n°228 « Faits et Foutaises dans le Management » ou « Hard Facts, dangerous half-truths & total nonsense (1) » !

La Revue des Sciences de Gestion, Direction et Gestion n°228 – Editorial

 
« Faits et Foutaises dans le Management » ou
« Hard Facts, dangerous half-truths & total nonsense (1) »
!
Philippe NASZÁLYI
Directeur de la rédaction et de la publication
Qu’il est roboratif de découvrir venues d’Outre-Atlantique, des idées neuves qui
contredisent tant de très nombreuses et dangereuses contrevérités bien européennes celles-là !
Qui parmi nous n’applaudira pas à cette évidence que souligne le préfacier(2)
de l’édition française des deux éminents professeurs de Stanford, que les « pratiques managériales ne font qu’un usage très limité (quel
doux euphémisme !) des connaissances accumulées par la recherche en management »?
Les mesures prises en novembre 2006(3), par le Gouvernement français, de supprimer l’imputation des frais d’abonnement à des revues professionnelles, de la participation des employeurs au
développement de la formation professionnelle, risque encore d’augmenter ce « gap » entre Recherche et management opérationnel, si préjudiciable à la formation de qualité de nos cadres
et dirigeants !
Il n’y aura d’ailleurs plus que la presse qui satisfait tant leur narcissisme intéressant ces hommes politiques toujours en quête
de leur image idéalisée par les medias généralistes et qui réclament toujours plus, tant ils perdent de lecteurs. C’est le salaire de leur
veulerie qu’ils entendent obtenir et que toutes tendances confondues, le monde politique est prêt à leur donner, en sacrifiant la presse spécialisée, indépendante et professionnelle dans une
logorrhée européano-moderniste liberticide à la « Barrot ».
Ce dernier numéro de 2007 s’essaie donc à traiter d’abord, de la Gouvernance en trois dossiers thématiques à la fois distincts
et liés. En effet, le terme en lui-même se prête à de nombreusesinterprétations plus variées les unes que les autres et suscitant parfois critiques et débats houleux, mais demeurant parfoisune
utopie oscillant entre la philosophie politique et les impératifs financiers.
Des quatre articles qui composent le 1erdossier sur l’impact de la gouvernance, les deux premiers constituent un double clin d’oeil à une actualité politique et sociale agitée en
France comme en Belgique ou en Europe. Deux universitaires marseillais analysent avec talent « la crise comme stratégie de changement dans les organisations publiques ».
Souhaitons notamment que les patrons et cadres dirigeants de certaines entreprises publiques françaises ou allemandes, relevant le gant du défi de la « Recherche en management » en fassent
profiterleurs « pratiques managériales » ! Deux universitaires « belges » nous apportent ensuite leur exploration de « l’efficacité du Conseil d’Administration en tant que mécanisme de
gouvernance dans les organisations universitaires
» ! En cette fin d’année
troublée, par l’entrée en application de la très bien venue loi dite LRU(4)
dans les Universités françaises qui ont tant besoin de se réformer, comme nous le soulignions dans notre éditorial précédent(5), souhaitons que l’Université belge puise nous apporter des méthodes de gouvernement. L’occasion
est trop belle pour ne pas la saisir en ce moment !
Deux universitaires tunisiens mettent en parallèle le rôle du système de gouvernement d’entreprise dans l’innovation
technologique
en l’appliquant à un secteur souvent peu étudié en gestion, à tort, le secteur agro-alimentaire.
Ce dossier se termine par l’analyse par deux universitaires camerounais d’une gouvernance jugée plus classique, celle qui considère les
déterminants de la rentabilité,
mais rapportés novembre-décembre 2007 avec originalité et sagacité aux valeurs culturelles ambiantes, illustrant à la perfection ce que J. Pfeffer et R. Sulton (ou plutôt
leur traductrice
) nomment : « les avantages d’une intégration renforcée(6)».
Européenne ou africaine, cette recherche managériale illustre s’il en était besoin encore, que notre revue développe une pensée originale et
riche de tous les apports que la diversité seule peut faire naître.
Laissons donc aux autres, l’hexagonalité de leur pensée, qui n’est enrichie, si l’on peut dire, que par les « Hard Facts, dangerous
half-truths & total nonsense »
de leurs modèles périmés.
On finira bien par s’apercevoir un jour, même dans les arcanes secrets et tortueux de la recherche stipendiée, qu’elle fait un mal incalculable,
notamment aux élèves qu’ils entendent réduire à leur scène d’ombres. « Sine, ut mortui sepeliant mortuos suos(7)
», ces « morts-vivants(8) », « et continuons, nous, à diffuser cette recherche qui fait notre raison d’exister et
de publier(
9) » ! Le dossier suivant entend cerner un problème rarement abordé, celui des PME et de leurs finances autour de trois thèmes, les
variables propres aux structures financières des PME
que développent deux jeunes chercheurs belges, la grande difficulté à appréhender l’artisanat, comme structure de
TPE
typologiquement définissable grâce à une étude complète d’un universitaire de Limoges, tandis que les rapports difficultueux, par essence même, des PME avec les
banques
sont abordés par deux chercheurs rémois, proches également d’une École de commerce.
La variété de nos auteurs, non plus seulement géographique, mais d’origine et d’âge, illustre ici, notre volonté d’ouvrir nos colonnes à toute
recherche pour peu qu’elle se fonde sur une méthodologie éprouvée que notre Comité Scientifique de Lecture a considéré propre à enrichir le lecteur, de cas remarquables par leur originalité et
leur caractère scientifique.
La transition avec le 3edossier qui traite de « finances de marché », (aurions-nous dû écrire « marchés »?) nous est procurée par l’article fort actuel, même s’il
se veut analytique de faits plus anciens, sur les Risques, comportements bancaires et déterminants de la surliquidité que la globalisation financière fait courir à la planète en
ces temps de hedge founds désordonnés et de crise immobilière américaine(10). Après cette analyse venue de l’Université de Yaoundé, c’est la Sorbonne qui prend le relais sur l’Interaction entre clause de remboursement
anticipé d’une obligation et risque de défaut
. Toute la technicité de la « nouvelle finance » ! Enfin deux enseignants- chercheurs de Tunisie apportent à partir d’une excellente
monographie d’entreprise, une analyse de l’effet de la privatisation sur l’importance des stakeholders.
Peut-on trouver meilleure illustration, dans ce numéro, de ce que R. Pfeffer et J. Sutton entendent promouvoir par le livre que nous avons cité
en titre, qui est le credo de la Revue, depuis 1965 c’est-à-dire qu’il n’est de management que fondé sur la preuve, en américain, EBM, « Evidence Based Management » et que tout
le reste n’est que du vent ou pour en revenir au titre français : « des foutaises ».
1. Titre de l’ouvrage de Jeffrey Pfeffer et Robert Sutton, Harvard Business School Press, 2006, traduction de l’américain par Sabine Rolland,
Editions Vuiber t, Paris 2007, 265 pages.
2. Présentation de l’édition française par Hervé Laroche, professeur de stratégie et management à l’ESCP-EAP, Paris.
3. Circulaire de la DGEFP n° 2006/35 du 14 novembre 2006; c’est l’expression d’une Direction Générale de l’Emploi et de la Formation
professionnelle (DGEFP) qui ne pouvant rien, et depuis des années, pour l’Emploi, sabote une partie de la Formation Professionnelle des entreprises, c’est-à-dire la remise à niveau des
connaissances tout au long de la vie, pour justifier sa propre existence.
4. Loi n° 2007-1199 du 10 août 2007 relative aux libertés et responsabilités des universités, JO n° 185 du 11 août 2007, page 13468; http://www.legifrance.gouv.fr/WAspad/UnTexteDeJorf?numjo=ESRX0757893L.
5. « Graecia capta ferum victorem cepit… ou « Messieurs, il est cinq heures, le cours est terminé » ! La Revue des Sciences de Gestion,
direction et gestion des entreprises, n° 226-227, juillet-octobre 2007, pages 5 à 10.
6. Op. cit, page 77 sq.
7. « Laisse les morts ensevelir les morts », Luc IX, 60.
8. Au sens que Marcel Gauchet donne à ce terme dans son Introduction générale à « L’avènement de la démocratie », tome I, « La
révolution moderne
», NRF, éditions Gallimard, Paris, 2007, 206 pages: « Sommes-nous vraiment condamnés, sans espoir de retour, à l’agitation immobile et à l’agonie perpétuelle des
mortsvivants de la posthistoire?
».
9. Très libre paraphrase de la suite de l’interpellation: « tu autem vade, annuntia regnum Dei » et « va donc annoncer le royaume de
Dieu ! ».

10. On pourra aussi se reporter à notre éditorial : « La banqueroute est au coin de la rue ou les arbres ne montent pas jusqu’au ciel
!
» du n° 224-225, mars-juin 2007, pages 5 à 8, pour la partie plus factuelle des choses.