’a rien à envier à la IVe de nos républiques.

Aussi, dire que ces pratiques sont celles de la Ve République est donc risible, injuste et preuve d’une inculture ou d’une rare mauvaise foi quand on se réfère, comme on l’a vu précédemment, aux intentions du premier Président qui ne s’accrocha pas à son fauteuil, lui, après un vote négatif !

Il faut donc revenir non pas aux institutions, mais bien à ceux qui les utilisent, les hommes et les femmes. Le gestionnaire a une vision pragmatique qui peut alors être utile devant cette transgression des institutions par des hommes et des femmes qui n’atteignent pas le pouvoir pour les raisons que l’on serait à bon droit d’attendre d’eux !

On peut imaginer quelques pistes simples :

  • Interdire aux hauts fonctionnaires de devenir des élus.
    Administrer nécessite le sens du service et la neutralité. Les allers-retours entre cabinets, Grands Corps ou Grandes entreprises est le signe d’une véritable cleptocratie. Comment peut-on imaginer qu’un ministre de la Santé, ayant précédemment gouverné une Agence Régionale de Santé(18), puis le cabinet de la Cheffe du Gouvernement, puisse redevenir Conseiller d’État et donc conseiller ou juger en toute impartialité ? Et ce n’est qu’un exemple ! Cette mesure existe déjà pour les militaires en activité et ne suscite pas de controverse.
  • On peut aussi ne valider les élections, et cela serait sain dans les collectivités territoriales, que lorsque les élus ont obtenu au moins la moitié des voix en comptant les électeurs inscrits.
    Cela éviterait sans aucun doute leur procès en illégitimité et la violence que cela suscite. Une « délégation spéciale(19) » sous l’autorité du Préfet est déjà prévue en cas de démission d’un conseil municipal. Paris sous toutes les Républiques et jusqu’en 1977, et cela au mieux de l’intérêt général, n’avait pas de maire ! Cela ne veut pas dire qu’il faille restreindre la démocratie locale, bien au contraire. Cela oblige à susciter une approbation majoritaire et à responsabiliser électeurs comme élus.

Il est certain enfin que quelques règles morales, faute d’être pratiquées à l’évidence par la caste kakistocratique qui est aux affaires depuis quelque temps, doivent être imposées. Ce n’est pas la présence d’ailleurs hypothétique des anciens présidents de la République qui fait honte au Conseil constitutionnel, mais sa composition de copinage éhontée. Un ministre en exercice ne devrait pas pouvoir quitter son maroquin pour y siéger…

ce fut le cas notamment de son actuel président, comme d’autres moins compétents en droit encore par la suite. On peut aussi imaginer que le fait d’avoir fait voter des lois ou pris des ordonnances notamment sur la Sécurité sociale, comme Juppé, empêchent de se prononcer sur la constitutionalité de la réforme des retraites, par une loi justement créée par ces textes et rendue accessible au 49-3 par une réforme constitutionnelle lorsque l’on était justement au Gouvernement.

Ce ne devrait pas être un problème de texte d’abord, mais un problème de respect de soi et des autres ! C’est donc d’abord le signe d’une absence totale de morale de ces hommes qui incarnent cette cacocratie que dénonce André Maïsseu(20).

Repenser l’État au XXIe siècle(21) est un sujet qui concerne tous les courants de pensée et nous sommes heureux de contribuer à faire partager les idées les plus variées sans les épouser obligatoirement (voir page 68). C’est cela le fondement d’un débat démocratique qui semble bien devenu caricatural et donc sectaire en maints endroits ! De même que les Anciens égorgeaient les porteurs de mauvaise nouvelle, comme en témoigne le célèbre tableau de Lecomte de Nouÿ(22), les modernes font des « réseaux sociaux », le bouc émissaire de tous les dérèglements. Un article hors dossier nous apporte les éléments pour comprendre qu’on peut aussi y trouver les raisons de la « formation de l’intention d’agir » (page 75).

Mais il n’appartient pas à un éditorial d’apporter les réponses.

Il doit juste introduire la réflexion.

Ainsi, notre revue a-t-elle tenu à s’ouvrir à une forme nouvelle de démocratie qui a bien du mal à émerger. C’est la démocratie de la santé.

Un premier colloque a été organisé en 2023, Démocratie en Santé et pouvoir d’agir des usagers en partenariat avec le Cnam-Paris. Il a rencontré un succès qui nous a étonné par le nombre des participants et des propositions d’intervention.

Mais, cela nous a confirmé dans l’idée que les gestionnaires avaient raison de s’intéresser à la démocratie.

Un deuxième colloque aura lieu en partenariat toujours avec le Cnam-Paris en y ajoutant nos amis québécois, le 13 juin 2024 en visioconférence. Son programme est déjà établi sur le thème du Pouvoir d’agir des usagers en France et au Québec : partage de connaissances pour une plus grande démocratie en santé(23) (page 5).

Mais en attendant cet événement, Sandra Bertezene qui dirige la chaire de « Gestion des services de santé » avait posé les bases épistémologiques du sujet(24). Elle a coordonné uncahier spécial des meilleurs articles en matière de sciences de gestion de l’édition 2023 qu’elle présente dans ce numéro (page 15).

Un ouvrage que nous coordonnerons, paraîtra en 2025, pour l’anniversaire des 60 ans de notre revue, La RSG. Il présentera les contributions retenues dans toutes les thématiques qui ne sont pas « gestionnaires » au sens strict. Cela permettra d’apporter un appareil complet de réflexion sur le droit des citoyens en matière de santé.

C’est dire qu’aussi bien pour démocratiser la gestion que pour gérer la démocratie, il y a vraiment du « pain sur la planche », si l’on me pardonne cette formule imagée et que nous sommes légitimes en sciences de gestion !


1. Philippe Naszályi (1996). Éditorial, Direction et gestion des entreprises, 159-160.

2. Philippe Naszályi (1995). « La gestionite », direction et gestion des entreprises, 155-156, 6-7. J’aurais sans doute été mieux inspiré d’écrire « gestionnite » !

3. Philippe Naszályi (2016). « Et si l’on faisait (enfin) appel à un gestionnaire ! », La Revue des Sciences de Gestion, 278-279, 1-2.

4. Plaidoyer pour l’association dans les entreprises, au Vélodrome d’hiver, le Général de Gaulle s’adresse aux délégués des groupes d’entreprises du R.P.F., 14 décembre

1948, https://fresques.ina.fr/de-gaulle/fiche-media/Gaulle00319/plaidoyer-pour-l-association-dans-les-entreprises.html

5. « Les coopératives en France : un atout pour le redressement économique, un pilier de l’économie sociale et solidaire », Rapport d’information n° 707 (2011-2012), déposé le 25 juillet 2012. http://www.senat.fr/notice-rapport/2011/r11-707-notice.html

6. Michel Abhervé, (2015). « Les banques coopératives, des banques comme les autres ? », Revue Projet, 345, 73-79. https://www.cairn.info/revue-projet-2015-2-page-73.htm

7. Thomas Regazzola (2023). « Les grands groupes coopératifs agricoles français : une captation abusive d’image », https://blogs.alternatives-economiques.fr/abherve/2023/06/15/les-grands-groupes-cooperatifs-agricoles-francais-une-captation-abusive-d-image-une-nouvelle-contribution-de-thomas-regazzola

8. Christoph van der Elst (2016). Empowering the audit committee and the auditor in related party transactions, https://research.tilburguniversity.edu/en/publications/empowering-the-audit-committee-and-the-auditor-in-related-party-t

9. Randall S. Thomas et Christoph Van der Elst (2015). « Say on Pay Around the World », Vanderbilt Law and Economics Research Paper 14-10, Washington University Law Review, 92, 653, https://papers.ssrn.com/sol3/papers.cfm?abstract_id=2401761

10. Daniel Bachet (2020). « Système d’information comptable et démocratie dans l’entreprise », Accounting information system and corporate democracy. http://openscience.fr/IMG/pdf/iste_roisi20v1n1_4-2.pdf

11. Daniel Bachet (2020), op.cit.

12. Avec les équipes d’AP2e, menées par Sylvie Mayer, nous avions travaillé à préparer dans la Loi Hamon des articles prévoyant Une législation adaptée au rachat coopératif : https://www.humanite.fr/-/philippe-naszalyi/une-legislation-adaptee-au-rachat-cooperatif-est-une-innovation-creative, 25 juillet 2013.

13. Le projet de proposition de loi du collectif Ap2E : « Un droit de préemption pour les salariés, accession à la propriété économique et juridique par les salariés, à la cession et à la poursuite d’activité d’une entreprise » https://www.cairn.info/revue-des-sciences-de-gestion-2013-1-page-77.htm, « L’actualité de la gestion. Universités – Grandes Écoles – Entreprises – Institutions… », La Revue des Sciences de Gestion, 2013/1-2, 259-260, 77-80. DOI : 10.3917/rsg.259.0077. URL : https://www.cairn.info/revue-des-sciences-de-gestion-2013-1-page-77.htm

14. Philippe Naszályi, (2013). « Le lancinant problème de la transmission des entreprises… Des pistes innovantes pour maintenir l’emploi et l’activité économique : La transmission aux salariés… », La Revue des Sciences de Gestion, 2013/1-2, 259-260, 1-3. DOI : 10.3917/rsg.259.0001. URL : https://www.cairn.info/revue-des-sciences-de-gestion-2013-1-page-1.htm

15. Proposition de loi facilitant la reprise d’entreprise sous forme de société coopérative de production, présentée par Marie-Noëlle Lienemann, sénatrice de Paris (enregistré à la Présidence du Sénat le 30 mai 2013), « L’actualité de la gestion. Universités – Grandes Écoles – Entreprises – Institutions… », La Revue des Sciences de Gestion, 2013/3-4, 261-262, 77-79. DOI : 10.3917/rsg.261.0077. URL : https://www.cairn.info/revue-des-sciences-de-gestion-2013-3-page-77.htm

16. Karl Loewenstein (1953) « Die radikalste formale Gleichheit wird ohne soziale Homogenität zur radikalsten Ungleichheit und die Formaldemokratie zur Diktatur der herrschenden Klasse », (H. Heller, « Politische Demokratie und soziale Homogenität » (1928)), in GS II, p. 430.

17. « Les systèmes, les idéologies, les institutions politiques et le problème de leur diffusion », Revue française de science politique, 1953, 3-4, p. 677-698.

18. Philippe Naszályi (2020). « Gestion du Covid-19 : un modèle de Kakistocratie, où règnent les médiocres ! », Revue Politique et Parlementaire, https://www.revuepolitique.fr/gestion-du-covid-19-un-modele-de-kakistocratie-ou-regnent-les-mediocres/

19. Article L.2121-35 et 36 du Code général des collectivités territoriales (CGCT).

20. André Maïsseu (2020). « De la féodalité à la cacocratie » notamment tome III : Le Paradigme victorien « À la recherche des savoirs », les éditions Persée.

21. https://www.larsg.fr/la-revue-des-sciences-de-gestion/la-repenser-letat-au-xxie-siecle-debat-public-a-la-public-factory/

22. Jean Lecomte du Noüy, (1871), Les Porteurs de mauvaises nouvelles, 1871, Musée d’Orsay.

23. https://www.larsg.fr/la-revue-des-sciences-de-gestion/colloque-pouvoir-dagir-des-usagers-en-france-et-au-quebec-partage-de-connaissances-pour-une-plus-grande-democratie-en-sante/

24. Sandra Bertezene et Fatima Yatim (2023). « Quel cadre épistémologique pour la démocratie en santé ? », La Revue des Sciences de Gestion, 324, 11-26. https://www.cairn.info/revue–2023-5-page-11.htm

n°325-326 – Comprendre et agir dans une société en mutation

Eric Séverin

Ces dernières années ont témoigné de mutations profondes dans nos sociétés : changement climatique, nouvelles formes d’organisation du travail, de pratiques de distribution et de consommation, digitalisation massive et importance stratégique des données, intrusion des nouveaux outils de communication, prise en compte de la diversité au sein des organisations et de la société, santé au travail, inégalités croissantes au sein des sociétés, interrogation sur la légitimité des formes de pouvoir, demande d’une plus grande transparence… pour ne citer que les mutations les plus visibles.


Pour les organisations, il est urgent de repenser leurs façons d’agir. La crise sanitaire amplifie le phénomène en affectant nos conditions de vie, nos pratiques de consommation et nos modes de fonctionnement dans les organisations comme dans nos domiciles, devenus lieux de travail, d’enseignement et de réunion. Nous risquons de n’être qu’au début d’un processus dont nous ne connaissons pas toutes les conséquences.

Ces modifications touchent l’ensemble des disciplines de la gestion : l’entrepreneuriat, le marketing, la finance, la stratégie, la RH…

Quelle que soit l’approche théorique (déterministe versus volontariste) ou méthodologique (qualitative et / ou quantitative) mobilisée, ou encore le niveau d’analyse étudié (exogène, endogène), les chercheurs sont toujours confrontés à la réalité complexe et protéiforme du changement.

C’est dans ce cadre que s’inscrit ce dossier spécial de La Revue des Sciences de Gestion.

Les deux premières contributions sont dans le champ disciplinaire du marketing. Justine Estarague focalise son propos autour de l’humour. S’il est difficile à appréhender, il est connu que son utilisation pertinente est un moyen d’apaiser les comportements et les situations difficiles. Face à un environnement turbulent et incertain, Justine Estarague, dans son article intitulé : « De l’humour à l’appel publicitaire humoristique », réalise une analyse détaillée de l’humour, tant dans la recherche que dans la communication, avant de mettre en lumière les différents moyens de le mobiliser. Toujours dans lechamp du marketing et de la communication, Oliviane Brodin et Jean-François Toti, dans le travail intitulé « Les détournements publicitaires militants : quels sont les effets de l’indignation morale sur la cause défendue, l’ONG impliquée et la marque objet du détournement », s’attachent aux détournements de publicités à objectif militant, en particulier via les réseaux sociaux où ils peuvent circuler largement. Les auteurs étudient les effets de ces détournements sur la cause défendue et mettent en évidence le rôle de l’indignation morale dans ces effets sur les attitudes et l’engagement, en prenant en compte la radicalité de l’association et le ton du message.

S’il est un domaine où la mutation et les changements sont prégnants, c’est bien dans le domaine de l’entrepreneuriat.

Amina Rouatbi, dans son article : « Entrepreneuriat féminin et performance. Impact de la crise de la Covid-19 sur la perception de la performance auprès des femmes entrepreneures » s’attache à l’impact du Covid-19 chez les femmes entrepreneures.

Le changement est ici considéré au travers du prisme sanitaire. Cette crise questionne très largement les Sciences de Gestion. L’auteur cherche à comprendre comment les femmes définissent la performance et comment ces référentiels ont évolué avec la crise de la Covid-19.

Les résultats mettent en évidence que la crise de la Covid-19 a renforcé l’importance des critères de performance non financière pour les femmes entrepreneures, en particulier le soutien aux communautés locales dans lesquelles le projet entrepreneurial s’inscrit. Ce soutien est un facteur de résilience face aux crises. Enfin, Hadj Nekka et Soukaina Chit s’interrogent sur les nouvelles façons d’aborder le travail au travers de leur contribution intitulée : « L’espace de coworking comme dispositif au service de l’entrepreneur : quels avantages par rapport à l’accompagnement traditionnel ? ».

En effet, un des changements majeurs de notre époque tient, à tous les niveaux, dans le développement de l’accompagnement.

Les auteurs font ressortir que les espaces de coworking peuvent être des facilitateurs et des contributeurs à la réussite des projets entrepreneuriaux. Pour autant, l’accompagnement est complémentaire aux dispositifs traditionnels et certains  types d’espaces de coworking peuvent être plus efficaces que d’autres pour accompagner les entrepreneurs.

Ces différentes productions présentent un double intérêt.

Le premier est pratique. Face à un contexte de plus en plus incertain et complexe, les auteurs mettent en évidence les mutations des comportements face à des mutations fortes et toujours plus rapides. Le deuxième est scientifique, et tient dans la capacité du chercheur à circonscrire le phénomène du changement de la façon la plus complète possible.

Nous souhaitons à toutes et tous une très bonne lecture.


Le mot du Directeur de la publication : Esprit en management

Qu’il me soit permis de mettre en lumière les remarquables contributions du colloque que notre Rédacteur en Chef a organisé : Comprendre et agir dans une société en mutation. Elles ont passé tous les filtres de notre publication et s’ouvrent par l’Humour !

Avoir de l’humour c’est aussi avoir de l’esprit et le second dossier de ce numéro y fait appel également en invoquant si j’ose cette hardiesse, l’Esprit en management par quatre approches venues de tous horizons ! Cela commence d’abord par un court article de mise au point sur les métaphores, Le sens de l’engagement de quatre générations poursuit cette vie de l’esprit dans une présentation qui n’a pas manqué de rebondissements avant d’être publiée. Elle se décline ensuite par un état des lieux sur le management des talents qui se prolonge dans l’analyse des caractéristiques cognitives du conseil d’administration. Nos lecteurs anglophones trouveront en fin, dans cet idiome, même si l’article émane de chercheurs francophones une étude sur les freins au développement du jugement éthique des auditeurs dans les entreprises familiales tunisiennes.

Un tour du monde comme toujours illustre notre ligne éditoriale permanente, celle d’une science de gestion ouverte et multiculturelle.

n°324 – Mobilisé(e)s

Rassurons tout d’abord nos lecteurs ! Non La RSG n’entend pas donner dans la fable de l’écriture qui n’a d’inclusive que le nom et ne satisfait que quelques irrédentistes germanopratins! Mobilisé est au féminin comme au pluriel, un participe passé mis à peu près à toutes les sauces et employé sans vergogne par à peu près toute personne disposant d’une once de pouvoir ! Est-ce parce que la crise sanitaire du Covid-19 est apparue en mars, mois dédié depuis Rome au dieu de la guerre, que nos gouvernants ont décidé d’utiliser ces métaphores belliqueuses. Il faut dire que parmi eux, peu ont connu l’armée et le service militaire. Le dernier poilu, tout comme le dernier Compagnon de la Libération ont été portés en terre. Les derniers combattants de la 2nde (que nous préférons à 2e) guerre mondiale sont désormais peu nombreux et très âgés. Alors, faute d’une véritable mobilisation générale, la dernière date de septembre 1939, il fallait bien ranimer cette flamme aux connotations guerrières et dont les synonymes sont : « enrégimenté », « recruté », « embrigadé » ou « rappelé » comme le contingent le fut en Algérie, après « la journée des tomates » du 6 février 1956 avec un service qui passa de 18 à 30 mois. N’est pas Guy Mollet qui veut !

par Philippe Naszályi – Directeur de La RSG

consulter sommaire

Tout gouvernant, cherche toujours ces possibilités de gloire sur le terrain militaire. N. Sarkozy et D. Cameron (un patronyme évocateur !) à Benghazi, le 15 septembre 2011, F. Hollande (et L. Fabius) à Tombouctou et Bamako, le 2 février 2013 avaient eu la leur. Il appartenait à leur double héritier de trouver la sienne. Il en décida d’une, le 16 mars 2020, d’une forme inusitée : la guerre sanitaire. Il n’est pas question ici de railler après coup et de manière parfaitement anachronique, les peurs qui ont surgi devant cette menace inconnue et imprévisible d’un virus chinois. Cela ne serait ni sérieux ni intellectuellement honnête. Si une loi d’amnistie ne vient pas, opportunément pour certains[1], tout balayer. Il importera à la justice peut-être, aux historiens plus sûrement, d’évaluer les situations d’alors avec leur origine, de dégager les responsabilités s’il y en a et d’en tirer les leçons.

Notre propos est plutôt de constater que la guerre sanitaire proclamée en 2020 a entraîné depuis une floraison de « mobilisations ». Il semble d’ailleurs que moins il y a d’action concrète, plus le discoureur se dit mobilisé avec ses troupes : une sorte de « drôle de guerre » sanitaire ! Rappelons que la précédente « drôle de guerre », la véritable, sur le front occidental, en France, avait duré quand même huit mois et sept jours. Elle s’acheva en 1940, un jour funeste, le 10 mai, pour faire place à une cuisante défaite.

Le 27 septembre 2023, Élisabeth Borne décrète la « mobilisation générale » contre le harcèlement scolaire. Le 26 octobre, la même promet une « mobilisation générale » en réponse aux émeutes, avant le 13 novembre de sonner la mobilisation des fonds européens. Europe que dès le 16 septembre, elle appelait à la mobilisation et à la solidarité avec l’Italie !

Il est vrai que le 26 avril, toujours en 2023, dans le cadre des « 100 jours », elle avait mobilisé 150 policiers et gendarmes supplémentaires à la frontière italienne. Après quatorze journées de mobilisation réelle des Français contre son texte de réforme des retraites, la Première ministre ne pouvait, par ce vocabulaire belliqueux, qu’essayer de se donner une contenance pour exister.

Mais revenons-en à l’origine de l’emploi disproportionné de ces termes : la crise sanitaire du Covid-19, en 2020. Déjà quelques jours avant la proclamation de la guerre sanitaire, dans un discours[2], le Ministre de la santé, avait utilisé pas moins de treize fois, les vocables « mobilisé(e)s » ou « mobilisation », « exceptionnelle » pour le personnel soignant bien sûr, mais aussi pour le Gouvernement, ses équipes, les agences sanitaires (on a pu apprécié en Île-de-France les fruits !), le consortium REACTing pour le partage d’information scientifique, les directeurs et enseignants et toutes les équipes enseignantes pour le travail à distance, l’hôpital d’Annecy et tout un chacun, avec un doute toutefois sur la « mobilisation » des électeurs au premier tour des Municipales !

Cela fait beaucoup et cela augurait de la suite !

Pas plus que la conjugaison du verbe « assumer », précédé de tous les pronoms personnels n’est une réalité pour les politiciens[3], l’usage répété de la mobilisation ne correspond à rien de réel et n’a même pas une vertu symbolique ! C’est le vide sidéral du discours politique qui, confronté aux événements, témoigne de l’inanité, de la vacuité et de l’emphase. Pas de quoi réconcilier les Français avec leur démocratie mise à mal avec la « lâche tout », petit néologisme, à l’usage des couleuvres avalées par le Conseil d’État et le Conseil Constitutionnel durant cette crise sanitaire en France quant au respect des libertés publiques !

L’un des piliers de la démocratie repose sur la Liberté de la Presse. L’Europe en janvier-mars 2022 avait appelé à une consultation citoyenne sur la liberté des médias. Le 15 décembre 2023, le Règlement européen au nom, on ne sait pas bien pourquoi enanglais, Media Fredom Act (EMFA), fait l’objet d’un accord entre le Parlement et la Conseil de l’UE. La suite devrait venir.

En France, des États généraux de l’information convoqués par la Président de la République, le 3 octobre dernier, devraient s’achever en juin 2024. Nous ne sommes pas certains que ces États-généraux comme les nombreux débats depuis 2017, n’accouchent pas d’une souris. Nous ne sommes pas certains non plus que le « Comité de Pilotage », nommé par le Chef de l’État, ait une légitimité forte autre que celle d’être proche du pouvoir en place. Toutefois, en cette année olympique, « l’essentiel est de participer » ! Espérons que cette participation ne soit pas considérée un jour comme une collaboration connivente d’un recul de plus de cette liberté garantie en France depuis la loi du 29 juillet 1881 !

Les deux institutions dont nous présentons les contributions (page 59) sont, elles, dotées d’une réelle légitimité :

Le CDJM, Conseil de Déontologie journalistique et de médiation, institution libre et associative récente puisque fondée le 2 décembre 2019, est un « organe professionnel d’autorégulation, indépendant de l’État, une instance de médiation et d’arbitrage entre les médias, les rédactions et leurs publics ».

Il entend promouvoir la réflexion et la concertation pour les professionnels et servir de pédagogie envers les publics. Le CDJM est composé de trois collèges : les représentants des journalistes, des éditeurs et des publics. (page 60)

La Commission de la carte d’identité des journalistes professionnels (CCIJP), plus connue sous l’appellation de la « commission de la carte de presse », est bien plus ancienne puisqu’instituée par la loi en 1935. C’est aussi une commission paritaire entre les éditeurs-employeurs et les journalistes. (page 62).

La presse est certes constituée d’entreprises plus ou moins grandes dans le cadre de l’économie de marché mais avec un statut particulier puisque l’information qu’elle soit politique, générale, économique, culturelle, scientifique ou de loisirs et de sports… n’est pas un produit comme un autre.

La dépendance à l’argent en général, souvent incarnée par la publicité en est un écueil certain puisqu’indispensable et en même temps aux effets qui peuvent être dangereux pour la liberté. Ayons toujours présente cette réponse de feu le patron de TF1 : dans une perspective business, (…) soyons réalistes, à la base, le métier de TF1, c’est d’aider Coca-cola, par exemple, à vendre son produit (…) . Pour que le message publicitaire soit perçu, il faut que le cerveau du téléspectateur soit disponible. Nos émissions ont pour vocation de le rendre disponible, c’est-à-dire de le divertir, de le détendre pour le préparer entre deux messages. Ce que nous vendons à Coca-Cola, c’est du temps de cerveau humain disponible[4].

Espérons que la France, pays pro business, selon Manuel Valls, déjà en 2015[5], devenue depuis 2017, la « start-up nation », à l’issue de ces États-généraux où les citoyens ne sont guère partie-prenante, ne tordent pas la liberté de la Presse, et donc la démocratie, à l’aune de préceptes de Patrick Le Lay !

Cette démocratie est aussi celle de la santé, nous avons organisé en ce sens, avec le CNAM Paris, le 20 juin 2023, un colloque intitulé :

Pouvoir d’agir des usagers : bilan et perspectives de la démocratie en santé. Ce premier évènement dont les publications paraîtront en 2024, sera suivi d’un autre colloque, le 13 juin 2024, toujours avec le CNAM Paris et cette année les Universités du Québec sur le thème : Pouvoir d’agir des usagers en France et au Québec : partage de connaissances pour une plus grande démocratie en santé. Du fait des distances, il se tiendra en visioconférence.

(Appel à communication en 4e page de couverture de ce numéro) Remercions Sandra Bertezène qui dirige notre partenaire, la chaire de Gestion des services de santé du Conservatoire National des Arts et Métiers et sa collègue Fatima Yatim de faire le pont entre ces deux colloques, posant la question de recherche fondatrice : Quel cadre épistémologique pour la démocratie en santé ? (page 11)

Comme l’on vient de le voir, avec ironie, la Covid a laissé une empreinte guerrière sur le vocabulaire politique. La crise sanitaire elle, a eu un impact sur les organisations et des effets sur les populations. Ce sont les titres des deux dossiers de ce numéro qui « encadrent » les contributions aux États-généraux de la presse que nous venons de présenter.

Comme toujours notre revue ne limite pas son champ géographique et culturel. Nous sommes ravis que des chercheurs de tous les continents nous apportent leurs analyses de terrain et leurs expériences.

Les risques de dépendance accrus pour la génération Z en lien avec les enceintes connectées, les perceptions différentes entre les hommes et les femmes du télétravail ou le référentiel comptable des entités à but non lucratif au sein de l’espace de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires, ont subi les effets de la crise sanitaire ! Tout cela est notre premier dossier.

• La vaccination contre la Covid-19 quant à elle, vaste sujet qui suscite tant de polémiques en France depuis 2021, peut avec très grand profit, être vue depuis le vaste continent africain, qui, reconnaissons-le, a plus de choses à nous apprendre que nous ne le pensons. C’est le comportement de Consommation Santé d’une part et une étude sociodémographique qui analyse les déterminants de l’adoption du vaccin d’autre part qui constituent le second dossier.

Si la crise sanitaire a bien changé nombre de comportements, ne renonçons pas à exercer tout esprit critique qui fonde la recherche scientifique et acceptons de débattre de tout avec tous, en toute liberté, pour défendre la liberté de la presse, quelle qu’elle soit, qu’elle partage ou non nos idées. Nous serons alors mobilisés pour de vrai et pour de vraies valeurs !


1. Philippe Naszályi, « Gestion du Covid-19 : un modèle de Kakistocratie, où règnent les médiocres ! », 20 juin 2020, Revue Politique et Parlementaire, https://www .revuepolitique.fr/

2. Déclaration de M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé, sur les mesures pour lutter contre l’épidémie du coronavirus, à Paris le 4 mars 2020.

3. Philippe Naszályi, « Assumer », La Revue des Sciences de Gestion, n°323, page1-2, octobre-novembre 2023

4. Patrick Le Lay, PDg de TF1, « The digital Deluge », « The Harold Innis lecture », Innis College, Université de Toronto, 16 novembre 2000, cité par Mario Cardinal : « Il ne faut pas toujours croire les journalistes », Bayard Canada, Montréal 2005, page 49.

5. Manuel Valls, « La France est un pays attractif, c’est un pays pro-entreprises, un pays pro-business, un pays qui avance et qui se réforme”, Pékin, 30 janvier 2015, https://www.gouvernement.fr/actualite/3257-la-france-est-un-pays-attractif-c-est-un-pays-pro-entreprises-un-pays-pro-business-un-pays-qui.

n°320 – Mundus universus exercet histrioniam

Philippe Naszályi

Qu’il me soit permis de commencer cet éditorial d’un numéro qui traite notamment de finance par ce vers de Pétrone qui me revient très souvent à l’esprit depuis mes humanités, il y a de cela plus d’un demi-siècle. « Le monde entier joue une vaste comédie », en est la traduction classique, même si le mot histrioniam, doive, à mon sens, se traduire par un terme plus fort que « comédie », plutôt par « farce » grossière voire caricature, et cela dans l’esprit du théâtre latin et celui de Pétrone et son Satyricon.

par Philippe Naszályi – Directeur de La RSG

consulter sommaire

C’est en effet, le retour depuis peu et de nouveau, de la crainte du jugement des agences de notation, au moment où la peur de l’inflation ressurgit sur les marchés et induit des politiques déflationnistes. L’histoire nous a pourtant appris leurs effets délétères pour les peuples et les économies. Tout cela ne peut que nous replonger dans ces farces politiciennes qui ne sont même plus drôles tant elles sont morbides ! Les principules qui nous dirigent depuis quelques années, plus affidés que jamais aux intérêts financiers, tremblent devant ces pauvres censeurs que sont ces agences qui, pourtant, et l’histoire une fois encore nous le rappelle, ne pressentent jamais rien, ne comprennent qu’après toutes les crises, les causes qu’elles n’ont ni vues, ni analysées, ni anticipées. Comme Marx le disait déjà : « L’histoire ne se répète pas, ou alors seulement la deuxième fois en farce ! »

Nous y sommes donc et ces maîtres du moment s’ils n’ont « rien appris » ont en revanche « tout oublié » pour se différencier de la célèbre formule de Talleyrand. « Tout oublié », c’est bien le plus grave pour des experts auto-proclamés et des gouvernants à la dérive.

Il faut dire que ces castes aux affaires sont quasiment interchangeables. Il est amusant de recevoir les doctes leçons de gestion du Premier président de la Cour des Comptes qui fut, il y a peu, un médiocre ministre de l’économie et des finances avec pour collègue Jérôme Cahuzac. Il faut se pincer pour ne pas rire, si cela se peut encore, pour considérer les avis de constitutionalité sur nos libertés en période de Covid ou sur la réforme des retraites de deux anciens Premiers ministres siégeant au Conseil constitutionnel. L’un est expérimenté d’un passage devant la Cour de justice de la République dans une terrible affaire de morts, et l’autre, un repris de justice condamné à 14 mois de prison avec sursis « pour prise illégale d’intérêt ».

Et pourtant, la situation pour les organisations que sont les entreprises comme les structures sans but lucratif qui pallient les tares et échecs du système économique, ne devrait pas prêter à rire tant les temps semblent incertains et les dangers de déflagration, y compris en Europe, bien réels.

C’est d’ailleurs dans cet esprit que nous avons tenus à présenter en ouverture de ce numéro, un article qui nous rappelle que la guerre d’Ukraine, certes d’abord favorable aux intérêts états-uniens, a aussi un effet sur les marchés financiers de nos partenaires européens, jadis situés derrière le Rideau de Fer, les PECO (page 11). Le premier dossier : « information et finance » découle tout naturellement de cette problématique qui trouve aussi son illustration dans cette autre approche de la finance qu’est « la comptabilité ».

Compte tenu des risques importants qui pèsent sur la stabilité macro financière mondiale, les pays doivent faire tout leur possible pour renforcer le dialogue afin de résoudre diplomatiquement les tensions géopolitiques et prévenir la fragmentation économique et financière, telle est la sage conclusion du Rapport sur la Stabilité financière du Monde, établi par le FMI en avril*.

Nous ne pouvons, à l’échelle de la gestion, que souhaiter que la « vaste comédie » à laquelle nous assistons retrouve la sagesse de « se corriger par le rire » « castigat ridendo mores » plutôt que de sombrer dans la tragédie qui pourrait s’en suivre !

* https://www.imf.org/fr/Publications/GFSR/Issues/2023/04/11/global-financial-stability-report-april-2023.

n°323 – Assumer

Il y a bien longtemps que, comme nombre de nos compatriotes, je suis fasciné par l’utilisation d’un verbe par tout ce qui compte dans le personnel politique français : Un usage à tort et à travers d’« assumer ». Un peu benoîtement, ce mot avait pour moi un sens fort et concernait des situations plutôt cornéliennes. Dans les Mémoires de Guerre du « plus illustre des Français », on trouve ce qui est le véritable sens d’assumer dans son amplitude et sa réalité tragique : « en ce moment, le pire de notre histoire, c’était à moi d’assumer la France[1]. »

par Philippe Naszályi – Directeur de La RSG

consulter sommaire

Il y a bien longtemps que, comme nombre de nos compatriotes, je suis fasciné par l’utilisation d’un verbe par tout ce qui compte dans le personnel politique français : Un usage à tort et à travers d’« assumer ». Un peu benoîtement, ce mot avait pour moi un sens fort et concernait des situations plutôt cornéliennes. Dans les Mémoires de Guerre du « plus illustre des Français », on trouve ce qui est le véritable sens d’assumer dans son amplitude et sa réalité tragique : « en ce moment, le pire de notre histoire, c’était à moi d’assumer la France[1]. »

Hors, assumer est l’un des mots les plus employés par l’actuel Président français, successeur très lointain du Général, et par ses nombreux affidés. Utilisé à peu près pour tout et son contraire, on n’est pas certain que l’actuel locataire de l’Élysée ait bien compris le sens de ce mot et son implication pour lui. Quant à nous « le vide effrayant du renoncement général » nous saute immédiatement aux yeux avec la même évidence, mutatis mutandis, que ce décrivait Charles de Gaulle : « Une clique de politiciens tarés, d’affairistes sans honneur, de fonctionnaires arrivistes et de mauvais généraux se ruait à l’usurpation en même temps qu’à la servitude[2] » a repris le pouvoir. Les « profiteurs d’abandon » et « les débrouillards de la décadence[3] », comme en 1948, tiennent de nouveau le haut du pavé !

Mais revenons à ce verbe si usuel dans le vocabulaire de nos politiciens. Assumer, c’est une double responsabilité. En effet, le préfixe (rare) latin « sum », dans l’esprit du grec « syn », « avec », est renforcé par le préfixe « ad » qui lui, indique la direction et vient parfaire le verbe « emere », prendre. Assumer, c’est donc, une action forte voire très forte, qui implique un engagement personnel par ces deux préfixes qui s’additionnent.

Assumer, c’est prendre sur soi tout le poids d’une situation et revêtir une sorte de tunique comme Nessus. Cela ne peut pas être évidemment imposer à d’autres les peines des décisions qu’on a prises !

On ne peut s’empêcher à ce niveau étymologique de se rappeler également qu’en latin courant le supin d’assumere, assumptum, est aussi devenu adsumentum, qui se traduit par « morceau de rapiéçage ». Voilà bien le sens figuré qu’il convient d’entendre chaque fois que ces doctes politiciens se targuent d’assumer à propos de tous les sujets.

Voilà bien le véritable sens de la politique assumée par ces gens-là !

Ainsi, assumer la réforme des retraites, c’est donc tout simplement dénaturer le sens même du verbe, le détourner, le torde jusqu’à le rendre méconnaissable. Ce n’est pas le Ministre du Travail, la Première-ministre ou le Président qui assument[4], mais l’ensemble des Français, hormis ceux qui, bien tranquilles, sont déjà à la retraite et souvent approuvent cette mesure pour les autres ! C’est l’ensemble des travailleurs qui vont attendre deux ans de plus pour avoir accès au repos.

En fait, assumer, qui signifie prendre pour soi la pénibilité de l’action, est devenu : « je vous fait mal, je vous enferme, je vous insulte mais rassurez-vous, je me fiche complètement de votre avis, de votre souffrance, de votre opposition, et si vous ne m’aimez pas, en fait, cela me va très bien, c’est cela que j’assume ! »

Je partage l’avis de mon confrère de Libération qui faisait justement remarquer, il y a peu, dans une tribune, sur France Inter, qu’« assumer » signifie aujourd’hui « se foutre complètement de toute morale[5] ! »

Déjà en 2017, toujours sur France Inter, Fréderic Seys, se moquant de l’emploi déjà fréquent de « j’assume », par le « nouveau monde » politique fraichement élu, constatait qu’« en français de l’ancien monde », « j’assume » se disait « circulez, il n’y a rien à voir[6] ».

Autrement dit, cette « nouvelle formule magique » vise à couper court à tout débat, toute interrogation mais aussi à toute recherche et à toute réflexion ! Nous ne sommes donc pas, loin de là, les seuls à nous en plaindre et à fustiger cet emploi excessif voire scandaleux. Rien d’original donc pourriez-vous dire !

Et bien, non ! Car constater le vide de la pensée politique et son immoralité ne nous semble pas suffisant. Le numéro que nous introduisons par cette dénonciation, se veut aussi jeu de mots : assumer, c’est donc « prendre en compte » les faits, les réalités et leurs conséquences.

Voilà pourquoi prendre en compte, inspire le premier dossier : Rôle de l’État : fiscalité et organisation comptable qui débute par un article qui décrit « les relations entre le niveau d’imposition et la gouvernance d’entreprise dans le contexte français » (page 11). Sur la même thématique, mais à partir de l’étude de 269 entreprises au Cameroun, nous nous interrogeons sur la promotion des investissements à l’aune des incitations fiscales et de son optimisation (page 25). Le dernier article de ce premier dossier s’illustre en Asie cette fois et en particulier au Viet Nam par une prise en compte de la perception par les professionnels des réformes comptables

voulues par l’État ! (page 35).

Poursuivant cheminement méthodologique de la prise en compte : La gestion comptable et les performances entrepreneuriales, déroule une étude sur la « qualité de l’information comptable et la performance d’entreprise » (page 53). Prenant source au Maroc, (page 67), les auteurs s’interrogent sur la création de richesse par la valeur ajoutée sur une longue durée (2004-2018) et en analysant 136 sociétés (68 firmes initiatrices et 68 entreprises de contrôle) ; Enfin, dans la Communauté Économique et Monétaire de l’Afrique Centrale (CEMAC), créée en 1994, et qui compte six pays, l’étude présentée ici (page 79), démontre « que la méconnaissance ou l’inadéquation de certains éléments clés de la flexibilité organisationnelle dans le management des Établissements de microfinance (EMF) serait à l’origine de leur disparition précoce ».

Ces six articles, inspirés d’exemples bien au-delà des frontières hexagonales ou des lieux géographiquement restreints, étudiés exclusivement par les auteurs du mainstream qui nous fait tant de mal, apportent une ouverture à tous les gestionnaires qui ne croient pas que la science se limite à copier médiocrement mais à se comparer, s’enrichir des autres et s’inspirer de modèles différents.

Nous sommes fidèles à notre conviction réaffirmée depuis près de 60 ans que la comparaison des différents modes de gestion selon les cultures, est la seule voie d’un progrès collectif : Diriger, c’est obtenir un résultat par d’autres que soi et c’est aussi être responsable de ce que d’autres ont fait[7], c’est à coup sûr cela assumer et nous assumons donc ces choix d’ouverture aux autres !


1. Charles de Gaulle, Mémoires de guerre, tome i, « l’Appel (1940-1942) », 1954, Paris, Plon, p. 73.

2. Charles de Gaulle, Discours prononcé au comité national français d’Égypte et diffusé par la radio de Londres, 18 juin 1941.

3. Charles de Gaulle, Discours prononcé au Vélodrome d’hiver, aux délégués des groupes d’entreprises du RPF, 14 décembre 1948.

4. Réforme des retraites : Emmanuel Macron assume son texte, 22 mars 2023, France Info.

5. Dov Alfon, directeur de la publication et de la rédaction du journal Libération, France Inter, lundi 10 octobre 2022.

6. 21 décembre 2017.

7. Octave Gélinier, 1963, Fonctions et tâches de direction générale.

n°321-322 – Éthique et/ou Ordre moral ?

Le Monde des affaires, comme celui de la politique ont tendance, sous l’inspiration du pays de la prohibition, de la ségrégation raciale et du maccarthysme, à épouser les modes qui passent.

Peut-on alors classer l’utilisation du mot « éthique » dans cette catégorie des pensées qui passent avec d’autant plus de facilité qu’elles sont accolées à des réalités antithétiques.

par Philippe Naszályi – Directeur de La RSG

consulter sommaire

Les affaires, c’est aussi l’expression pour désigner les points les moins honnêtes d’une situation politique, économique, juridique. Les Panama papers en 1976, sont un amusant clin d’œil éponyme au scandale de Panama (1891-1892) qui éclaboussa, outre Ferdinand de Lesseps et Gustave Eiffel, plus de 100 parlementaires français qui avaient touché de l’argent : « les chéquards », et parmi eux, le futur « Père la Victoire », Clemenceau !

Les Panoma papers, après les Pantagone papers de 1971 et avant les Pandora papers de l’automne 2021 sont ces révélation d’une certaine presse au nom d’une morale, de la morale (?), un ensemble de principes éthiques qui séparent les bons et mauvais comportements des organisations !

Mais, dans un univers où le principe du profit illimité et de la mesure par l’argent de tout ou presque, il est comique de chercher appui sur la morale pour se justifier ! Ne serait-ce pas au fond une vaste Tartufferie entre membres de la même caste ! Il n’y a en fait qu’une différence de degrés entre l’argent gagné honnêtement comme tous les contes le rapportent et celui qui provient d’une spéculation, d’une découverte ou de différents moyens. Il y a une hypocrisie extrême à parler d’argent « sale » ou « propre » comme si celui-ci dont on sait qu’il n’a pas d’odeur, était d’une quelconque différence sur un compte en banque ou en monnaie sonnante et trébuchante. Seul un « ordre moral » peut définir de manière claire, mais par nature contextuelle et circonstancielle, ce qui peut se faire et qui ne le peut pas ! Or la pensée néolibérale qui prévaut depuis que les Chicago boys ont popularisé, il y a 50 ans, les théories friemanniennes grâce au Chili de Pinochet, a proclamé haut et fort que « l’État est le problème », par la voix de son plus célèbre tenant que fut Ronald Reagan[1].

Disciple de l’école autrichienne L. von Mises[2] qui serait Ukrainien aujourd’hui ou de F. Hayek[3], le Président américain, tirait sa conviction individualiste et antiétatique, non pas seulement, de la reine de « l’égoïsme rationnel » qu’était Ayn Rand[4], mais aussi d’un penseur du XIXe siècle, français de surcroît, Fréderic Bastiat[5].

« Quels sont les peuples les plus heureux, les plus moraux, les plus paisibles ?

Ceux où la loi intervient le moins dans l’activité privée ; où le gouvernement se fait le moins sentir ; où l’individualité a le plus de ressort et l’opinion publique le plus d’influence[6] ».

L’opinion publique, voilà bien un critère qui sorti des idées du siècle des Lumières peut également déboucher sur les pires « chasses à l’homme » : les lynchages (autre mot américain), les hurlements : « à mort », entendus aussi bien au passage des charrettes de condamnés, auprès des buchers des sorcières, ou des différentes manifestations, avec leurs variantes racistes, sexistes ou religieuses parait bien fragile pour établir une morale et établir « l’ordre spontané » que prône Bastiat !

John Locke, un siècle auparavant n’a pourtant pas dit autre chose en affirmant que « cette approbation ou cette désapprobation, cette louange ou ce blâme, qui par consentement tacite et secret s’installent en diverses sociétés, tribus et associations humaines à travers le monde : des actions y acquièrent crédit ou disgrâce, selon le jugement, les normes ou les habitudes du lieu[7] ».

« Normes et habitudes du lieu », sorte de Théorie des climats, voilà bien le sujet de difficultés qui fait que l’opinion publique, versatile, ne repose pas sur des valeurs intangibles mais qu’elle fluctue au gré de ses sympathies. Celles-ci peuvent être orchestrées par des campagne de médias plus ou moins honnêtes.

Or si la mesure de toute chose est la propriété qui naît de la possession des biens et de l’argent, il n’est nullement impossible que la presse, les médias d’opinion, voire les influenceurs ou quelle que puissance étrangère manipulent cette opinion.

Adulé un jour, vilipendé le lendemain sont des situations que nous observons très fréquemment !

On assiste alors, et ce n’est pas le moindre paradoxe de ces libéraux, parfois même libertariens, qui ne veulent aucune règle mais ne supportent pas non plus l’anarchie et le désordre !

Pinochet un temps, tout comme Xi Jinping depuis 20 ans sont autant de personnages dont les politiques sont agréées par R.

Reagan ou son successeur G.W. Bush. Ce n’est pas là non plus le moindre des paradoxes de l’éthique.

Sans transcendance, il n’est guère d’intangibilité des règles morales, comme le soulignait avec justesse Chateaubriand, mais là aussi, il semble que les moeurs évoluant, les choses ne soient pas si simples. Ceux qui acceptèrent qu’on brûlât des hérétiques sont désormais des tenants de l’abolition de la peine de mort et les pacifistes hindous font de nos jours les pires exactions contre les chrétiens ou les musulmans de leur pays !

À qui donc et à quoi se fier pour établir une éthique en particulier dans le mouvant monde des affaires ?

Qui fait donc la loi ? L’Autorité, comme le prône Hobbes, Auctoritas, non veritas, facit legem[8], mais quelle autorité ?

Pas celle de l’État qui doit être minimaliste, si l’on s’en réfère aux Libéraux qui prôneraient plutôt : Veritas non auctoritas facit legem[9] ! Vérité pour faire la loi, mais quelle vérité ?

Celle des mouvements hiératiques de l’opinion publique plus ou moins manipulée ou celle de ses innombrables conseils, comités, ce que l’on appelle l’« État de droit » qu’il institue dans la plupart des démocraties, à l’imitation de la Cour Suprême étasunienne, avec plus ou moins de bonheur !

Mais là aussi, qui compose ses conseils et autres cours plus ou moins suprêmes ? Les exemples tant aux États-Unis qu’en France, avec le pitoyable Conseil constitutionnel depuis les nominations en son sein de ministres en plein exercices de mandat ou des premiers ministres particulièrement concernés par des lois, après leur exercice sont là pour monter que l’absence de vertu des Dirigeants porte une grave atteinte à la crédibilité de ces super structures chargées de définir le juste et le bien et de censurer l’injuste et le mal !

Et pourtant, nous semblons depuis le Bill of Rights de 1689 et les nombreuses Déclarations des Droits qui s’en sont suivies, définir un ensemble de lois nées du « jus naturale » fondé sur l’égalité. « Le bon sens est la chose du monde la mieux partagée[10] » comme le proclame déjà Descartes. Le deuxième axiome semble être celui de la conservation de la vie… pour ne citer que les premières lois naturelles qui semblent proclamées par la pensée occidentale. Et F. Bastiat d’ajouter toujours dans La Loi, « Ce n’est pas parce que les hommes ont édicté des Lois que la Personnalité, la Liberté et la Propriété existent.

Au contraire, c’est parce que la Personnalité, la Liberté et la Propriété préexistent que les hommes font des Lois. « C’est aussi sur cette vérité là que s’ouvre la Déclarations de 1789 : « considérant que l’ignorance, l’oubli ou le mépris des droits de l’homme sont les seules causes des malheurs publics. » Si l’on a oublié c’est ce que cela préexistait de tout temps ! Rien qu’à leur énoncé, nous comprenons toutefois toute la difficulté de leur interprétation et même de leur acceptation.

Doit-on alors encore s’intéresser à ce sujet insaisissable, indéfinissable et fluctuant pour ne pas dire polémique qu’est l’éthique ?

Et bien oui, nous l’avons osé. Sans en méconnaître la difficulté, grâce à une contribution d’articles que j’ai délégué à un rédacteur en chef invité, nous ne nous excluons pas de ces débats permanents. Un premier dossier apporte le pragmatisme nécessaire adapté à nos matières : Éthique en sciences de gestion et nouveaux modèles d’affaires.

Mais l’éthique s’est développée également dans les organisations proposant comme leur but ou comme leur contribution volontaire aux enjeux environnementaux, bien que cette acception mécanique et matérialiste avec une connotation quelque peu animiste nous semble oublier l’essentiel, la société des humains. Nous proposons donc de traiter le sujet dans son plus grand dénominateur commun, non seulement celui de la responsabilité sociale et mais aussi sociétale des entreprises.

Cela constitue le second dossier : La RSE en application : liens sociaux et performances.

Notre revue, dès les premiers travaux de recherche, toujours contre les tenants de la pensée dominante totalitaire, avait pensé que la réflexion sur la RSE était un sujet prometteur.

Nous avons publié alors, il y a 20 ans déjà, le premier colloque de l’ADERSE[11] avec ses pères fondateurs de 2002. Comme dans bien des domaines depuis 1965, notre revue a défriché, innové et pris le risque de déplaire car elle croit que c’est son rôle et depuis ce sujet a prospéré !

Dans ce sujet de la RSE comme de l’éthique le débat, la controverse et l’apport des constats et des pratiques doivent nous éviter le dogmatisme :

Selon que vous serez puissant ou misérable,
Les jugements de cour vous rendront blanc ou noir[12].

La conclusion de la fable Les Animaux malades de la peste de Jean de la Fontaine n’a pas perdu une ride, que la justice soit rendue au nom de l’Autorité ou de l’Opinion publique !

Gardons donc la gestion hors de ce champ arbitraire et mouvant en lui évitant cet Ordre moral qu’on revoit poindre avec tous les excès de la bonne conscience, de la vérité autoproclamée et parfois même les meilleures intentions.

André Gide dans la préface qu’il rédige lui-même pour son roman L’Immoraliste[13], indique s’être contenté de « peindre et d’éclairer » pour permettre au lecteur de juger par lui-même.

C’est cet amoralisme que je fais mien !


1. In this present crisis, government is not the solution to our problem ; government is the problem », discours d’Investiture, 20 janvier 1981.

2. 1881-1973.

3. 1899-1992.

4. AynRand, (1905-1982) The Virtue of Selfishness: A New Concept of Egoism, 1964.

5. 1801-1850.

6. La Loi, 1850.

7. John Locke, Essai sur l’entendement humain, Paris, Vrin, 2001, I, p. 551.
8. Hobbes, Leviathan., c. XXVI : L’autorité et non la vérité fait la loi, 1668.

9. La vérité et non l’autorité fait la loi.

10. Discours de la Méthode.

11. La Revue des Sciences de Gestion, n° 205, février 2004, p. 59-142 https://www.decitre.fr/revues/la-revue-des-sciences-de-gestion-n-205-janvierfevrier-

2004-5552001457031.html

12. Les Animaux malades de la Peste, Jean de La Fontaine, livre vii – 1, 1678.

13. 1902.

n°319 – Le marketing dans tous ses états

Ouvrir l’année 2023 qui se dessine avec d’inquiétants points d’interrogation tant la situation mondiale parait incertaine sur des questions de marketing, nous permet de nous recentrer sur l’une des problématiques de gestion que La RSG n’avait pas traité depuis plusieurs années. Non que le marketing fût exclu de nos publications, mais à aucun moment les études qui nous étaient présentées ou les contributions qui nous étaient soumises ne permettaient de consacrer à ce sujet un numéro entier !

par Philippe Naszályi – Directeur de La RSG

consulter sommaire

C’est désormais chose dépassée puisque nous pouvons présenter ici un ensemble d’articles qui abordent le marketing de différentes façons et sont, comme toujours dans notre revue, d’origine et d’horizon variés puisque nous le proclamons haut et fort : il n’y a pas, et loin de là, qu’un seul modèle de science de gestion qui se calquerait sur les pratiques étasuniennes !

Force est de constater que cette conviction forte qui est notre credo originel et notre « marque de fabrique » commence à être partagée par nombre de chercheurs et rédacteurs de nos consœurs les revues de gestion et nous avons été heureux de lire sous la plume de Jean-Philippe Denis, ancien Rédacteur en Chef de la RFG qu’il valait mieux « valoriser la recherche française que singer le modèle américain[1] ». Nous aurions plutôt mis « francophone » quant à nous puisque depuis de très nombreuses années, nous tenons à publier les auteurs qui, partout dans le monde, expriment leur recherche en français.

En effet, La RSG est partenaire, d’une part, du Centre d’Études sur le Développement International et les Mouvements Économiques et Sociaux (CEDIMES) qui a eu cinquante ans en 2022 et célébrera cet anniversaire solennellement par un colloque international du 12 au 14 octobre 2023[2], et d’autre part, du réseau ERECO-PGV qui prépare sa XIXe conférence en janvier 2024 qui aura lieu à l’Université Matej-Bel de Banská Bystrica (Slovaquie).

Car notre politique francophone internationale ne se contente pas de se glorifier de classements obtenus dans des cénacles très, très obscurs et où l’entre-soi est la règle, comme une nouvelle forme de « repli communautaire[3] ».

Au contraire, elle entend rayonner sur les sites internationaux. Elle s’enorgueillit de compter parmi nos auteurs un étranger sur deux et de faire valider nos articles non pas seulement par deux évaluateurs, mais bien par trois puisque l’un est obligatoirement un chercheur étranger.

C’est pour cela que ce numéro 319, de la plus ancienne revue francophone de gestion, entend continuer loin des sérails et autres connivences, de faire émerger une jeune recherche africaine, des contributions nord-américaine, des nouveautés venues de l’Asie et de la péninsule arabique sans oublier bien sûr l’apport français et européen.

Ce n’est pas pour rien non plus que rare, voire unique, parmi les revues de recherche en gestion, nous entendons appartenir à la presse française et à en respecter les normes et les obligations.

Notre participation au Conseil d’Administration du Conseil de Déontologie Journalistique et de Médiation dont nous tenons à publier ici la recommandation pour « le traitement des questions scientifiques » (page 91) est le signe de notre attachement à l’éthique de publication et de la recherche[4] !

C’est un plaisir de voir comme des chercheurs qui ont commencé à publier dans notre revue, sont ensuite happés par des consœurs plus étoilées, confirmant en cela notre longue tradition de découvreurs de talents. Dans le numéro de nos 50 ans en 2015, nous avions repris cette longue, très longue kyrielle d’éminents professeurs qui avaient été tout d’abord nos contributeurs. « C’est avoir tort que d’avoir raison trop tôt[5] » !

On pourra bien entendu m’objecter que parfois nos publications ne sont pas aussi abouties que ce qu’elles devraient être dans une vision un peu compassée d’un académisme étroit sinon désuet.

Et bien, nous en avons depuis toujours accepté le risque ou plutôt l’opportunité car il se fonde sur ce que nous croyons indispensable à savoir « l’adéquation du travail scientifique et des besoins sociaux[6] ». « À la synthèse intellectuelle majeure, au « chef-d’œuvre » d’un seul homme, symbolisé un temps par le doctorat d’État, s’opposent alors les travaux spécialisés d’équipes de recherche sans cesse destinés à être dépassés – ce qui renvoie notamment à l’antagonisme de « l’homme cultivé » et du « spécialiste[7] », que Weber voyait à l’arrière-plan de tous les débats sur les fondements du système éducatif[8] ».

Le marketing dans tous ses états qui constitue l’unique dossier de sept articles de ce numéro, obéit à cette logique des diversités régionales, des différentes approches conceptuelles autour de la règle des « 4 P » : Politique du Produit, Prix, Placement, Publicité et s’inscrit dans le cadre d’une économie post-covidienne.


1. 18 octobre 2019 – https://theconversation.com/valoriser-la-recherche-francaise-plutot-que-singer-le-modele-americain-125468.

2. http://www.cedimes.com/images/College_doctoral_2023/230414_colloque_Dossier_AAC.pdf.

3. Tissot, Sylvie (2014). Entre soi et les autres. Actes de la recherche en sciences sociales, 204, 4-9. https://doi.org/10.3917/arss.204.0004.

4. Goiseau, Élise, et Yoann Bazin (2022) « La New Brunswick Declaration, ou comment nos collègues étrangers redonnent du sens à l’éthique de la recherche (et pourquoi nous devrions nous y intéresser) , La Revue des Sciences de Gestion, vol. 315-316, no. 3-4, 2022, pp. 13-16.

5. Marguerite Yourcenar, Memoire d’Hadrien, p. 97

6. Laperche, Blandine (2003). « Les critères marchands d’évaluation du travail scientifique dans la nouvelle économie La science comme “force productive” et “outil marketing“ », Innovations, vol. no 17, no. 1, 2003, pp. 105-138.

7. Faure, Sylvia, et Charles Soulié (2006). « La recherche universitaire à l’épreuve de la massification scolaire », Actes de la recherche en sciences sociales, vol. n°164, n°4, 2006, pp. 61-74.

8. Max Weber, Hindouisme et bouddhisme, Paris, Flammarion, 2003, p. 148 (traduction d’Isabelle Kalinowski).

n°317-318 – Faire semblant de traiter les effets pour éviter de s’attaquer aux causes !

Philippe Naszalyi LaRSG Stratégies et innovations

C’est à peu près ce que tous les gouvernants et autres grands dirigeants s’efforcent de réaliser depuis que les « spin doctors » ont pris le pas sur les convictions politiques et les choix idéologiques ! C’est avec « la fin de l’histoire », celle de l’américain Francis Fukuyama, ce mauvais succédané ou « ersatz » hégélien, l’une des plaies du cirque médiatico-politique ambiant !

par Philippe Naszályi – Directeur de La RSG

consulter sommaire

Nous devons ces pratiques, comme l’essentiel de notre pensée économiques, à nos « amis » anglais et américains, et cela est devenu caricatural au niveau le plus élevé de l’État.

En effet, sans pratiquer ici une étude de science politique poussée, on peut considérer que faute d’adversaire idéologique avec la fin du communisme en Europe, le système néolibéral Reagano-Thatchérien a enfanté ce monstre dont l’un des avatars les plus prometteurs est sans doute Tony Blair ! Depuis, il a fait des « ménages » très lucratifs grâce notamment à la « Tony Blair Associates » fermée en 2016. Il est vrai que lorsque l’on a à raconter cinq guerres déclenchées en six ans au « 10 », dont bien sûr celle provoquée par le célèbre mensonge des « armes de destruction massive » d’Irak, on est un conférencier d’excellence et un administrateur intéressant pour des entreprises saoudiennes ou russes ! Ne soyons pas si sévères, il fut admirable à la mort de Diana et avec un physique avantageux, un peu à la Barak O., on est absous à la fois par l’opinion populaire et par la médiocratie qui règne dans les salles de rédaction et les arcanes des castes au pouvoir. Son commensal le plus éclairant est le financier de sa campagne. Jean-Louis Legalery décrit en effet Peter Mandelson comme « l’incarnation du spin doctor, ce prototype de chargé de communication prêt à déformer la réalité, à la tordre [sens littéral de to spin] pour faire passer le présumé message politique[1] », ce qui sera le « New labour » qui a fortement influencé nombre de « socialistes » français !

Nous y voilà ! Tous les ingrédients sont constitués : l’affairisme et ses liens financiers, la communication et ses mensonges, l’absence de convictions qui mène à la perte de sens. Vous devez y ajouter une dose de proximité avec le monde des médias, P. Mandelson a été producteur de télévision[2], comme plus tard, l’inénarrable animateur Donald Trump ou, pour ne vexer aucun contemporain en France en parlant aussi de liens matrimoniaux, le regretté Bernard Tapie !

Cela pourrait en fait, n’avoir aucune importance si cet assemblage de hâbleurs politiques qui peuvent défendre tout et son contraire parfois dans le même discours et de petits communicants mercenaires à la solde d’intérêts oligarchiques, ne développaient des politiques tout à fait dangereuses pour l’équilibre économique et social du plus grand nombre. Laurent Mauduit[3] l’a démontré également en décrivant « l’aboutissement de l’histoire longue de la haute fonction publique, qui a cessé de défendre l’intérêt général pour se battre en faveur de ses seuls intérêts ».

Le tout, nous l’avons bien compris, s’inscrit également la pensée économique mainstream qui nous est présentée comme « neutre » alors que ses opposants seraient eux, « engagés », comme le font remarquer à juste titre Virginie Martin et Béatrice Mabilon-Bonfils[4]. Cette imposture de la majorité se marque hélas aussi dans bien d’autres domaines, comme si la science pouvait résulter simplement d’un consensus indépassable, alors que toute l’histoire humaine n’évolue que par la remise en question permanente des travaux précédents !

Penser autrement est souvent « complotiste » et l’on revoit apparaître, de « Grands Inquisiteurs » ou « ayatollahs » et pas seulement en Iran, appuyés par cette nouvelle Nomenklatura qu’on vient d’évoquer pour pourchasser tous ceux qui, dans le domaine de la pensée, ont une approche différente, jugée de ce fait hérétique ! Il est intéressant par exemple de constater que tous les économistes qui proposent une autre voie, soient classés « hétérodoxes », terme également à connotation religieuse. Il est éclairant que ces « différents » ne soient pratiquement jamais devenus Professeurs des Universités en France et restent maîtres de conférences. Cela en dit long sur ces « commissions de spécialistes » et l’autonomie de la science ! On peut en ce domaine compter sur le gourou Jean Tirolle, prix de la Banque de Suède en sciences économiques en mémoire d’Alfred Nobel, pour empêcher l’émergence d’une section nouvelle du Conseil National des Universités (CNU) intitulée « économie et société[5] ». Et pourtant, comme le souligne Nicolas Postel, il existe bien « deux paradigmes concurrents d’analyse de l’économique : l’un, que nous qualifierons d’institutionnaliste, situe l’économie dans les sciences sociales ; l’autre, que nous qualifierons de formel, considère que les questions économiques relèvent davantage d’une branche de la logique[6] ». Cette dernière est incarnée par le courant dominant. Évidemment la caste au pouvoir a soutenu Jean Tirolle contre l’innovation proposée par l’Association française d’économie politique (Afep) soutenue notamment par Thomas Piketty. « Les économistes mainstream pourront continuer à se choisir entre eux[7] ».

Toujours faire semblant de traiter les effets pour éviter de s’attaquer aux causes ! En effet, cette contestation épistémologique ou critique n’est peut pas entrer dans l’air du temps qui doit être immédiatement rentable. Et pourtant, c’est cette sottise qui nous a rendus et nous rend toujours dépendants des médicaments, des objets technologiques voire de simples produits de fabrication du bâtiment, ferraille, ciment… principalement de l’Asie, mais aussi parfois de nos voisins.

Remercions les inventeurs de ce dérivé du toyotisme qu’est le « flux tendu ». Cette pratique qu’on a imposée au nom des coûts de stockage, est l’une des nombreuses illusions de la période monétariste qui, nous l’espérons, s’achève et va mettre un terme au règne des héritiers des Chicago boys. Le coût monétaire mais aussi économique et social pèse sur la majeure partie de la population alors que les profits ont, eux, été engrangés par les financiers depuis plusieurs décennies.

Comme toujours : Faire semblant de traiter les effets pour éviter de s’attaquer aux causes. Bien entendu, ce sont les fonds publics : « quoi qu’il en coûte » qui vont être appelés à renflouer les caisses privées, assurer la paix sociale notamment par les caisses d’allocations familiales détournées de leur vocation initiale, et pallier les incohérences de la politique européenne, notamment sur le prix de l’électricité[8]. La caste aux affaires est l’alliée des affairistes comme à chaque fois que cela se produit. Ne parle-t-on pas couramment de cette politique qui consiste à privatiser les bénéfices (c’est fait) pour nationaliser les pertes (c’est en cours depuis 2020 plus encore qu’avant). Il est bon, même si nous le savons tous, de rappeler que selon un rapport d’Oxfam la « fortune des Français les plus riches a davantage augmenté pendant la pandémie que ces dix dernières années[9] ».

Cette pratique qui découle de la recherche permanente de la maximisation des profits n’épargne évidemment pas la recherche dont on a déjà souligné son indigent budget.

Comme le souligne le philosophe Mathias Girel : « L’agenda des recherches est fixé par l’état-major des sociétés philanthropiques.

Autrement dit, une poignée de personnes peut décider de se désengager d’un champ de recherche du jour au lendemain si les conditions de visibilité ou d’obtention de résultats à court terme ne sont pas maximales[10]… » Tempérons toutefois l’optimisme du philosophe son quant à la vertu de la budgétisation publique du fait du courtermisme imposé par les budgets publics. Ils visent à valoriser depuis au moins 2007, la start-up à effet immédiat à la recherche dite fondamentale !

Ainsi en est-il en pratique hospitalière, les coûts réels de certaines opérations nécessitant l’utilisation de technologies innovantes sont parfois d’un tiers plus élevés que la prise en charge par l’Assurance Maladie ! Cela favorise et les retards d’investissement des établissements et les dépassements d’honoraires dans les établissements privés entraînant ce que l’on appelle une médecine à deux vitesses, l’inverse donc de l’objectif de la protection sociale.

Faire semblant de traiter les effets pour éviter de s’attaquer aux causes est donc le fruit de ces choix idéologiques imposés et que toute la caste politicienne a parfaitement intégré rendant même inutile pour beaucoup, le vote et donc superflue la démocratie. « Bonnet blanc et blanc bonnet », utilisé par Jacques Duclos pour caractériser le deuxième tour de scrutin de la présidentielle française de 1969 qui opposait le « gaulliste » Georges Pompidou et le centriste Alain Poher, est désormais le lot de quasiment toute élection ! Même ceux qui sont placés aux extrêmes sont accusés indistinctement de « populisme », sans que personne ne sache bien ce dont il s’agit, sauf que c’est un terme péjoratif. Le but est évidemment de les dévaloriser grâce aux médias du mainstream en évitant précautionneusement tout débat sur les idées. La caste politique, malgré ses larmes de crocodile, se satisfait très bien d’occuper les postes électifs et d’en toucher les prébendes avec l’assentiment d’une infime minorité du corps électoral.

Et l’on s’étonne que la parole publique soit dévaluée et les élus de moins en moins reconnus voire « agressés » pour un certain nombre alors que les modalités de leur élection les rendent parfaitement illégitimes pour la plupart ! Ce n’est pas en aggravant les peines prévues pour ces méfaits au code pénal que l’on évitera de faire semblant de traiter les effets pour éviter de s’attaquer aux causes !

L’essentiel est surtout de ne pas poser de questions ou de poser de mauvaises questions sur les causes réelles. Lorsque nous étions jeunes étudiants en histoire à la Sorbonne, on nous disait que devant un texte, il faut toujours se poser la question « qui dit réellement quoi à qui ? ». C’est depuis longtemps une question que la plupart des médiocrates se refusent et même interdisent qu’on se la pose !

Nos lecteurs, s’il en reste après ce long réquisitoire, ont compris que nous nous situons loin du mainstream. Je suis particulièrement fier de ce numéro de l’automne car il apporte des contribuions de la francophonie dans toute sa diversité d’approches, de contextes, de d’hypothèses et de solutions !

La diversité se vit, elle ne se décrète pas par quotas !

Pour y entrer plus encore, nous avons décidé d’ouvrir nos colonnes, pour la deuxième fois, et pas la seconde, à une publication plutôt propre à la politique économique, qu’à la gestion au sens étroit du terme, celle du Centre d’étude et de réflexion sur le monde francophone (CERMF), consacrée à la Côte d’Ivoire. L’Afrique et les auteurs africains que vous pourrez lire dans les trois dossiers de ce numéro apportent une réflexion souvent différente, mais qui mène à réfléchir d’abord et parfois même très différemment vis-à-vis de nos stéréotypes de gestionnaires marqués par l’« étasunisme » ambiant. Nos collègues du Québec qui contribuent régulièrement à notre revue consolident ici dans le cas des PME, notre approche ouverte vers d’autres horizons. Universitaires comme enseignants-chercheurs et praticiens des écoles de commerce françaises constituent la deuxième source d’enrichissement de ce numéro !

Fréderic Joliot, prix Nobel de chimie 1935, invitait naguère les scientifiques « à se préoccuper de l’utilisation qui est faite de leurs découvertes[11] », à l’heure où les défis climatiques rendent plus utiles le recours à l’atome, c’est encore plus que d’actualité.

C’est à coup sûr dans cet esprit que nos auteurs travaillent pour que l’innovation organisationnelle en gestion serve réellement au progrès social et que nous ne soyons pas complices du faire semblant de traiter les effets pour éviter de s’attaquer aux causes !


1. Jean-Louis Legalery, (2008), The Prince of Darkness is back, https://blogs.mediapart.fr/jean-louis-legalery/blog/061008/prince-darkness-back.

2. London Weekend Television, membre du groupe ITV.

3. Laurent Mauduit (2008), « La Caste», enquête sur cette noblesse d’Etat qui a choisi le camp de l’aristocratie d’argent, La Découverte.

4. Virginie Martin et Béatrice Mabilon-Bonfils (2020), Pour sortir du mainstream économique – La science économique, une science entre auto-légitimation et croyance.

5. https://assoeconomiepolitique.org/dossier-nouvelle-section-au-cnu-economie-et-societe/.

6. Nicolas Postel, (2011). Le pluralisme est mort, vive le pluralisme !, L’Économie politique, 50, 6-31. https://doi.org/10.3917/leco.050.0006.

7. https://www.apses.org/spip.php?article5882#.Y5LjnHbMJPY.

8. Philippe Naszályi (2019), Electricité : l’hérésie de l’ouverture à la concurrence, https://www.marianne.net/agora/humeurs/energie-electricite-edf-heresie-concurrence.

9. https://www.francetvinfo.fr/sante/maladie/coronavirus/covid-19-quatre-questions-sur-l-enrichissement-des-grandes-fortunes-francaises-pendant-lapandemie_4931281.html.

10. Entretien avec Mathias Girel par Charline Zeitoun ( 2019) « La science est-elle en crise ? » CNRS Le Journal https://lejournal.cnrs.fr/articles/la-science-est-elle-encrise.

11. Cité par Hélène Langevin-Joliot (2015). « Progrès scientifique et progrès : pour sortir de la confusion », Raison présente, vol. 194, no. 2, 2015, p. 19-29. https://doi.org/10.3917/rpre.194.0019.

n°315-316 – Qu’en est-il des macaques à longue queue ?

Philippe Naszalyi LaRSG Stratégies et innovations

Si l’on en croit, et pourquoi ne les croirait-on pas, les chercheurs qui travaillent pour la santé des êtres humains, l’un des effets de la Crise du COVID 19 est la pénurie des primates indispensables pour travailler sur la pathologie, le virus, les vaccins ! La mondialisation nous (Européens comme États-Uniens) fait là encore, dépendre de la Chine ! Paradoxe de plus qui ne semble guère émouvoir nos principales qui, discours électoraux mis à part, ne comprennent toujours pas que la division internationale du processus productif (DIPP), si chère aux néolibéraux, sectateurs du théorème Heckscher-Ohlin-Samuelson, n’a certainement pas entraîné la baisse des profits des détenteurs de capital, bien au contraire.

par Philippe Naszályi – Directeur de La RSG

consulter sommaire

Cette dépendance qu’on a découvert en maints domaines de fournitures de santé depuis mars 2020, est aussi très préoccupante pour les « recherches importantes sur des organismes vivants entiers », « mais aussi le développement du système nerveux… l’immunologie et l’infectiologie[1]. » En fait, nous ne maîtrisons plus ni les matières premières, ni leur transformation, mais pas non plus la conception des processus et même désormais la recherche pour ce qui est notre santé !

Une recherche exsangue !

La Recherche, voilà bien l’un des points qui devrait être prioritaire ! Contre toute logique, les « jeunes », puisqu’ils se revendiquent tels, qui nous dirigent devraient s’en soucier pour l’avenir des générations ! Et bien que nenni !

En 1992, la France se situait au 4e rang des pays de l’OCDE pour la recherche, elle est en 2019, au 13e… et comme le résume avec son humour grinçant le Canard Enchaîné : « Nos chercheurs cherchent surtout des sous[2] » ! « En Allemagne, il faut six mois entre la demande d’un cryo-microscope par les chercheurs et sa réception. En France, il faut six ans » Il est vrai que rien ne presse, l’ARS gère !

Si nos lecteurs s’offusquent de cette référence à notre éminent confrère satyrique du mercredi, qu’ils se réfèrent alors à la tribune de quinze membres de l’Académie des Sciences qui, en octobre de la même année, 2021, et cette fois dans Le Monde[3], tentent de nous réveiller « pour remédier aux difficultés de la recherche française et en arrêter le déclin ». Et les académiciens de rappeler qu’ « entre 2011 et 2018,les crédits du seul secteur de la santé ont diminué de 28 % en France, alors qu’ils augmentaient de 11 % en Allemagne et de 16 % en Grande-Bretagne ».

Ces erreurs, liées à l’idéologie mortifère du néolibéralisme économique chérie de nos politiques, ont permis que le « pays de Pasteur est resté en retrait dans la course pour la mise au point d’un vaccin au moment même où les vaccins à ARN, après quinze ans de recherche, démontraient brillamment leur efficacité[4]. »

La peur de la liberté !

Et pourtant que n’a-t-on entendu nos Gouvernants, et avec eux, les doctes savants et spécialistes, du Diafoirus de base au plumitif, en passant par les pires « pisse-copie » voire hélas aussi certains élus locaux déchaînés, invoquer Pasteur pour faire honte à ceux qui, sans aucun doute à tort, refusaient les injonctions tonitruantes de vaccination. Dans le pays des Droits de l’Homme avec la complicité intéressée, – la place est bonne pour les retraités, anciens Premiers ministres notamment –, des conseillers constitutionnels et les palinodies ergotantes de la Haute Assemblée qui cherchait sans doute à se faire pardonner son impertinence pourtant bien utile, de la Commission Bénalla, a été concocté un ensemble extrêmement dangereux de mesures coercitives et attentatoires aux libertés. « La Peur de la liberté[5] » d’Erich Fromm reste une clef d’analyse très pertinente pour cette période où la démocratie a été et est durablement mise en péril par ceux qui ne pensent la liberté que dans le Libre-échange.

La peur de mourir nous a fait trouver acceptable qu’on enferme, car il s’agit bien de cela, nos aînés dans des maisons, devenues souvent des mouroirs. S’il existe un Contrôleur général des lieux de privation de liberté, il n’a été évidemment pas été saisi des EHPAD dont on a fait des maisons de relégation, soumis à l’autorité arbitraire et au bon vouloir de leur direction sous la coupe des oukases technocratiques quotidiennes. On a laissé mourir ces êtres humains sans aucune humanité et qui puis est au nom de la santé ! Dans un discours de 1819, Benjamin Constant, le père de ce qui est le véritable libéralisme, relevait déjà que « le danger de la liberté antique était qu’attentifs uniquement à s’assurer le partage du pouvoir social, les hommes ne fissent trop bon marché des droits et des jouissances individuelles. Le danger de la liberté moderne, c’est qu’absorbés dans la jouissance de notre indépendance privée, et dans la poursuite de nos intérêts particuliers, nous ne renoncions trop facilement à notre droit de partage dans le pouvoir politique[6] ».

Et pourtant, dès le 16 avril 2020, le Conseil pour l’engagement des usagers (CEU) placé auprès de la Haute Autorité en Santé, sans pourtant remettre en cause, le régime d’exception qu’est le confinement, constate que malgré tout « il eut pourtant été possible de faire vivre les principes de démocratie en santé » et « en outre, il n’est pas acceptable que la majorité des instances (de démocratie en santé) n’aient pas été réunies depuis la survenue de la crise[7] ».

Il est vrai que les instances de démocratie en santé, relèvent des ARS et que si l’on considère certains de ces directeurs généraux, c’est comme de confier à Poutine le soin de défendre la démocratie. N’était un vague décret du 28 juin 2021, à la suite du Ségur de la santé, qui tente d’accroître le poids de la Conférence régionale de Santé et de l’autonomie (CRSA), rien, depuis la loi du 4 mars 2002 instituant la démocratie sanitaire, n’est fait pour faire vivre une co-construction des citoyens aux décisions qui concernent leur santé. Évidemment, les Conseils Territoriaux de Santé dans les départements, dont aucune extension de leur rôle n’a été prévue, tout comme la CRSA, sont à la main des directions générales des ARS qui en nomment les membres et pour certaines s’arrogent même le droit, à l’iranienne, d’empêcher ceux qui auraient des velléités de libre parole d’en faire partie ! Une démocratie à la botte !

Une recherche défaillante, une démocratie bafouée, une gestion publique souvent lamentable voilà bien un premier bilan bien sinistre de la crise du COVID-19.

Démocratie en santé : un colloque en 2023 !

Pour tirer les leçons de ce que nous estimons être une question de fond pour les organisations, notre revue, en partenariat avec la Chaire de Gestion des Services de Santé que dirige avec talent Sandra Berteneze, a décidé d’organiser un colloque en juin 2023, au CNAM de Paris, pour interroger toutes les parties prenantes sur cette démocratie en santé qui a célébré bien timidement en 2022, le vingtième anniversaire de la Loi Kouchner qui l’instituait enfin, en France !

Pourquoi cette préoccupation de la santé, pour une revue de recherche en gestion ?

La réponse est simple et pourtant mal connue en France ou santé et sanitaire sont souvent mélangés er employés l’un pour l’autre.

L’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) apporte une réponse claire aux plus dubitatifs : « La santé est un état de complet bien-être physique, mental et social et ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d’infirmité ».

Santé : le Physique, le mental et le social ! Toute la vie humaine est ainsi résumée et c’est parce que, les gouvernants ont oublié cette définition, en limitant toute leur action au « physique », le sanitaire et encore à une partie du physique, en laissant de côté nombre de pathologies dont beaucoup ont empiré, que nous sommes si affaiblis par cette crise qui n’en finit plus !

Le climat, l’énergie sont des éléments de la santé, car poursuit l’OMS dans sa constitution : « les gouvernements ont la responsabilité de la santé de leurs peuples ; ils ne peuvent y faire face qu’en prenant les mesures sanitaires et sociales appropriées ».

Ce numéro de l’été de 2022 est une étape de la réflexion de chercheurs en sciences humaines dont l’éthique doit toujours être réinterrogée comme nous le rappelle la tribune d’Elise Goiseau et Yann Bazin. Ce premier numéro consacré au COVID est multiple, varié et ouvert. Nous avons tenu à réunir ici, des contributions individuelles comme à l’accoutumée, et des articles sélectionnés par le Professeur José Allouche et Romain Zerbib qui fut naguère l’un de nos collaborateurs zélés, qu’ils soient ici remerciés de ce travail éditorial.

Et parce que l’information si malmenée pendant la crise COVID demeure pour nous un axe fondamental pour le chef d’entreprise, le cadre dirigeant, le chercheur ou… le citoyen, nous proposons une suite à l’un des chapitres du précédent numéro : « L’information au service des organisations »

« Une opinion publique éclairée et une coopération active de la part du public sont d’une importance capitale pour l’amélioration de la santé des populations. »


1. Emmanuel Procyk, directeur de recherche au CNRS, co-directeur du Groupement de recherche BioSimia (fédère les chercheurs des laboratoires de recherche publics qui font appel aux primates autres que les humains).

2. « Nos chercheurs cherchent surtout des sous », Le Canard Enchaîné, 21 avril 2021, p. 3, http://www.sauvonsluniversite.fr/spip.php?article8922

3. Le Monde, 19 octobre 2021, « Quinze membres de l’Académie des sciences alertent : « Pour arrêter le déclin de la recherche française, il est urgent de réagir », https://www.lemonde.fr/idees/article/2021/10/19/quinze-membres-de-l-academie-des-sciences-alertent-pour-arreter-le-declin-de-la-recherche-francaise-il-esturgent-de-reagir_6098940_3232.html

4. Le Monde, 19 octobre 2021 ibid.

5. The Fear of Freedom, New-York 1941, traduit de l’anglais par C. Janssens, Paris, Buchet-Chastel, 1963, 244 pages.

6. « De la liberté des anciens comparée à celle des modernes », discours prononcé à l’Athénée royal de Paris en 1819, in Benjamin Constant, Écrits politiques, éd. Marcel Gauchet, Paris, Gallimard, coll. « Folio essais », 1997, p. 603.

7. COVID-19 – Avis du Conseil pour l’engagement des usagers, Avis n° 1/2020 du Conseil pour l’engagement des usagers. Mis en ligne le 05 mai 2020. https://www.has-sante.fr/jcms/p_3182529/fr/covid-19-avis-du-conseil-pour-l-engagement-des-usagers

n°314 –  Les caprices téméraires de la volonté, sans le conseil du raisonnement[1]

Philippe Naszalyi LaRSG Stratégies et innovations

Les périodes de crise ou d’incertitudes sont toujours propices aux craintes les plus folles en matière de déformation de l’information. « La Grande peur », du complot aristocratique, des « brigants » voire des « Anglois », de juillet 1789, à la suite de la prise de la Bastille, fait s’effondrer le système social de l’Ancien Régime en moins de trois semaines. Elle aboutit à cette nuit mémorable du 4 août, où Clergé et Noblesse viennent renoncer en une surenchère romantique, à tous les privilèges possibles y compris ceux des autres, les provinces, les villes, les métiers… C’est la base du principe de l’égalité en droit que portent haut les Français dans toute l’Europe grâce aux guerres que mènent la Première République puis le Consul et l’Empereur, si décrié depuis par une poignée d’imbéciles patentés, qui constituent la « médiocratie[2] » !

par Philippe Naszályi – Directeur de La RSG

consulter sommaire

Il n’est pas indifférent de rappeler à nos lecteurs que le député du Tiers-État, Pierre-Samuel Dupont de Nemours, dont la famille va faire souche et quelle souche industrielle aux États- Unis, propose d’abord des mesures coercitives contre ces paysans qui brûlent les « terriers » et parfois les châteaux ! Puis, dans l’emballement de cette nuit où tout l’ordre social semble vaciller, il suggère de supprimer les « droits vexatoires[3] » pour préserver la propriété ! Qu’on se rassure, quelques jours plus tard, le 26 août, le droit de propriété figure bien en bonne place comme un droit inaliénable[4]. Le clergé seul, se verra en fait, et plusieurs fois dans l’histoire, privé de ce droit ! Voltaire ou Diderot comme on le voit plus loin, ont influencés les esprits de ces constituants des Lumières !

Nul de nos jours, ne remet en cause cette abolition des droits féodaux, qu’à la pointe des baïonnettes, jusqu’à Moscou, les Français ont imposé à l’Europe. La méthode, vue d’un salon germanopratin ou d’un studio de télévision, est sans doute, très, voire trop « radicale » ! « Radical », voilà bien tant de belles âmes pour ce qui n’aurait même pas choqué une rosière, il y a 50 ans ! La période qui voit s’accroître les pires inégalités, est prude en matière d’expression politique et sociale ! Et pourtant si l’on s’émeut beaucoup de nos jours pour tout, voire son contraire, le sort des plus de 500 sans-abris (621 morts en 2021)[5] qui meurent de froid et de faim dans Paris chaque année, n’intéresse pas, le summum du « prêt à bien penser » qu’est l’émission de TMC, « Quotidien[6] ». C’est elle, la plus vue à cette tranche d’horaire, qui nous abreuve chaque soir tout particulièrement des « riches heures » mais aussi des larmes, – c’est important les larmes –, de quidams américains, présentés comme des stars. Il faut bien conforter la caste des bien-pensants repus au conformisme du colonisateur étatsunien !

Il est vrai que c’est feu le patron de ce grand groupe télévisuel, TF1, propriétaire de TMC qui déclarait sans ambages : « ce que nous vendons à Coca-Cola, c’est du temps de cerveau humain disponible » et justifiant par avance « Quotidien », Patrick Le Lay (1942-2020) poursuivait : « Rien n’est plus difficile que d’obtenir cette disponibilité. C’est là que se trouve le changement permanent. Il faut chercher en permanence les programmes qui marchent, suivre les modes, surfer sur les tendances, dans un contexte où l’information s’accélère, se multiplie et se banalise[7]. »

Manipulation, matraquage, publicité, diffusion de « fake news », propagande, sont de tout temps. Évidemment les progrès des technologies de l’information font craindre, avec les neurosciences que l’on fasse des pas de géants dans le « viol de foules ». L’ouvrage[8] du microbiologiste russe Serge Tchakhotine (1883-1973), l’un des pères de la « psychologie des masses » dans la lignée de Gustave Lebon distingue bien une bonne propagande, « saine », celle des démocraties et une, « nocive », celles des dictatures fascistes, nazies ou communistes aux variantes bolcheviques qui deviendront soviétiques, chinoises, vietnamiennes, éthiopiennes ou cambodgiennes pour se limiter à quelques-unes dans la longue liste des plus sanglantes !

Mais enfin, n’existe-t-il pas aussi de la propagande ou de la désinformation dans nos démocraties ?

Si l’on se reporte au passé, où classer les manipulations du grand Voltaire, l’un des inspirateurs des Lumières ? Pour détruire l’influence de l’Église qu’il abhorre, il invente, dans son Dictionnaire philosophique (1764), le mythe du dogme religieux de la « terre plate[9] ». Dans le même ordre d’idée où classer également l’invention, par son comparse Diderot, d’un pseudo « martyr de la terre ronde » en la personne de Galilée ?

Si l’Inquisition d’Urbain VIII a bien condamné Galilée, ce n’est évidemment pas à propos de la rotondité de la terre admise par tout le monde depuis plus de 2500 ans comme deux remarquables historiennes ont eu le courage de le démontrer dans une enquête passionnante à lire, parue en octobre 2021[10].

Mais ces deux « fake news » ont tellement prospéré au xixe siècle avec les différents anticléricalismes et, il faut le dire, quelques Pontifes romains peu ouverts, puis au xxe siècle des dictatures athées, que presque personne ne remet en cause ces faussetés historiques inventées au xviiie siècle. Même le saint Pape Jean-Paul II, de la même patrie pourtant que Copernic, a dû, avant le deuxième millénaire, reconnaître une culpabilité de l’Église dans une affaire où la faute n’est certainement pas là où les masses, et même, nombre de ceux qui pensent savoir, la croit.

Les idées fausses ont bien la vie dure, la Renaissance, terme que l’on voit reparaître récemment, a inventé la « légende noire » d’un Moyen-Âge, obscurantiste et superstitieux. Pas plus le talent d’une Régine Pernoud[11] et avec elle, celui de nombreux et brillants médiévistes n’a pu éradiquer la fausseté des idées propagée par les hommes de la Renaissance dont il faut donc toujours se méfier !

Même en ce xixe siècle scientiste, Vrain-Lucas[12] peut vendre au grand mathématicien Chasle, notamment deux fausses lettres de Pascal indiquant que ce dernier a découvert la « loi de la gravité universelle » avant Newton. L’auteur du célèbre théorème fut défendu par l’Académie française, heureuse comme ses commensaux de l’Académie des Sciences de cette découverte nationale avant les Anglais !

Que dire encore des affabulations d’un Secrétaire d’État étasunien, Colin Powell, au sein même du Conseil de Sécurité des Nations Unies, le 5 févier 2003 ? Et pourtant, l’homme présentait tous les critères de l’honorabilité par sa brillante carrière militaire comme par son appartenance aux minorités ethniques de ce pays. Une nation qui ne se remet toujours pas de l’esclavage et de la ségrégation raciale quelle continue de vivre et qu’elle exporte comme tous ses malaises depuis un siècle, à une partie de ce que l’on a peine à appeler notre « intelligentsia », tellement déculturée qu’elle en accepte cette colonisation intellectuelle !

Et pourtant, certaines fausses informations produisent d’heureux effets comme on l’a vu plus haut, avec l’abolition des privilèges en 1789 ! Voilà bien toute la difficulté du sujet, surtout dans une société où l’émotionnel a remplacé à peu près partout la connaissance et la logique !

À quels experts alors se fier ?

Faut-il suivre le pessimisme du philosophe québécois Alain Deneault qui pense que « l’expertise consiste de plus en plus souvent à vendre son cerveau à des acteurs qui en tirent profit[13] » ?

Les idées reçues, c’est-à-dire « les caprices téméraires de la volonté » comme le dit si bien Pascal, fonctionnent « sans le conseil du raisonnement » dans nos démocraties aussi, et je dirais de plus en plus !

Il y a donc bien lieu que, dans le domaine qui est le leur, les sciences de gestion essaient d’appréhender la connaissance des caractéristiques des réponses des êtres humains aux stimuli cognitifs et émotionnels qu’ils reçoivent. On pourrait imaginer de prime abord que seul le marketing répond à cette question.

C’est effectivement l’objet du second dossier de ce deuxième numéro de 2022, composé de quatre articles : « consommation, consommateurs et utilité sociale » ! Comme dans le numéro précédent, notre champ d’application est le monde.

Trois auteurs français et québécois dont nous tenons à saluer la mémoire de l’un d’entre eux, le Professeur Gabriel Mircea Chirita, qui nous a quitté, ouvrent une idée quasi neuronale avec la molécule du métabesoin qui devrait permettre aux entrepreneurs de mieux répondre aux besoins complexes des consommateurs (page 51) ! La performance des services financiers au Burkina Faso (page 63), l’identité, les valeurs et la transmission chez les propriétaires de marques allemandes Volkswagen et Porsche (page 71) et les dépenses vertes dans les PME camerounaises qui suit l’article du précédent numéro[14] (page 81) apportent des éléments d’analyse complémentaires.

Mais le marketing n’est pas loin de là, le domaine de réflexion de notre thème. Nous l’avons rappelé les nouvelles technologies sont souvent vues comme un accroissement des moyens de manipulation. En cette période électorale en France comme en Slovénie notamment, il n’est pas inutile d’offrir une réflexion sur la possibilité que présente Internet pour lutter contre l’opacité des organisations publiques (page 11). La mise en œuvre de l’orientation du marché par l’orientation des technologies de l’information appliquées cette fois aux PME manufacturières françaises et québécoises (page 21) et la qualité du service perçue de la part d’une plateforme virtuelle d’apprentissage sur les réactions des apprenants (page 41) sont les deux approches additionnelles de ce chapitre consacré à « l’information au service des organisations ».

Alors le cerveau est-il cette part « offerte à Coca-Cola » ou « aux besoins des entreprises » comme aime à le répéter le recteur de l’Université de Montréal, Guy Breton[15], voilà bien une question majeure philosophique, politique, anthropologique… et cela concerne bien les sciences de gestion.

Le cerveau est bien un enjeu ! Le Centre pour la recherche et l’innovation dans l’enseignement (CERI), de l’OCDE intitulé « Sciences de l’apprentissage et recherche sur le cerveau » a été lancé en 1999. Le but premier de ce projet novateur était d’encourager la collaboration entre, d’une part, sciences de l’apprentissage et recherche sur le cerveau, et, de l’autre, chercheurs et décideurs politiques[16].

Comme toujours, appuyé sur les faits, les études de cas, nous espérons avoir sélectionné un ensemble de contributions qui, par petites touches, apportent modestement quelques éléments de réponse de la science de gestion.


1. Pascal, Pensées, éditions Didiot, 1896.djvu/329.

2. Alain Deneault, La médiocratie. Montréal, Lux, 2015, 221 pages.

3. Jean-Pierre Hirsch, La nuit du 4 août, Paris, Folio histoire, 1978, 432 pages.

4. Article 2 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen du 26 août 1789.

5. http://www.mortsdelarue.org/spip.php?article14.

6. Quotidien, émission de télévision française d’information et de divertissement quotidienne diffusée en première partie de soirée depuis le 12 septembre 2016 par TMC, chaîne du Groupe TF1.

7. Patrick Le Lay, in Les Dirigeants face au changement, baromètre 2004, Éditions du Huitième Jour, 120 pages.

8. Le Viol des foules par la propagande politique, Paris, Gallimard, 1939, 270 pages.

9. Page 272.

10. Violaine Giacomotto-Charra, Sylvie Nony, La Terre plate. Généalogie d’une idée fausse, Paris, Les Belles Lettres éditions, 2021, 280 pages.

11. Régine Pernoud, Pour en finir avec le Moyen Âge, Paris, Le Seuil, 1977, 162 pages.

12. Gérard Coulon, Signé Vrain Lucas ! : La véritable histoire d’un incroyable faussaire, Arles, Éditions Errance, coll. « Le cabinet du naturaliste », 4 février 2015,

191 pages.

13. https://luxediteur.com/pourquoi-les-mediocres-ont-pris-le-pouvoir/, 5 septembre 2019.

14. Pascal Bello, Jules Roger Feudjo, « Les dépenses vertes : quelle lecture pour les dirigeants des petites et moyennes entreprises camerounaises ? », La Revue des Sciences de Gestion, n° 313, janvier-février 2022, p. 77-90.

15. Guy Breton – Recteur de l’Université de Montréal, « Alors tant mieux si la formation qu’on leur offre peut lancer leur carrière ! En cela, je réitère que les cerveaux doivent répondre aux besoins des entreprises » https://www.ledevoir.com/opinion/idees/336258/la-replique-developpement-universitaire-a-propos-des-cerveauxet-des-entreprises.

16. Comprendre le cerveau : naissance d’une science de l’apprentissage, OCDE 2007 http://www.vaucluse.gouv.fr/IMG/pdf/Comprendre_le_cerveau_cle6fb68c.pdf.

n°313 –  Publier pour servir à quelque chose !

Philippe Naszalyi LaRSG Stratégies et innovations

Choisir de publier tel ou tel article est une tâche que tout directeur de revue, tout rédacteur en chef, tout comité d’orientation ou de rédaction ne peut regarder qu’avec gravité.

Bien entendu dans la presse d’information politique et générale que favorisent financièrement les politiques publiques parce que l’on parle des hommes et femmes politiques et qu’ils y ont leur bobine, le choix engage moins la réflexion, pardon de ce propos quasi séditieux, puisque chaque jour ou chaque semaine, une information en chasse une autre et ainsi de suite !

par Philippe Naszályi – Directeur de La RSG

consulter sommaire

La concentration en très peu de mains de propriétaires financiers, des principaux organes de presse, ne favorise pas non plus ni le débat d’idées ni la diversité et l’ennui naît bien de l’uniformité et du prêt à penser qu’on tente de nous faire ingurgiter comme on gave des oies ou des canards !

La plupart des revues académiques, disons pratiquement toutes, ne répondent à aucun des critères qu’on demande à la presse : régularité, public, intérêt général… et dans notre domaine des sciences de gestion, des comités Théodule se sont arrogés un droit au classement. La productivité académique est désormais régulièrement évaluée à partir de ratios dont la capacité à évaluer réellement la « valeur » de son objet n’est pas plus performante que l’indice Dow Jones ou le CAC 40 à un moment donné[1].

Aucun de ces comités n’a la moindre idée de ce que sont les obligations de la presse, mais qu’à cela ne tienne, ils se jugent compétents. Ils le sont d’autant plus que certains de ces juges, et parfois non des moindres, appartiennent ou ont appartenu aux rédactions des revues qu’ils vont classer. Ethique est un mot d’origine grecque et comme souvent ils ne jargonnent qu’en sabir anglo-américain, ils ne savent pas ce que cela signifie !

« Laisse les morts enterrer leurs morts » et fais ton métier, sans te soucier de ce ranking de passage, de connivence, d’ignorance même.

C’est à peu près ce que m’écrit un éminent chercheur et professeur des Universités à qui je m’ouvrais de cette réalité nauséeuse. Il me confirme que ces classements vont mourir et qu’il faudra que « les évaluateurs (reviennent) aux basiques, à savoir lire (!!!) les articles pour juger de leur qualité et de leur intérêt ? » au lieu de nous faire remplir des pages d’index et de références qui sont signe de la quantité de production et non de la qualité du fond !

Ne perds donc pas ton temps en combats inutiles, ajoute encore en substance mon éminent collègue et interlocuteur : « Poursuis avec La RSG, tu as permis à tant de jeunes et moins jeunes de publier des papiers de qualité, à progresser dans la carrière. Le reste n’est qu’écume sur l’océan ».

Publier donc ce qui peut servir à quelque chose. Voilà notre tâche ! Voilà bien aussi une responsabilité !

Après les trois évaluations de base que pratique notre revue (les autres, mieux notées se satisfont de deux comme les classeurs) pour les contributions qui lui sont soumises, il nous arrive encore de requérir plus d’avis encore lorsqu’un article recèle des potentialités mais voit s’opposer les évaluateurs.

Nous sommes allés à neuf pour l’un des articles publiés ici !

Cela d’abord doit nous donner plus qu’une once de modestie quant à la valeur de nos propres approches ou nos propres jugements, puisque d’autres au moins aussi éminents, ont jugé et évalué autrement. Il arrive que malgré le retour vers l’auteur ou les auteurs pour demander des modifications, des précisions, l’article continue de susciter des jugements discordants voire opposés. Il faut alors trancher et c’est le fruit de ces débats qui a retardé la parution de ce premier numéro de 2022.

Le choix que nous avons fait est que la recherche gagne plus d’un débat que d’une censure !

C’est donc un numéro de plus, mais toujours un numéro original que nous osons offrir à nos lecteurs avec cette constante que nous venons d’exposer sur l’inachèvement ou l’incomplétude de certaines contributions. Nous espérons que la controverse qu’elles pourront susciter soit la reconnaissance de notre parti pris de la liberté de pensée et d’écrire, si malmenée ailleurs du fait du poids de la pensée dominante !

Le premier dossier entend présenter donc quelques « questions émergentes en sciences de gestion » avec ses problématiques propres en trois contributions assez différentes par leur sujet et leurs approches. Ouvrir nos colonnes à une étude sur HAL (page 13) peut passer pour un paradoxe même si cette plateforme de publication n’est pas non plus cet « open access », cher à l’ultra-libéral Georges Soros. Traiter du concept de « géo-management » (page 25) ne pouvait se faire que dans nos colonnes qui inlassablement redisent que les concepts du management qu’on nous présente comme neutres ne sont qu’« une arme géopolitique américaine de premier ordre »… Après avoir remercié l’auteur de cet article qui fait une part belle à ce qui est souvent ignoré en France, la géographie, laissons à nos lecteurs le soin de cheminer dans ce « prolégomène » d’une rare qualité. Le dernier article ouvre une question qu’il n’arrive pas complètement à circonscrire sur les sujets sensibles en sciences de gestion (page 35). De ce fait même, il permet des compléments et des développements qui permettront de faire progresser la problématique très intéressante qu’il soulève.

Le deuxième dossier soulève lui-aussi une approche novatrice : les nouvelles problématiques en Gestion des ressources humaines (GRH). Petit dossier de deux articles car depuis quelque temps, les propositions de contributions en GRH sont rares. Notre revue généraliste est en effet, un excellent baromètre des tendances de la recherche puisque ne suscitant aucune commande d’articles, elle en reçoit bien au-delà de ses capacités de production. Elle publie donc ce qui émerge, comme nous le faisait remarquer plus haut mon correspondant chercheur. Il faut même avoir pris le parti de le gestion humaine pour avoir placer le premier article à la résonance très financière, mais la composante « genre » que ces trois chercheurs de l’Université de Mons abordent dans cette excellente étude de cas, (page 43) est convaincante. La seconde étude, dans le domaine bancaire cette fois, entend faire ressortir le rôle éminent du « conseiller client » (page 53).

Le troisième dossier présente plusieurs approches en gouvernance.

Elles sont appelées à se poursuivre au fil des années.

Notre revue francophone est d’abord et avant tout une revue multiculturelle. Les différences apportées par la géographie sont considérées comme une source inlassable d’enrichissement.

L’entreprise familiale française ouvre le bal (page 67).

Les dépenses vertes et dirigeants des petites et moyennes entreprises nous emmènes en Afrique et plus particulièrement au Cameroun (page 77) puis les investissements publics et la recherche universitaire conclut ce dossier en nous conduisant ensuite en Asie, au Viêt-Nam (page 91) !

Les notes de lecture que nous présente Daniel Bachet pour clore ce numéro sont le choix de ce brillant universitaire. Ce n’est pas en général celui de nos autres chroniqueurs du Cercle Turgot. Tant mieux, car parce que nous ouvrons nos colonnes à toute réflexion académique originale, nous souhaitons – et nous ne le répéterons jamais assez- amener à débattre. En matière d’approche économique, j’ai bien peur que l’orthodoxie qui règne en maître ne soit bien pas la pire chape de plomb qui pèse sur toute recherche libre et toute pensée originale !

Le Général de Gaulle avait cette formule « quand la lutte s’engage entre le peuple et la Bastille, c’est toujours la Bastille qui finit par avoir tort[2] ». Encore que les bastilles idéologiques soient souvent les plus tenaces !


1. Ahmet INSEL, « Publish or Perish ! La soumission formelle de la connaissance au capital », Revue du MAUSS, 2009/1 (n° 33), p. 141-153. DOI : 10.3917/rdm.033.0141. URL : https://www.cairn.info/revue-du-mauss-2009-1-page-141.htm.

2. Cité par Marcel Jullian, De Gaulle, traits d’esprit, 2020.

n°312 –  Une conscience contre la violence

Philippe Naszalyi LaRSG

Une conscience contre la violence[1]. Ô combien l’essai polémique de Stefan Zweig prend bien toute sa place aujourd’hui, tout comme l’ouvrage, paru quelque temps avant, de Julien Benda, La trahison des clercs !

par Philippe Naszályi – Directeur de La RSG

consulter sommaire

Évoquer des similitudes avec certaines périodes précédentes de notre histoire, fait invoquer presqu’aussitôt, par une sorte de caricature d’intelligentsia qui sévit çà et là, le point de Godwin ! Tout est alors dit pour disqualifier toute analyse pertinente qui essaie de tirer une leçon du passé. Nos contemporains, et en particulier ceux qu’on vient d’évoquer, préfèrent à l’instar de quelques sous-produits de la culture étatsuniennes, pratiquer l’anachronisme en jugeant le passé avec les idées, disons plutôt les préjugés qu’ils ont. La pensée colonialiste qu’ils vitupèrent à l’envi, est paradoxalement exactement cette méthode sans bien comprendre ce qu’ils font !

Ils ont une telle haine de notre civilisation qu’ils oublient que l’on sera jugé de la manière dont on a jugé et que cela augure mal pour eux, si les générations futures se montrent aussi intolérantes et incultes qu’eux !

On pourrait croire que cet éditorial est à côté de la science de gestion ! Pas tant que çà, car le conformisme qu’on voit se développer jusqu’à devenir dominant dans certaines chapelles ou groupuscules, est directement le fruit de cette sous-culture venue d’Outre-Atlantique. Il pousse à éviter de penser différemment des autres d’abord par lâcheté, puis par abandon ou paresse avant d’atteindre la collaboration soumise après avoir cédé à la connivence ! Ce phénomène s’observe d’autant plus depuis que la pandémie a terrorisé les populations. Les Gouvernements dits libéraux ont trouvé commode d’utiliser cette peur pour attenter à toutes les libertés et de plus en plus.

Même les organes réputés défendre le Droit et les libertés, du fait de leur composition comme le Conseil Constitutionnel français, ont très souvent abdiqué et baissé pavillon pour le plus grand mal de la démocratie.

Pour ce qui concerne notre revue, c’est la liberté du hercheur qui nous. Elle doit se sortir de toutes les entraves qui lui sont faites : appels à projet par nature directifs et exclusifs ou intervention ou plainte devant la justice ou autres instances ordinales contre des chercheurs qui paraissent hétérodoxes à un moment donné, pour ne citer que quelques points.

Galilée et Pasteur ont été des sortes d’hérétiques !

L’on n’est pas sûr que la « majorité » du temps ait eu raison ! Or, définir la vérité scientifique à la majorité des voix comme on le trouve étonnamment dans les travaux du GIEC, ou par un consensus mou ou conformisme ambiant, ne peut que faire naître la méfiance à ceux qui croient par principe au complot, mais ne garantit rien non plus aux autres, surtout soucieux d’éthique épistémologique !

Tout cela paraît simple et de bon sens, voire parfaitement admis, mais pas vraiment vécu ou appliqué par des comités Théodule, parfois sous inspiration des pouvoirs publics qui essaient de faire taire ceux qui dérangent par leur originalité et plus encore par leur non-conformisme. Bien sûr, il est excessif alors de crier à la dictature, et les beaux esprits des plateaux se font fort de ridiculiser ceux qui « crient au loup ».

Et pourtant, la liberté est une chose bien fragile ! Que de crimes ne commet-on pas en son nom, a dit Madame Rolland en montant à l’échafaud ! C’est bien l’ignorance, l’oubli ou le mépris des droits de l’Homme qui sont les seules causes des malheurs publics et de la corruption des Gouvernements[2] !

Prétendre que toute pensée différente est une fake news est faux. Ce terme anglo-saxon appliqué à toutes les sauces pour définir autant les contrevérités scientifiques que les pensées différentes, ne révèle qu’une volonté totalitaire de contrôle de la pensée et une très grande méconnaissance de l’histoire. Les fausses nouvelles ont fleuri sous tous les climats et toutes les contrées, seul le débat avec tous, pourvu qu’il soit libre permet de faire avancer la connaissance.

La remarquable loi sur la Liberté de la Presse du 29 juillet 1881, si abîmée par des lois circonstancielles ou mémorielles postérieures, comprenait déjà en son article 27 que « la publication ou reproduction de nouvelles fausses, de pièces fabriquées, falsifiées ou mensongèrement attribuées à des tiers, sera punie d’un mois à un an d’emprisonnement et d’une amende de cinquante francs à mille francs, ou de l’une de ces deux peines seulement, lorsque la publication ou reproduction aura troublé la paix publique et qu’elle aura été faite de mauvaise foi ». On dispose déjà bien de tous les outils, y compris pour les réseaux sociaux sans inventer une nouvelle atteinte aux libertés de penser, de publier…

Ce court préambule qui valorise la conscience personnelle contre la violence institutionnelle comme y invite le grand auteur austro-hongrois, est notre philosophie fondatrice.

Elle explique que nous avons fait le choix de présenter les trois premiers articles de ce numéro dans un dossier intitulé :

La recherche en action. En effet, faire un état des connaissances sur une question fondamentale du marketing, présentée par une cohorte de chercheurs éprouvés tout comme ouvrir sur une question d’organisation et de management d’une thématique nouvelle, présentée par une doctorante concourent à poser un acte de la recherche en marche. La proposition d’une grille interprétative sur les services, autre question de gestion, qui unit des chercheurs par-delà la Méditerranée répond à la même unité de pensée !

Cette marche de la pensée vise évidemment à s’adapter à l’environnement. Cinq articles répondent à ce souci et à notre propos liminaire. Ils étudient : la nécessité de la qualité de l’information préalable au reporting, la capacité d’adaptation de la firme, mais aussi grâce à deux cas concrets de marketing : l’un portant sur l’écolabellisation à Madagascar, l’autre sur la manière de comprendre les raisons amenant les clients à adopter les services digitaux dans les banques françaises. L’analyse de la créativité des employés et à leur formation en lien avec l’emploi achève ce vaste aperçu d’une science de gestion toujours en évolution.

Tels sont les apports que La Revue des Sciences de Gestion propose à la place qui est la sienne dans sa dernière livraison de l’an II de la pandémie…


1. Traduction du titre du livre de Stefan Zweig, Ein Gewissen gegen die Gewalt, 1936.

2. Préambule de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789.

n°311 – Renouveler la pensée en sciences de gestion

Philippe Naszalyi LaRSG Stratégies et innovations

Voilà bien un titre court et énigmatique pour l’éditorial du deuxième Telle est l’ambition que se propose de traiter une théorie d’auteurs – 21 pour 8 articles – qui apporte la diversité culturelle de la pensée francophone à laquelle nous consacrons une tribune et des informations particulières (page 27). Cette théorie de chercheurs comme toujours dans notre revue, n’exprime évidemment pas une recherche désincarnée ou théorique à l’excès.

par Philippe Naszályi – Directeur de La RSG

consulter sommaire

Ouvrir tout grand les fenêtres nous a paru salutaire

L’enfermement qui guette la science de gestion dans notre pays n’est pas seulement dû aux différents confinements imposés au prétexte d’un prétendu souci de la santé. Il se vit chaque jour par la soumission que tentent d’imposer les différentes autorités pour se conformer aux dogmes économiques. Ce qui se passe dans la recherche française aujourd’hui est la simple et triste reproduction de ce qu’ont vécu les universitaires américains constate pour le déplorer, Fabrice Rousselot, directeur de The Conversation[1].

Plus encore, nous rejoignons ainsi en cela la dénonciation de Roland Gori qui remarque que dans nos sociétés de contrôle, l’information est devenue le moyen de surveiller, de normaliser et de donner des ordres aux populations, au point que les individus se trouvent réduits à n’être que les supports de ces informations[2].

Citer ici, cet éminent enseignant de l’Université d’Aix-Marseille, c’est aussi rappeler que la cité phocéenne est un haut lieu du brassage des populations méditerranéennes. Nombre des auteurs de ce numéro sont issus de cet espace, au sens que Fernand Braudel donne à ce terme, qui est francophone pour l’essentiel.

Citer ici, ce professeur honoraire de psychopathologie clinique nous permet un clin d’œil à un autre illustre chercheur en santé de cette université et qu’il présida même, Didier Raoult.

Qu’on se rassure notre revue n’a pas décidé de remplacer The Lancet, atteint il y a peu dans sa crédibilité, là encore pour satisfaire aux normes de la pensée conforme, mais qui s’est avérée finalement fausse[3] !

Nous pensons en effet que ce médecin a réussi à imposer des débats épistémologiques qui ne devront pas s’éteindre. Il n’y en effet, pas une seule façon de penser et de faire de la recherche. Accepter de laisser mourir des êtres humains, – ce qu’acceptent par principe des études randomisées – en donnant un placebo au lieu d’un traitement, rappelle les pires moments de la recherche médicale, n’en déplaise aux thuriféraires (souvent stipendiés) de cette dérive déconnectée de l’expérimentation pharmaceutique plus que médicale !

C’est dans cet esprit que Gilles Paché, éminent auteur de notre revue et lui aussi professeur dans cette université qui unit deux illustres villes, l’une romaine, Aix, l’autre grecque, Marseille, apporte également sa pierre à notre ambition d’ouvrir la science de gestion. Une note de lecture synthétique et percutante comme il en a le secret, présente un ouvrage majeur : Libres d’obéir, le management du nazisme à aujourd’hui (page 139).

Pour couronner ce choix éditorial, il m’est apparu évident de placer comme une sorte d’exergue cette remarquable réflexion de Rémy Février : De la légitimité des sciences de gestion dans l’étude des organisations terroristes : L’exemple de l’état islamique (page 12). Bien sûr, comme toute thèse, elle ouvre le débat et j’avoue que j’ai dû arbitrer entre plusieurs avis des évaluateurs que je ne saurais encore une fois remercier pour leur travail complet et divers.

Débattre, n’est-ce pas le principe même de la recherche ? C’est le rôle des revues académiques que de promouvoir l’avancement d’une discipline en diffusant les résultats de la recherche et en encourageant les débats sur les théories[4].

Alors n’ayons pas peur de proposer de “Renouveler la pensée en sciences de gestion !”


1. Débat : Accomplir un acte de recherche, qu’est-ce que ça veut dire ?21 février 2019, https://theconversation.com/debat-accomplir-un-acte-de-recherche-quest-ceque-ca-veut-dire-112036

2. Roland Gori, La Fabrique de nos servitudes, éditions LLL à paraître janvier 2022.

3. Le 22 mai (2020), la prestigieuse revue “The Lancet” publiait une étude sur les méfaits de l’hydroxychloroquine pour soigner la COVID-19. Dans la foulée, le gouvernement français décidait de ne plus autoriser la prescription de cette dernière contre la Covid-19, hors essais cliniques. Depuis, trois des quatre auteurs de l’article se sont rétractés. Comment The Lancet est-il passé de la gloire aux déboires ? Guillaume Erner ; “Superfail”, 7 juin 2020, https://www.franceculture.fr/emissions/superfail/le-lancet-une-etude-de-malades

4. Marcia Finlayson, Une invitation à la discussion et au débat, Canadian Journal of Occupational Therapy (Vol. 76, Issue 1), février 2009.

n°309-310 – 56

Philippe Naszalyi LaRSG Stratégies et innovations

Voilà bien un titre court et énigmatique pour l’éditorial du deuxième numéro de 2021, numéro double de nouveau pour réunir en un seul numéro une matière dense et riche sur le thème du numérique justement !

par Philippe Naszályi – Directeur de La RSG

consulter sommaire

56, ce n’est ni pour expliquer ce qu’est un nombre tétraédrique ou nombre pyramidal triangulaire[1].

ni a fortiori en référence au nombre de signataires de la Déclaration d’Indépendance des États-Unis, même si l’on compte parmi eux, l’illustre Benjamin Franklin.

56, c’est tout simplement l’âge de notre revue en cette année 2021.

Ordinairement, on ne fête pas spécialement cet âge-là qui n’est ni 50, ni 60, ni même 55 ! Mais, nos lecteurs fidèles et attentifs auront peut-être remarqué que, troublés par la crise Covid, notre composeur et donc nous-mêmes, avons continué en 2020 à numéroter notre revue comme en 2019 : 54e année !

Ainsi, passons-nous directement de 54 à 56, comme si 2020 avait été mise entre parenthèses, une sorte d’an 0, comme pour notre ère qui passe de moins 1 avant J.-C. à plus 1 après J.-C.

Redevenons sérieux !

2021 est pour notre revue une année de réflexion sur ce que nous sommes ! Le précèdent numéro avait été confié comme vous l’avez vu, a deux éminents universitaires, éditeurs[2]. Le Comité éditorial a confié celui-ci à un spécialiste de La gestion des organisations à l’ère numérique[3]. C’est lui qui a rédigé l’éditorial et dirige ce numéro ! Le prochain comprendra un fort dossier composé par des auteurs internationaux et introduit par un article validé par d’éminents spécialistes de la « chose internationale » !

Notre revue a choisi depuis 1965, un chemin fondé sur l’originalité, la qualité et l’ouverture, toutes choses qui ne vont pas avec l’académisme ambiant et le confort du conformisme à la mode !

Nos structures découlent de ces choix, voilà pourquoi nous invitons nos lecteurs à se reporter à la page 2 de couverture qui a changé dès le 1er numéro de 2021 et qui présente ce que nous sommes et quelles sont nos particularités dans la presse de recherche.

Même en ce domaine, nous nous devons d’assurer notre mission de pédagogues tant sont inconnues ou méconnues les obligations qui découlent de notre statut d’entreprise de presse, tant sont inconnus ou méconnus nos choix quant à la qualité des sources et des références, tant est inconnue ou méconnue notre implication dans une recherche originale et internationale qui valorise la francophonie sans ignorer la dimension multiculturelle des sciences de gestion.

Pour évaluer et apprécier, il faut au moins avoir les compétences, c’est-à-dire les connaissances du monde de l’édition de presse et être au moins du même niveau de qualité !

Car évidemment notre souci de l’intérêt général est bien d’éviter qu’ils aient « des yeux et ne voient pas, des oreilles et n’entendent pas[4] ! »


1. Selon Wikipédia, il s’agit d’un nombre figuré qui peut être représenté par une pyramide de base triangulaire, c’est-à-dire un tétraèdre, dont chaque couche représente un nombre triangulaire !

2. Brédart Xavier, Séverin Éric, « Regards croisés sur l’échec et la défaillance », La Revue des Sciences de Gestion, 2021/1 (n° 307), p. 11-13. URL : https://www.cairn.info/revue-des-sciences-de-gestion-2021-1-page-11.htm.

3. Olivier Mamavi est Directeur des données en charge des challenges numériques chez Management & Data Science. Mamavi, Olivier, et al. « Chapitre 17. Data science et sciences de gestion : enjeux méthodologiques et pratiques », Soufyane Frimousse éd., Produire du savoir et de l’action. Le vade-mecum du dirigeant chercheur. EMS Éditions, 2020, pp. 197-207. […]

4. Jérémie 5:21.