n°280 – Sécurité

Sécurité

par Philippe Naszályi – Directeur de La RSG

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Philippe Naszalyi LaRSG Stratégies et innovations

La sécurité est l’une des six fonctions qu’Henri Fayol dans son ouvrage fondateur et toujours fondamental du management[1] tient à définir.

Revenir aux principes et à leur origine est toujours une opération profitable en toute science, car cela secoue la poussière des études accumulées. « Le levier le plus maladroit pour nous aider à soulever des faits aujourd’hui accumulés vaut mieux que rien, car il nous rend maître de ces faits et non leur esclave »[2]

En effet, si nous sommes bien ces « nains juchés sur les épaules de géants », regarder sur quoi s’appuient ces fameux géants, peut éviter de s’effondrer en ayant pris un géant pour un de ces nombreux colosses au pied d’argile  du prêt-à-penser médiatico-économique…

Ainsi pour réaffirmer cette lutte constante contre ce qu’il faut bien appeler la « médiocratie » selon l’excellent ouvrage du philosophe Alain Deneault[3] et laisser à d’autres, l’office de thuriféraire, que nous présentons une analyse à trois voix, d’un livre à la mode, celui de Jean Tirole (page 101). Cela précède nos habituelles chroniques bibliographiques.

Sécurité : La sécurité « des biens et des personnes »,  s’exprime parfaitement dans ce numéro où finance et organisation recouvrent les réalités actuelles de cette fonction qu’H. Fayol fait remonter en quatrième position dans l’ordre des fonctions de la version définitive de son ouvrage de  1916.

L’expérience nous montre que la sécurité, en ces périodes troublées et dans cet environnement turbulent ; si l’on ne parle que du monde des affaires, doit être une priorité pour les chefs d’entreprise, notamment dans le domaine en plein développement de la cybercriminalité.

Les cinq articles qui constituent le 1er dossier : Sécurité en finance : information et développement entendent rappeler que la sécurité n’est plus seulement affaire de police ou d’armée, mais est un facteur fondamental du développement (OCDE, 2001)[4].

  • « Les déterminants du recours à la divulgation volontaire d’informations dans les états financiers au format XBRL » par Pierre Teller, Dominique Dufour, Philippe Luu et Éric Séverin ouvrent une voie conceptuelle originale, fondée sur un échantillon de 2 924 entreprises.
  • François-Éric Racicot, Raymond Théoret et Christian Calmès s’interrogent « sur les mesures qui doivent donc être mises en œuvre par les autorités des marchés financiers aux Etats-Unis et au Canada pour revigorer la titrisation afin de diminuer la procyclicité de la croissance du crédit ».
  • L’article de Jonathan Bauweraerts et Julien Vandernoot pose une question bien actuelle qui est celle de la fiscalité des entreprises. Un colloque sur la sécurité fiscale organisé par Fondafip (Fondation internationale de finances publiques) s’est d’ailleurs tenu au ministère des finances et des comptes publics à Bercy, le 13 avril 2015 sous le haut patronage du ministre des finances et des comptes publics. Il y a été constaté que  le monde comptable n’a pas la parole dans les contrôles fiscaux alors que la comptabilité se complexifie et s’internationalise. L’étude qu’ils ont  faite entre 2002 et 2010, de 215 entreprises belges, « non cotées mettent en évidence une relation positive entre le caractère familial et le niveau d’agressivité fiscale ». Elle apporte en outre une appréhension de la stratégie des entreprises familiales qui manquait à leur compréhension fine.
  • Le « Cadastre de la présence des investisseurs institutionnels en Belgique : le cas des petites et moyennes capitalisations » que font Maxim Allart, Carole Monaco et Alain Finet est exemplaire de la sécurité ou de l’insécurité de la propriété capitalistique des PME belges du fait  notamment de l’arrivée massive de fonds de pension.
  • Cécile Bredelet et Améziane Ferguène achèvent ce dossier en nous amenant sur le continent africain, mais à une faible encablure de l’Europe. « Trois projets menés au Maroc de 2006 à 2011, et fondés en partie sur le microcrédit, offrent l’opportunité d’étudier la pertinence de cet outil». Insécurité de l’extrême pauvreté et développement du territoire sont les enjeux de cette étude nuancée.

Dans le 2e dossier : Sécurité en organisation : image et psychologie,  nous avons voulu marier les ressources humaines et le maniement des hommes par et pour le marketing. Ce n’est évidement pas notre conception, mais c’est à coup sûr un élément à prendre en compte et à étudier.

Dans un article fort original qui ouvre ce dossier, Christian Everaere s’interroge pour savoir «pourquoi le groupement d’employeurs, cette forme d’emploi atypique sécurisante est-elle si marginale? » en France.

  • « Les antécédents psychologiques de l’attitude à l’égard de la promotion des marques de luxe » étudiés par Mouna Damak Turki,
  • « L’influence de l’image du magasin et des types de marque de distributeur sur le capital marque : » pour les produits alimentaires en France durant la période de crise que décrivent Joseph Kaswengi et Andry Ramaroson
  • et l’« impact de l’ambivalence du style nostalgique sur l’efficacité publicitaire » que Wiem Berrabah et Samira Zine-Danguir sont allées chercher à partir d’une enquête faite sur Facebook, apportent ensuite trois visions de la psychologie des hommes et femmes. Ils constituent une étude anthropologique dans la logique de la méthode comparative « qui ne consiste pas à collationner sans règle le plus grand nombre possible d’observations, mais à vérifier des hypothèses précises à l’aide d’observations choisies selon un protocole rigoureux »[5] car ces échantillons visent à installer une représentation de la diversité culturelle anthropomorphique.

Doit-on y voir aussi une illustration d’un propos du recteur de l’Université de Montréal, qui a affirmé sur le ton de l’évidence à l’automne 2011 que « les cerveaux doivent correspondre aux besoins des entreprises. » [6]? Patrick Lelay, patron de la première chaîne de télévision française voulait déjà en 2000, formater les cerveaux humains pour consommer du Coca-Cola. [7]

L’université rejoignant l’idéologie manipulatrice mercantile, voilà qui peut donner lieu à de nombreux débats et être une «  bien sinistre preuve qu’une pensée innovatrice et un zèle total pour l’étude ne sont pas toujours essentiels pour nos universités »[8]. Intéressant débat mais qui n’est pas le sujet de ce numéro.

Toutefois, l’on ne peut oublier que le principe de tous ces classements universitaires, dont l’un des plus nuisibles, parce qu’il est inutile et inadapté, celui de Shanghai, n’est pas pour rien dans cette dérive morale de ces « médiocrates – intellectuels, journalistes et communicants[9] » et maintenant universitaires que nous réprouvons.

« Il semble que le principe de la subordination de l’intérêt particulier à l’intérêt général ne devrait pas être rappelé. Il y a cependant une lutte continuelle à soutenir pour le faire respecter », décidément l’Henri Fayol  de 1916 est bien toujours d’actualité !

______________________

[1] Henri Fayol, (1916), Administration industrielle et générale- Prévoyance, Organisation, Commandement, Coordination, Contrôle. Rééd. : Administration industrielle et générale, édition présentée par P. Morin, Paris, Dunod, 1979, 156 pages.

[2] Arthur-Maurice Hocart (1935),  Le progrès de l’Homme, éditions Payot, page 10.

[3] Alain Deneault (2015), La Médiocratie, édition Lux, 224 pages

[4] « 1. La sécurité en tant que facteur de développement », Revue de l’OCDE sur le développement 3/2001 (no 2), p. 137-152 -URL : www.cairn.info/revue-de-l-ocde-sur-le-developpement-2001-3-page-137.htm.

[5] Lucien Scubla (2005) « Préface » à  A.M.Hocart, Au commencement était le rite, De l’origine des sociétés humaines, La Découverte, MAUSS, page 30.

[6] Cité par Alain Deneault, http://www.telerama.fr/idees/en-politique-comme-dans-les-entreprises-les-mediocres-ont-pris-le-pouvoir,135205.php

[7] Patrick Lelay, PDg de TF1, The digital Deluge, « The Harold Innis lecture », Innis College, Université de Toronto, 16 novembre 2000, cité par Mario Cardinal : Il ne faut pas toujours croire les journalistes, Bayard Canada, Montréal 2005, page 49.

[8] Rodney Needman (1978), « Introduction », in A.M. Hocart,  Rois et courtisans , Paris, Editions du Seuil, page 76.

[9] Eric Delbecque (2006), L’Europe puissance ou rêve français ; chronique de la guerre des mondes, Editions des Syrtes, Paris, 286 pages, page 101-102

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