2 jours fériés en moins… pour quoi faire ?

Dans son plan budgétaire pour 2026, présenté le 15 juillet 2025, François Bayrou a annoncé la suppression de deux jours fériés, le lundi de Pâques et le 8 mai, sous prétexte de « solidarité nationale » et de contribution au redressement des finances publiques. Une idée qui ressurgit presque vingt ans après la fameuse « journée de solidarité » de 2004… et dont la vacuité économique et sociale n’a pourtant pas changé. Dans un billet publié il y a quelques jours sur larsg.fr et intitulé “François Bayrou à Matignon : le Magnificat perverti, le souvenir du Gosplan… et les sépulcres blanchis“, nous nous étions déjà permis de railler cette obsession comptable qui consiste à faire porter la charge toujours sur les mêmes. Revenons-y, plus sérieusement.

Travailler plus… mais qui ?

Les chiffres sont clairs : les salariés français travaillent déjà largement autant que leurs homologues européens. En 2023, la durée annuelle moyenne d’un salarié à temps plein était de 1 669 heures, contre 1 638 heures en Allemagne et 1 582 heures aux Pays-Bas¹. Le problème français, ce n’est donc pas la durée du travail de ceux qui travaillent… c’est le nombre de ceux qui ne travaillent pas.

Le taux d’emploi des 15-64 ans était de 67,5 % en France en 2024, contre 77 % en Allemagne et 82 % aux Pays-Bas². Plus inquiétant encore : seulement 35,2 % des jeunes (15–24 ans) sont en emploi en France, contre 48 % en Allemagne et 74 % aux Pays-Bas³. Chez les seniors (60–64 ans), même constat : la France plafonne à 36 %, tandis que l’Allemagne atteint 61 % et la Suède 69 %⁴.

L’OCDE le résumait déjà dans son rapport annuel : « La priorité pour la France est d’élargir la base active plutôt que de ponctionner ceux qui travaillent déjà. »⁵

Autrement dit, le problème est structurel. Et ce n’est pas en rognant encore un peu plus les jours de repos de ceux qui travaillent que l’on règlera la question.

Éric Coquerel (LFI) pose une question à Amelie de Montchalin (Ministre chargée des Comptes publics) concernant les 2 jours fériés en moins

Une goutte d’eau budgétaire

Sur le plan budgétaire, la suppression de deux jours fériés rapporterait, selon le gouvernement, environ 4,2 milliards d’euros⁶. Une somme non négligeable pour le commun des mortels, mais dérisoire comparée aux 330 milliards annuels consacrés aux retraites et aux 50 milliards attendus pour la dépendance d’ici 2030. Et Rexecode évalue l’impact macroéconomique à seulement 0,1-0,2 % de PIB supplémentaire par an, bien loin de ce qui serait nécessaire pour résorber durablement nos déficits⁷.

Punir plutôt qu’inclure

Ce choix illustre surtout une certaine paresse intellectuelle par des gens qui invitent les autres au courage ! Il est plus facile, politiquement, d’exiger un effort supplémentaire de ceux qui travaillent déjà que d’affronter les vraies difficultés : chômage structurel, précarité, formation continue insuffisante, exclusion des seniors. France Stratégie qui n’est pas une officine gauchiste, notait dès 2023 : « Ces solutions à court terme usent les salariés en emploi sans élargir la base contributive. »⁸

Alors que des marges existent : insertion des jeunes via l’apprentissage (que l’actuel gouvernement déstructure et rabote), maintien des seniors dans l’emploi, inclusion des publics éloignés. Mais cela demande du temps, du courage, de l’imagination et finalement de l’intelligence. Toutes ces qualités dont cette proposition Bayrou est tristement dépourvue.

Une très vieille rengaine

Le plus désolant, sans doute, est que François Bayrou en soit encore là, en juillet 2025, après avoir déjà brandi cette idée en 2023… et que la « journée de solidarité » de 2004 ait déjà prouvé son impopularité et ses effets limités⁹. Dans son discours de présentation du budget, François Bayrou déclarait : « Il faut réconcilier la France avec le travail ; supprimer deux jours fériés, c’est la démonstration concrète de solidarité nationale. »¹⁰

C’est surtout une démonstration d’immobilisme et de méconnaissance des réalités économiques. Comme le rappelait Keynes en 1931 : « Il est plus facile d’appeler à l’effort ceux qui sont déjà en mouvement que d’aider ceux qui sont immobiles. »¹¹

Et comme nous le soulignions avec humour sur larsg.fr la semaine dernière, persister dans cette voie, vingt ans après la première journée de solidarité, ne relève plus de la réforme, mais de l’acharnement thérapeutique… (n’en déplaise à Philippe Juvin !) à l’encontre des salariés.

Dans son discours radiodiffusé du 11 octobre 1940, quelques mois après avoir pris la tête de l’État français, le maréchal Pétain exhortait les Français à accepter l’ordre nouveau et déclarait : « Les Français doivent se remettre au travail, non seulement pour produire, mais pour se redresser moralement. »¹²

Cette phrase, dans la bouche du vieux maréchal, servait à imposer une discipline collective et une soumission sociale sous couvert de « redressement ». Elle resurgit étrangement aujourd’hui, tant la logique sous-jacente de la proposition Bayrou, moralisme comptable et immobilisme politique, semble lui faire écho.

Discours Pétain Un nouveau régime ordre nouveau et Révolution nationale
Discours du Maréchal Pétain (Un nouveau régime : ordre nouveau et Révolution nationale).

  1. Insee, Durée effective annuelle du travail en 2023, 2024, insee.fr.
  2. Eurostat, Employment rate (15–64), avril 2024, ec.europa.eu.
  3. Eurostat, Youth employment rate (15–24), avril 2024, ec.europa.eu.
  4. OCDE, Employment rate of older workers (60–64), 2024, oecd.org.
  5. OCDE, Perspectives de l’emploi 2025, chapitre 5, « Travailler plus ou travailler plus nombreux ? », oecd.org.
  6. Le Monde, « Suppression de deux jours fériés, année blanche, gel des dépenses… », 15/07/2025, lemonde.fr.
  7. Rexecode, Impact économique de la suppression d’un jour férié, note de décembre 2023, rexecode.fr.
  8. France Stratégie, Mobiliser le travail en France, rapport 2023, francestrategie.gouv.fr.
  9. Les Échos, « La journée de solidarité a rapporté 2,3 milliards en 2022 », 17/05/2023.
  10. Discours de présentation du budget 2026, François Bayrou, 15 juillet 2025.
  11. John M. Keynes, Essais de persuasion, 1931.
  12. Philippe Pétain, discours radiodiffusé à Vichy, 11 octobre 1940, dans Documents sur la politique intérieure de la France, 1940–1944, Paris, Imprimerie nationale, 1946, p. 23.

Encyclopédie des communautés et des pratiques communautaires

(Presses universitaires Paris-Saclay — Label Maturation MSH Paris-Saclay)
Appel à contributions
Jusqu’au 15 septembre 2025

Le projet

L’Encyclopédie des communautés et des pratiques communautaires a pour ambition de participer à une meilleure compréhension des manifestations de la créativité sociale passées et présentes des individus pour s’organiser collectivement dans un objectif général d’émancipation des individus et des groupes.

La communauté, telle que nous la définissons, est constituée d’un groupe de personnes qui partagent un but, un intérêt ou un bien commun et qui établissent des relations sociales privilégiées entre elles. Ces communautés imaginent des règles pour réaliser le but fixé, défendre l’intérêt protégé, gérer et conserver un bien commun.

L’Encyclopédie des communautés et des pratiques communautaires a vocation à rassembler des contributions qui viennent soit de l’expérience pratique, soit de réflexions théoriques, dès lors qu’elles aident à mieux comprendre les communautés telles que nous les avons définies. La méthode retenue permet un dialogue entre approche empirique et approche théorique qui s’enrichissent chacune au contact de l’autre.

Le choix de la forme encyclopédique est motivé par le souhait d’offrir un ouvrage scientifique de référence, pluridisciplinaire, en accès libre et en constante évolution. Le projet de l’Encyclopédie des communautés et des pratiques communautaires est né en 2018 et a fait l’objet de colloques et de publications intermédiaires. Il nous est apparu comme une évidence que l’encyclopédie soit en accès libre, qu’elle puisse s’enrichir au fil de l’eau, qu’elle soit animée par un collectif et enfin, qu’elle fasse communauté.

Soutenue par la MSH Paris-Saclay depuis ses débuts, l’Encyclopédie des communautés et des pratiques communautaires est un des projets pilotes de la plateforme éditoriale de publication en science ouverte des presses universitaires de l’Université Paris-Saclay (modèle diamant) qui sera disponible à compter de janvier 2026.

En 2025 des extraits choisis de l’encyclopédie ont été publiés en édition diamant (Encyclopédie des communautés et pratiques communautaires : extraits choisis, M. Clément-Fontaine et G. Gidrol-Mistral [dir.] et al., Université Paris-Saclay, 2025, 978-2-9597054-0-3.10.52983/JAQH5207, hal-04893685).

Les contributions sont publiées sous une licence permettant la reproduction libre (et gratuite) sans modification, sous réserve de mention du nom des auteurs et autrices.

Des suggestions de questions auxquelles répondre

Thème 1 : Les critères des communautés

  • 1) Un intérêt communautaire : la communauté met en œuvre un intérêt supérieur aux intérêts individuels de ses membres et à la somme des intérêts individuels. L’intérêt communautaire précède-t-il la communauté qui se met en place dans le but de le protéger ou est-ce la communauté qui fait émerger l’intérêt communautaire ? Existe-t-il une gradation de l’intérêt communautaire (plural, collectif, public, commun, général) ?
    Les exemples des fiducies d’utilité sociale (Québec), des fondations (France) ou des Charitable Trust (Canada — Angleterre), mais aussi les expériences qui ne s’appuient pas forcément sur une structure légale ou qui trouvent leurs sources dans d’autres traditions juridiques permettront d’illustrer ces enjeux.
  • 2) Un territoire commun : la communauté s’établit-elle nécessairement sur un territoire délimité qui l’accueille, que cet espace soit foncier ou immatériel (plate-forme numérique) ? Les exemples de l’environnement ou du savoir témoignent de cet éclatement à travers la notion d’écosystème ou de biens communs de la connaissance.
  • 3) Une mise en commun : la communauté se caractérise par une mise en jouissance commune. Ce partage de jouissance interroge également la fluidité des entrées et des sorties dans la communauté. Le type de communauté (fermées ou poreuses, exclusives ou inclusives) comme la nature des biens communs (matériels et rivaux, immatériels et non rivaux) ont-ils un impact sur la jouissance commune ? Les cohabitats ou les productions intellectuelles collaboratives soulèvent ce type de questionnement.

Thème 2 : Les formes communautaires

La notion de communauté est rétive à s’inscrire dans une seule forme connue. Il n’existe pas un cadre d’organisation de la communauté, mais une pluralité de modèles, certains inscrits dans le droit, d’autres non. Quel rapport les communautés entretiennent avec des formes et concepts connus ? On peut penser à la personnalité morale ou aux formes historiques, tels les communautés villageoises du Moyen-Âge, le compagnonnage à travers les siècles, l’associationisme, le mutualisme, le coopérativisme ou encore le syndicalisme. Proposent-elles des modèles qu’il serait judicieux de formaliser ?

Thème 3 : L’organisation communautaire

  • 1) La genèse d’une communauté : la communauté repose nécessairement sur une démarche privée qui peut coexister, voire concurrencer, les organisations publiques.
    Quelle est la force de la volonté initiatrice ? Quelles places respectives des personnes privées et des personnes publiques ? Quelles sont les interactions de la communauté avec l’extérieur (les autres organisations, publiques ou privées notamment) ?
  • 2) Les règles de fonctionnement : les communautés développent des règles de fonctionnement qui mettent en place des pratiques communautaires. Ces règles ad hoc servent la poursuite de l’intérêt communautaire. À force de répétition, ces usages ontils un effet obligatoire ? Créent-ils des règles normatives au-delà de la communauté ?
    Comment ces règles sont formalisées, et si elles le sont, quels mécanismes sont mis en place pour les faire respecter ? Enfin, ces règles et mécanismes sont-ils source de droit ?

Thème 4 : Les communautés : humains, choses et autres entités

La communauté est-elle une forme d’organisation exclusivement humaine ou peut-elle inclure d’autres entités ?

Comité éditorial

– Mélanie Clément-Fontaine, Professeure de droit privé, Université Paris-Saclay, UVSQ, DANTE
– Gaële Gidrol-Mistral, Professeuse de droit privé, Université du Québec à Montréal, GRDP.

Comité scientifique

Mélanie Clément-Fontaine, Gaële Gidrol-Mistral, David Hiez (Professeur de droit privé à l’université du Luxembourg), Nicolas Jullien (Professeur d’économie, IMT Atlantique), Liliana Mitkova (Professeure de gestion, Université de Paris-Saclay, Ivry), Garance Navarro Ugé (Docteure en droit public, UP1/EHESS), Pierre-Yves Verkindt (Professeur de droit privé émérite, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne).

Informations pratiques : comment contribuer

Conditions éditoriales

Chaque proposition de contribution fait l’objet d’une évaluation par le comité éditorial pour juger de son adéquation avec l’objet de l’encyclopédie.

Les propositions complètement rédigées sont évaluées par le comité scientifique ; ce comité scientifique pourra s’appuyer sur des évaluateurs extérieurs pour ce faire.

Modalités de soumission

Une première série de notices a été écrite et est disponible ici : https://hal.science/hal-04893685v1

Calendrier pour la publication de janvier 2026

– Envoi des propositions de contribution (thème et résumé de 3000 signes maximum) avant le 15 septembre à l’adresse suivante : encyclopedie_pratiques_communautaires_ceedi@groupes.renater.fr ;
– Envoi des contributions avant le 3 novembre ;
– Dernière lecture avant le 10 décembre ;
– Publication des nouvelles notices en janvier 2026.

Nature des contributions

– Un thème unique par contribution
– Contenu scientifique et ton libre : l’auteur ou l’autrice est invitée à faire état d’une pensée originale avec en introduction un état de la littérature et des principales thèses en présence. La consigne est inapplicable au récit d’expérience.
– Langue : la contribution peut être faite en français, espagnol ou anglais ; l’ambition est de publier tous les travaux dans les trois langues.
– Longueur : 20 000 à 30 000 signes.
– Les contributions devront être accompagnées de :

• Un résumé synthétique de 1000 signes maximum présentant l’idée maîtresse et son articulation avec l’ensemble de l’encyclopédie (le résumé pourra être revu par le comité éditorial)

• Une liste de 3 à 5 mots-clés qui seront utilisés pour naviguer dans les thèmes de l’encyclopédie et entre les contributions.

• Bibliographie des références utilisées dans le texte.

• Éventuellement une liste de 3 à 5 références pour permettre au lecteur ou à la lectrice d’aller plus loin sur le thème de la contribution (notamment vos écrits à l’origine de la contribution).

  • Les auteurs et autrices sont invitées à lier leur contribution aux autres contributions.
  • Les contributions devront absolument respecter les règles de formatage de l’encyclopédie (voir ci-après).

Règles de formatage

– Les contributions devront utiliser une feuille de style (les titres au format titre, etc.)
– Les références sont présentées en respectant les principes et le style UQAMAPA : nom d’auteur et d’autrice, année dans le texte, référence complète en fin de document. Voir les consignes détaillées ici : https://style-apa.uqam.ca/ en français, et ici : https://uqam-bib.on.worldcat.org/oclc/1124961103 en anglais.

Contact

encyclopedie_pratiques_communautaires_ceedi@groupes.renater.fr

François Bayrou à Matignon : le Magnificat perverti, le souvenir du Gosplan… et les sépulcres blanchis

François Bayrou, catholique pratiquant, parvenu (enfin, pour lui) à Matignon, a présenté hier son grand « Plan pour la soutenabilité des finances publiques et la relance productive » (titre officiel annoncé en conférence de presse, 15 juillet 2025).

François Bayrou n’est-il plus à une contradiction près ?

Dans un élan volontariste, François Bayrou exhorte la France à « produire plus » et à « retrouver une capacité productive », tout en prévenant qu’il serait dangereux de taxer davantage les plus riches. Une contradiction qui ne semble guère troubler cet homme de foi affichée, lui qui a pourtant largement contribué à porter Emmanuel Macron au pouvoir, celui qui a bradé les fleurons industriels français avec une légèreté sans précédent (cf. Le Monde, 2022, sur les cessions d’Alstom, Technip, Lafarge, etc.).

Comment ne pas songer au drame d’Olivier Marleix, député et ancien président de la commission d’enquête sur la vente d’Alstom, qui en fit le récit dans Ce que je ne pouvais pas dire, avant de se donner la mort en juillet dernier, broyé par cette même logique qu’on continue aujourd’hui de travestir en vertu ?

François Bayrou est-il toujours au Plan ?

On dirait que son passé de Haut-commissaire au Plan colle à la peau de François Bayrou. À force de parler de « production », le voilà qui ranime des souvenirs soviétiques : produire plus, mais produire quoi  ? Pour qui  ? On repense à ces aberrations du Gosplan, où la logique du chiffre étouffait celle du bon sens : des clous si gros qu’ils en devenaient inutilisables, des millions de chaussures toutes en taille 42, des lampes fragiles qui éclataient au moindre choc… Des quotas respectés, des besoins trahis.

François Bayrou serait-il toujours de bonne foi ?

Et l’on sourit (jaune) ou l’on s’indigne en voyant l’homme de foi pervertir ainsi le Magnificat de Marie, qui proclame dans l’Évangile : « Il a comblé de biens les affamés, et renvoyé les riches les mains vides » (Luc 1, 53).

François Bayrou lui travestit le texte sans vergogne : « Il comble de biens les riches, et renvoie les affamés les mains vides. »

On aimerait lui rappeler qu’on ne gouverne pas pour satisfaire des chiffres, mais pour répondre à des vies ; et que la production, comme le sabbat, a été faite pour l’homme, et non l’homme pour la production (Marc 2, 27).

En définitive, cet homme qui cite volontiers les Évangiles ressemble à ces sépulcres blanchis dénoncés par Jésus : une façade immaculée et pieuse, mais derrière, le calcul politique, l’hypocrisie et l’injustice continuent d’enterrer les plus faibles sous une chape de chiffres et d’apparences (cf. Matthieu 23, 27).

Délais de paiement : l’État satisfait… l’Observatoire observe et un rapport de plus !

C’est un rituel bien huilé depuis bientôt vingt ans : chaque année, l’Observatoire des délais de paiement (1) remet son rapport annuel au gouvernement. Cette instance, créée à l’initiative de Thierry Breton, alors ministre de l’Économie de Jacques Chirac et incarnation assumée de la technocratie française, publie inlassablement ses constats, salués par le ministre du moment. Cette année, le rapport a été accompagné d’un communiqué de presse du ministère de l’Économie et des Finances, signé par la ministre déléguée Véronique Louwagie, chargée du Commerce, de l’Artisanat, des Petites et Moyennes Entreprises et de l’Économie sociale et solidaire, saluant les progrès et promettant de sanctionner les retardataires… à condition qu’ils ne soient pas publics.

L’État est-il si exemplaire ?

La lecture du rapport 2024 révèle un exercice d’équilibriste. Officiellement, l’État est « exemplaire », avec un délai moyen de 14,2 jours pour régler ses fournisseurs en métropole. « Près de 9 paiements sur 10 en moins de 30 jours », clame fièrement le communiqué. Sur le papier, la France devance même la moyenne européenne.

Mais cette autosatisfaction mérite nuance. D’abord parce que la situation se dégrade légèrement depuis deux ans (13,6 jours en 2022), traduisant une lente érosion de la discipline de paiement. Ensuite parce que la performance moyenne masque des écarts abyssaux : le ministère de l’Europe et des Affaires étrangères brille avec 7 jours, mais la Justice flirte avec 40 jours, mais certains établissements publics hospitaliers atteignent 121 jours en Outre-mer. La République sans cesse invoquée est bien loin d’être égale pour tous ! Enfin, parce qu’un quart des ministères ne parviennent pas à tenir les délais réglementaires de 30 jours pour toutes leurs dépenses.

Ces écarts révèlent une administration à deux vitesses : celle qui a numérisé ses circuits, et celle qui peine encore à dématérialiser ses factures ou à mettre fin à ses « réseaux » d’ordonnateurs éclatés. Mais plutôt que de sanctionner ses propres lenteurs, l’État préfère parler de « contrôle pédagogique » et publier en open data les résultats des collectivités locales… histoire d’inviter les Français à se faire une opinion.

À l’heure où l’on traque la moindre économie budgétaire et où l’on pousse les hôpitaux et les collectivités à « rationaliser leurs dépenses », on reste frappé par la tolérance dont bénéficie la République envers elle-même. La morale de la fable : quand l’État se juge, il s’accorde facilement le satisfecit.

L’Observatoire des délais de paiement en question

L’Observatoire des délais de paiement a pour mission de mesurer, d’analyser et de commenter les pratiques de paiement en France, dans le secteur public comme privé. Il ne dispose d’aucun pouvoir contraignant, mais formule des recommandations annuelles sur la base des données collectées par ses membres. Il est composé d’environ 80 représentants de 35 institutions publiques et privées, sous la présidence de Virginie Beaumeunier, directrice générale des entreprises au ministère de l’Économie.

Ses membres incluent la Direction générale des entreprises (DGE), la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), la Direction générale des finances publiques (DGFiP), la Banque de France, ainsi que des représentants des organisations patronales, syndicats, chambres consulaires et experts.

Son budget se voudrait un modèle d’efficience bureaucratique : sans avoir de budget propre, il mobilise tout de même plusieurs dizaines d’agents publics et statisticiens de ces administrations pour un coût estimé d’au moins un million d’euros par an (2). Une somme modeste dans l’absolu… mais pas si anodine à l’heure où l’on prône la sobriété budgétaire et où le rapport annuel passe largement inaperçu du grand public.

La République dépense un million d’euros par an pour expliquer pourquoi elle ne paie pas dans les délais

En clair : la République dépense volontiers un million d’euros par an pour s’autoévaluer et publier des rapports expliquant pourquoi elle ne paie pas toujours ses factures dans les délais. Ironie de la situation : ces mêmes rapports dénoncent des pratiques de retard inacceptables chez les entreprises privées, assorties de la menace d’amendes pouvant atteindre 1 % du chiffre d’affaires mondial… tout en concluant que la sphère publique, elle, reste « dans les clous réglementaires ». La pédagogie vaut visiblement mieux que la sanction quand c’est l’État qui se juge.

Alors, à quoi ça sert ? À justifier l’existence de l’Observatoire des délais de paiement, sans doute. Et à rappeler que, dans la République, on est toujours mieux payé pour observer que pour agir. Un “machin” (de plus) comme l’aurait peut-être dit le Général !


(1) Observatoire des délais de paiement, créé par le décret n° 2006-188 du 17 février 2006, sous le gouvernement Dominique de Villepin (Journal officiel du 19 février 2006).

(2) Estimation calculée sur un coût direct de fonctionnement autour de 400 000 €, auquel s’ajoutent les traitements de plusieurs dizaines d’agents de catégorie A mobilisés à temps partiel ou complet sur les travaux de l’Observatoire (salaires moyens de 3 193 € nets mensuels), et les coûts annexes logistiques et de publication.

Première page du communiqué
communiqué 11 juillet retards de paiement

n°333 – Le travail, c’est la santé… vraiment ?

« Le travail, c’est la santé… rien faire, c’est la conserver », chantait Henri Salvador avec l’humour du paradoxe. C’était en 1965. Cette même année, naissait la revue Direction et Gestion des Entreprises, devenue depuis La Revue des Sciences de Gestion. Soixante ans plus tard, le refrain résonne encore, dans un monde où le travail est à la fois revendiqué, transformé, désacralisé… et souvent pathogène.

https://doi.org/10.3917/rsg.333.0001

Nous avons choisi de faire de ce titre de chanson le point de départ de notre numéro 333, deuxième numéro de notre soixantenaire, à la tonalité volontairement libre, critique et inspirée. Car dans « 333 », on entend aussi ce fameux « 33 » qu’on disait chez le docteur !

333 avant notre ère, c’est aussi Alexandre le Grand qui bat Darius III à Issos, ouvrant la voie à la conquête de l’Orient. Ce numéro n’a pas cette ambition, mais se veut à sa manière un point d’inflexion – qui raisonne et résonne – une invitation à regarder autrement nos certitudes, nos normes… et nos pratiques.

Fidèle à sa tradition d’ouverture à la réflexion, et quelle réflexion : voir ce que la finance ne montre pas, La Revue des Sciences de Gestion s’ouvre par une tribune libre de Jean-Jacques Pluchart, qui présente « Les invisibles de l’emprise de la finance ». Il y évoque l’un des paradoxes les plus puissants du capitalisme contemporain : sa visibilité hégémonique et son invisibilité concrète. À la manière du mythe de la caverne de Platon, l’auteur nous entraîne à la découverte de la « banque de l’ombre », des réseaux de blanchiment, des flux spéculatifs hors radar et de ces puissances anonymes qui structurent les marchés sans visage.

De là découle un court dossier : approches pluriculturelles en finance, qui aborde la finance plurielle, entre normes et cultures des sociétés foncières européennes aux microcrédits africains. Charlotte Disle et Rémi Janin (Université Grenoble-Alpes) analysent l’usage du résultat EPRA comme indicateur alternatif de performance dans le contexte des normes IFRS, révélant à la fois ses apports et ses limites pour les sociétés foncières européennes. En écho, Pascal Bougssere, Mamadou Toé et Wend-Kuûni Raïssa Yerbanga étudient les perceptions croisées du microcrédit au Burkina Faso, à travers les rapports entre institutions de financement et performance réelle des micro-entreprises. Ces contributions montrent combien la finance reste un construit culturel, façonné par les normes, les institutions… et les perceptions qui sont importantes en santé mentale.

Sans transition, soigner autrement : démocratie, numérique et management de la santé sont autant de pistes pour la gestion de la santé dans tous les continents. Xavier Moinier et Liliane Bonnal montrent comment la e-santé peut accroître le pouvoir d’agir du patient, dans une logique de démocratie sanitaire active. Une contribution de Kaouther Ben-Jemaa-Boubaya (EDC-Paris) et Boutheina Zouabi-Ouadrani (La Réunion) analyse l’impact de l’agilité organisationnelle sur le stress professionnel des cadres de santé français, en contexte post-Covid. Du côté de Bamako, l’étude sur les médicaments traditionnels informels interroge le rôle ambivalent des réseaux sociaux numériques dans la circulation des produits de santé.

Enfin, Nabil Ouarsafi et Elmaati Errachiq explorent les obstacles organisationnels au Lean healthcare dans les établissements sanitaires du Maroc, confrontant modèle importé et culture hospitalière.

Là encore, le monde entier est concerné, et pas ce petit bout étriqué qui n’a que l’Outre-Atlantique comme horizon ultime !

Ces travaux s’inscrivent aussi dans notre partenariat durable avec la Chaire de gestion des services de santé du CNAM, dirigée par le Professeur Sandra Bertezene, partenaire indispensable de La RSG pour la troisième année dans nos colloques sur la démocratie en santé.

L’idée de la santé et de son lien avec la gestion n’est plus une vue de l’esprit. Déjà dans le numéro précédent, j’amorçais la réflexion sur le fait que le manager est aujourd’hui un acteur-clé de la santé mentale au travail[1], souvent plus influent que les soignants eux-mêmes. J’y relevais le paradoxe que le gestionnaire, si décisif dans le quotidien des entreprises, est pourtant absent des débats publics. Il ne s’agissait pas de défendre une discipline, mais de rappeler que la gestion, ou le management, mérite toute sa place dès qu’il est question d’organisation humaine.

Cela résonne d’autant plus aujourd’hui, au moment où le Gouvernement confie à Teddy Riner, triple champion olympique de judo, l’un des sportifs les plus titrés et les plus populaires de France, le parrainage de la Grande Cause nationale 2025 : la santé mentale. Un choix symbolique qui honore l’effort et la performance, mais qui doit aussi s’accompagner d’une réflexion sérieuse sur les causes structurelles du mal-être, notamment dans le travail. Le management n’est pas un simple outil de gestion du quotidien : il est aussi, souvent, un déterminant de santé.

Le constat est accablant : en France, selon les données de l’Assurance Maladie, plus de six cent mille accidents du travail sont déclarés chaque année, et près de cinquante mille maladies professionnelles reconnues. Le secteur de la construction, de la logistique, mais aussi celui de la santé et de l’aide à la personne figurent parmi les plus touchés. Le travail ne préserve pas la santé : il l’altère trop souvent.

Toutefois, il convient de ne pas oublier que le travail peut aussi être facteur d’insertion, notamment pour les personnes en situation de handicap. Ainsi, les établissements et services d’aide par le travail (ESAT) permettent à des milliers de travailleurs handicapés d’accéder à une activité professionnelle adaptée, source de reconnaissance, de lien social et d’équilibre personnel. Mais il y a ici une condition qui l’emporte sur toute autre considération, que l’on n’oublie pas, comme le fait pourtant la dangereuse réforme gouvernementale des ESAT, initiée par la calamiteuse Sophie Cluzel que le travail doit y aussi et surtout ici, ne pas jeter aux orties, l’aspect médico-social[2].

C’est une piètre justification pour s’exonérer de l’absence d’anticipation dans la formation des personnels de santé qui manquent cruellement. Dans les établissements et services sociaux et médico-sociaux (ESMS), notamment les ESAT, les difficultés de recrutement sont nettes : le taux de vacance atteint 2,3% aujourd’hui, et près de 4% en moyenne dans l’ensemble des structures médicosociales[3]. Malgré leur vocation inclusive, ces établissements peinent à pourvoir des postes clés. L’absentéisme, lui, a crû durant la crise sanitaire (11,5 →13% en 2020), témoignant des pressions croissantes sur les personnels. Ce défaut de dotation, que les ESAT partagent avec les services multi-clientèle, inquiète : il fragilise leur mission d’insertion professionnelle et sociale. »

C’est aussi oublier, excusez du peu, que 80 % des handicaps sont « invisibles », psychiques ou cognitifs, non détectables à l’œil nu[4]. Le mythe du travail en milieu ordinaire pour tous est un crime contre la vérité, les faits et l’intelligence.

Le sens du travail ne se résume donc pas à sa pénibilité ou à ses risques, mais se construit aussi dans la capacité à inclure et à valoriser chacun selon ses possibilités.

Et le Covid-19, loin de réduire les risques, les a déplacés. Le télétravail, devenu très souvent une forme banale d’organisation, entraîne des risques nouveaux : isolement, effacement des limites entre vie professionnelle et personnelle, troubles musculosquelettiques, et surtout fatigue psychique accrue. Travailler chez soi n’est pas toujours plus sûr. C’est aussi un mode de stress invisible.

C’est pour inclure toutes ces réflexions que se tiendra sommet francophone du management que La Revue des Sciences de Gestion à Marrakech, les 10, 11 et 12 décembre 2025, en partenariat avec les Rendez-Vous du Management, initiés par le Professeur Nabil Ouersafi à l’occasion de son soixantenaire. Ce colloque, à la fois pluridisciplinaire et ouvert à la diversité des approches et des terrains, portera sur le thème général du Travail, décliné autour de deux appels à communication[5] :

  • Travailler plus ? Travailler moins ? Ou travailler autrement ?
  • Pouvoir d’agir des usagers en Europe, en Amérique, en Afrique… : Partager les savoirs pour une plus grande démocratie en santé : Travailler autrement.

Alors oui, « Le travail, c’est la santé », mais à condition qu’on cesse d’en faire une incantation vide. À condition qu’on réinterroge les formes, les finalités, les rythmes, les rapports sociaux. À condition que le travail ne soit plus ce qu’il empêche, mais ce qu’il permet.

Comme le rappelait déjà l’Organisation Internationale du Travail en 2019, plus de 2,7 millions de personnes meurent chaque année d’un accident ou d’une maladie liée au travail, et quelque 374 millions d’accidents non mortels sont signalés.

En France, malgré les dispositifs de prévention, les chiffres restent préoccupants. C’est donc à une mobilisation scientifique, managériale et sociale que ce numéro appelle.

Dans cet esprit, nous renouvelons l’engagement de La Revue des Sciences de Gestion depuis 60 ans : analyser, critiquer, transmettre.

Et, si l’on devait encore ausculter le monde de la gestion… alors oui, comme chez le docteur, disons 33. C’est justement ce que proposait l’illustre René Laennec, professeur à la Faculté de médecine de Paris, en 1816. Inventeur du stéthoscope, il introduisit cette forme d’écoute directe des sons du corps, l’auscultation, en demandant à ses patients de prononcer le nombre « 33 », dont les vibrations thoraciques facilitaient l’examen des poumons. À l’époque, le stéthoscope n’était qu’un simple cylindre de bois, mais son innovation ouvrait la voie à une médecine plus rigoureuse, fondée sur l’observation et l’écoute plutôt que sur la seule spéculation intuitive. Tout ce qui est aussi notre finalité.

Sachons aussi que dans les pays anglophones, le médecin disait « ninety-nine ». Comme quoi, la santé-comme la gestion a toujours parlé plusieurs langues.

C’est cette richesse pluriculturelle, loin des modèles figés, que nous défendons depuis 60 ans à La RSG !


1. https://www.larsg.fr/la-revue-des-sciences-de-gestion/n331-332-le-manageur-lhomme-clef-de-la-sante-mentale/

2. Dispositions des décrets des 13 et 22/12/2022. Mesures annoncées par le Président de la République lors de la Conférence Nationale du Handicap du 26/04/2022. Déploiement de la Loi Plein Emploi : inscription dans la loi de finance 2025

3. Entre 2017 et 2023, le taux de vacance moyen dans les établissements et services médico-sociaux (ESMS) a quasiment doublé, passant de 2,1 % à 4,5 %. Dans les ESAT, ce taux est plus faible qu’ailleurs, autour de 2,3 % en 2023, contre 6,9 % dans les MAS pour adultes handicapés, source cnsa.fr. Le secteur des services multiclientèle (SAAD, SSIAD…) affichait des vacants jusqu’à 7,7 %, sensibilisant aux difficultés de recrutement dans le medico‑social. Source Repères statistiques, n°24 Avril 2025 “Absentéisme, vacance et rotation dans les établissements et services médico-sociaux” par Myriam Lévy (Direction de la prospective et des études) CNSA.fr et Le Média social, 23 avril 2025, “Dans les ESMS, l’absentéisme est revenu à son niveau d’avant-Covid”

4. Source : chiffres clés du Handicap, Ministère de l’Agriculture et de la souveraineté alimentaire, 14 avril 2025.

5. https://www.larsg.fr/sommet-francophone-du-management-double-appel-a-communication/

Fusion CEFDG–HCERES : simplification ou nouvelle bureaucratie à la soviétique, et pour quelles économies ? Une nouvelle étude de cas pour les gestionnaires

Le paysage de l’enseignement supérieur français pourrait connaître une mutation structurelle importante dans les prochaines années. Parmi les réformes envisagées figure le rapprochement – voire la fusion – entre deux instances centrales de l’évaluation : le Comité d’Évaluation des Formations de Gestion (CEFDG) et le Haut Conseil de l’Évaluation de la Recherche et de l’Enseignement Supérieur (HCERES). L’objectif affiché : rationaliser les procédures, alléger les charges administratives et optimiser les ressources publiques.

Le CEFDG sous l’égide du ministère de l’Enseignement supérieur

Créé en 2001, le CEFDG est une commission placée sous l’égide du ministère de l’Enseignement supérieur. Il est chargé d’instruire les demandes de visa ministériel et d’accréditation du grade de master pour les formations de gestion, en particulier celles portées par les écoles de commerce et les IAE. Son action est donc ciblée, mais hautement stratégique, car elle conditionne la reconnaissance publique de diplômes très recherchés.

Le HCERES

Le HCERES, lui, est une autorité administrative indépendante, héritière de l’AERES (Agence d’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur-2007-2013), et évalue l’ensemble des établissements d’enseignement supérieur, des formations universitaires et des unités de recherche dans tous les champs disciplinaires. Son action s’inscrit dans un cycle régulier de revues quinquennales, avec des rapports publics et une méthode d’audit éprouvée.

Mais le mot indépendant, dès lors qu’il est accolé à des structures administratives désignées par l’État, mérite parfois d’être manié avec précaution. Ainsi que le notait ironiquement La Revue des Sciences de Gestion, « la République pense avoir trouvé la solution de l’indépendance » en multipliant les autorités administratives dites indépendantes, construites sur des schémas identiques et rarement sans lien avec les circuits de nomination. Une indépendance déclarée, sinon démontrée.

Des coûts séparés, un objectif commun d’efficacité

Même si leurs périmètres sont différents, CEFDG et HCERES peuvent être appelés à intervenir auprès des mêmes établissements, notamment lorsque les formations de gestion sont adossées à des composantes universitaires. Cette superposition engendre une redondance d’évaluations, perçue comme lourde et coûteuse par les institutions concernées.

Les deux instances mobilisent des moyens significatifs :

  • Le CEFDG, bien que relativement léger, fonctionne avec un budget estimé entre 1 et 2 millions d’euros par an, financé directement par le ministère. Il mobilise une équipe restreinte de 10 à 15 personnes, complétée par un réseau d’experts externes.
  • Le HCERES, plus structuré, dispose d’un budget avoisinant les 20 millions d’euros, dont une part significative est allouée aux missions d’évaluation. Il emploie environ 120 à 150 personnes, en plus de ses experts évaluateurs.

La fusion ou le rapprochement permettrait donc de réduire les coûts de fonctionnement, d’optimiser les expertises mobilisées et de clarifier le paysage de l’évaluation pour les établissements français et leurs partenaires internationaux. À condition que la simplification promise ne se transforme pas, comme souvent, en une superposition des lourdeurs antérieures.

Un tableau des compétences pour mieux comprendre

DomaineCEFDGHCERES
StatutCommission ministérielleAutorité administrative indépendante*
Champ disciplinaireGestion uniquementTous domaines
Objet principalAccréditation : visa, grade de masterÉvaluation qualité : établissements, formations, recherche
PériodicitéÀ la demande (visa/accréditation)Tous les 5 ans
Type de livrableDécision ministérielle (accréditation)Rapport public d’évaluation
MéthodologieGrilles CEFDG, approche professionnalisanteMéthodologie d’audit et autoévaluation
Visibilité internationaleSpécificité du grade de master françaisReconnaissance HCERES dans l’espace européen
Budget annuel~ 1 à 2 M€~ 20 M€
Effectif permanent10–15 agents120–150 agents

* Une indépendance d’autant plus solide qu’elle ne trouble pas l’ordre établi.

Des résistances mais un mouvement enclenché

Cette convergence est loin de faire l’unanimité. Les grandes écoles de commerce, fortement investies dans les procédures CEFDG, redoutent que leurs spécificités soient diluées dans un processus trop universitaire, moins attentif aux réalités du management ou aux attentes du monde professionnel.

De leur côté, les universités, souvent engagées dans une modernisation sous contrainte, affichent une position plus ambivalente. L’effet délétère de la loi de 2007 sur l’autonomie, loin d’avoir produit l’élan managérial espéré, a parfois laissé les établissements seuls face à leurs charges, sans les moyens réels d’une autonomie stratégique. Le transfert de compétences budgétaires et immobilières s’est souvent accompagné d’un alourdissement des procédures, d’une dépendance accrue aux financements précaires, et d’un recul de l’ambition universitaire au profit d’une gestion à vue.

Si certaines composantes, comme les IAE, ont su tisser des liens solides avec le monde économique, d’autres restent prisonnières de logiques internes contradictoires. Le développement de l’apprentissage, pourtant soutenu au niveau national, y rencontre des résistances idéologiques durables. Les relations avec les entreprises sont souvent perçues comme des compromissions, et une forme d’anticapitalisme culturel continue de structurer les discours dans plusieurs disciplines, au détriment de l’insertion professionnelle des étudiants.

Ce décalage se traduit par une fragilité croissante : locaux vétustes, taux d’encadrement faibles, désaffection croissante des jeunes chercheurs, et montée silencieuse de la défiance institutionnelle. Dans ce contexte, l’arrivée d’un acteur unifié de l’évaluation, s’il se contente d’harmoniser les exigences sans refonder les objectifs, pourrait accentuer les inégalités structurelles entre établissements. Le risque n’est plus seulement celui d’une complexité administrative accrue, mais celui d’un renforcement technocratique sur un socle universitaire déjà fragilisé.

Une réforme à construire… ou à déconstruire ?

Aujourd’hui, aucune décision officielle n’a encore été arrêtée, mais les pistes se précisent. Une fusion complète pourrait poser des questions de gouvernance, de statut juridique (faut-il vraiment intégrer le CEFDG dans une autorité administrative dite indépendante ?) et de continuité des missions. Une coordination renforcée, plus souple, fondée sur le partage des expertises et la convergence des grilles d’analyse, apparaît à ce stade comme une étape intermédiaire plus réaliste — et plus politiquement praticable.

Le défi est clair : il s’agit de moderniser l’évaluation de l’enseignement supérieur français, sans affaiblir ses points forts ni heurter les équilibres déjà précaires entre universités sous-dotées et grandes écoles sur-sollicitées. Mais la promesse de simplification, aussi ancienne que constante, pourrait bien se traduire — une fois encore — par la création d’une architecture administrative plus massive que fonctionnelle, alourdissant les procédures là où l’on prétend les alléger.

Reste cette question, à la fois triviale et redoutable : pour quelles économies ? Et surtout, pour quelle efficacité réelle ? La réforme, ce mot incantatoire devenu passe-partout, n’a-t-elle pas fini par perdre tout sens dès lors qu’il suffit de la prononcer pour en escamoter les effets ?

Simplification ou nouvelle bureaucratie à la soviétique, et pour quelles économies ? L’affaire devient en tout cas une étude de cas toute trouvée pour les gestionnaires, et un bel exercice d’accréditation pour les futurs évalués.

Retraites : face à l’échec du conclave, la CFR plaide pour une réforme de fond et un système universel par points

Le « conclave » sur les retraites, réuni dans l’espoir de rapprocher les partenaires sociaux sur quelques mesures consensuelles, s’est soldé par un échec. Aucun accord n’a pu être trouvé, malgré plusieurs propositions susceptibles d’améliorer le système actuel. La Confédération Française des Retraités (CFR), qui suit attentivement les évolutions du dossier, déplore vivement cette issue, et en appelle à une remise à plat du cadre actuel.

Des avancées envisageables… restées sans suite

Plusieurs pistes avaient été mises sur la table. Certaines répondaient à des attentes fortes : favoriser l’emploi des seniors via la retraite progressive, améliorer les droits des mères de famille en reconnaissant mieux les périodes d’interruption de carrière pour maternité, ou encore renforcer l’équité entre les différents régimes. Ces mesures auraient pu constituer des avancées concrètes et consensuelles, dans un contexte de défiance persistante vis-à-vis des réformes imposées d’en haut.

Mais faute d’un terrain d’entente entre les organisations syndicales et patronales, ces avancées sont restées lettre morte. Pour la CFR, cet échec n’est pas simplement conjoncturel : il met en lumière les limites structurelles du système actuel.

Un système à bout de souffle, incapable de se réformer de l’intérieur

Le système de retraite français, avec ses 42 régimes distincts, est devenu au fil du temps une véritable mosaïque d’exceptions, d’inégalités et d’opacités. Chaque réforme, même partielle, se heurte à un empilement de droits acquis, de règles spécifiques et de logiques catégorielles difficilement conciliables.

Pour la CFR, il devient clair que les ajustements paramétriques — reculer l’âge légal, allonger la durée de cotisation, ajuster les indexations — ne suffisent plus à garantir l’équité ni la soutenabilité du système. À leurs yeux, seule une réforme structurelle de grande ampleur peut permettre de sortir de l’impasse.

Un plaidoyer renouvelé pour un système universel de retraite par points

C’est dans cette perspective que la CFR renouvelle sa position de long terme en faveur d’un système universel de retraite par points, qui remplacerait progressivement les régimes actuels. Un tel système aurait l’avantage d’être plus lisible, équitable et adaptable. Chaque euro cotisé donnerait les mêmes droits à tous, quels que soient le statut, la profession ou la carrière.

Contrairement à certaines caricatures, la CFR ne voit pas dans ce système une privatisation rampante ou une casse sociale, mais bien une manière de préserver la retraite par répartition, à laquelle les Français sont légitimement attachés. Il ne s’agit pas de briser les solidarités, mais de les rendre plus justes et plus pérennes, dans un cadre lisible et compréhensible par tous.

Un débat à rouvrir avec courage et transparence

Un projet de loi avait amorcé ce virage lors du précédent quinquennat, avant d’être suspendu face aux crises sociales et sanitaires. Aujourd’hui, la CFR appelle les responsables politiques à rouvrir ce chantier essentiel, sans tabou ni démagogie, en associant les citoyens et les corps intermédiaires.

Il ne s’agit plus de gagner du temps ou de retoucher les marges, mais de refonder un système dont les limites deviennent chaque jour plus visibles. L’échec du conclave est un signal d’alarme. Il doit être le point de départ d’un nouveau cycle de réflexion, plus ambitieux, plus transparent, et enfin tourné vers l’avenir.

L’aversion des Français contre les anglicismes dans les publicités est confirmé

Un nouveau sondage confirme l’aversion des Français contre les anglicismes dans les messages publicitaires. La délégation générale à la langue française et aux langues de France (DGLFLF) a publié le 3 avril 2025 les résultats d’une étude Toluna/Harris Interactive concernant “Les Français et l’emploi de la langue française”. Réalisée en novembre 2024, elle porte sur la perception de la langue française et la présence de mots et expressions issus de langues étrangères comme l’anglais dans l’espace public.

Les anglicismes génèrent des réactions de « gêne » voire de « colère »

Dans le prolongement d’une étude du CREDOC (“Le multilinguisme en France aujourd’hui – opinion, usages, pratiques 2021”), ce nouveau sondage confirme que l’utilisation de mots ou expressions en anglais dans un message publicitaire conduit à des réactions majoritairement négatives : l’emploi d’anglicismes « intéresse » ou « plait à »19 % des sondés seulement ; alors qu’il suscite chez 45% des sondés des réactions de « gêne » voire de « colère ». Ces proportions sont aussi dans le droit fil de l’enquête du Crédoc selon laquelle 47% des Français se déclaraient « agacés » ou « hostiles » aux messages publicitaires contenant des mots en anglais.

“Pour les marques, s’exprimer avec des anglicismes illustrerait leur caractère supposément innovant”

Ce constat est-il de nature à mettre un frein à l’inflation des anglicismes plus ou moins ridicules ou déplacés dans les campagnes publicitaires ? Rien n’est moins sûr. En mars 2023, le Conseil de l’Éthique publicitaire, qui a pour mission d’éclairer l’Autorité de régulation professionnelle de la publicitaire, pointait « le recours devenu très systématique à l’anglais ou au globish ». il concluait : « le problème est celui de l’appauvrissement de la pensée et celui de l’exclusion pour une partie de la population (…) ». Force est de constater que cette mise en garde n’a guère été suivie d’effet. L’anglais ou plus exactement ce qui « a l’air d’être anglais » est privilégié par sa valeur supposée de modernité, d’innovation et d’ouverture au monde. Pour les marques, s’exprimer avec des anglicismes illustrerait leur caractère supposément innovant, notamment pour s’adresse aux jeunes.

« Cette conviction est tellement forte qu’elle ne souffre aucune réflexion et aucun questionnement : elle fonctionne comme une doxa, une croyance absolue ».

Les publicitaires et communicants gagneraient pourtant à méditer cette phrase de Nelson Mandela : « Si vous parlez à un homme dans une langue qu’il comprend, cela va à sa tête. Si vous lui parlez dans sa langue, cela va à son cœur. »

Texte de Pierre GUSDORF – Défense de la langue française

Illustrations :

Publicité électronique reçue en France.
Photo réalisée dans un magasin de Montréal.

n°331-332 – Le manageur : l’homme-clef de la santé mentale

For better or worse, managers have a greater impact on our mental health than doctors and therapists—and even equal to that of spouses and partners, telles sont les conclusions d’une enquête de The Workforce Institute portant sur 3 400 personnes dans 10 pays en 2023[1].*

https://doi.org/10.3917/rsg.331.0001

L’usage de l’anglais, inhabituel, a bien pour objet d’interpeler. Le gestionnaire n’est jamais interrogé sur les plateaux de télévision, ni appelé comme expert alors que l’on parle à longueur d’année des entreprises dans des chroniques appelées à tort « économiques ». Il ne s’agit pas ici de conflit de matières ou de sections du Conseil national des Universités (CNU) : la 06 (gestion) contre la 05 (économie) ou la 19 (sociologie). Il s’agit simplement de donner, à défaut de redonner, à la gestion, au management si l’on préfère cette dénomination, la place qui est la sienne dès qu’on parle d’entreprise et d’organisation !

Un très récent rapport[2] de l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) sur les pratiques managériales dans plusieurs secteurs des entreprises françaises comparées à celles de l’Allemagne, de l’Irlande, de l’Italie et de la Suède confirme que loin d’être exemplaire, le management français souffre d’un archaïsme certain du fait d’une excessive verticalité hiérarchique très différente d’ailleurs. « Les travailleurs français estiment que le soutien de leur manager est moins systématique que dans les autres pays de l’UE et dans les pays de comparaison[3] ». Or, l’absence de reconnaissance et d’autonomie est l’un des élément clef pour évaluer les risques psychosociaux, mis en lumière dès 1979 par Robert Karasek. Cela affecte le bien-être et la performance d’une équipe de travail en se caractérisant par une absence de reconnaissance, une surcharge de travail, du harcèlement, de l’agressivité, la manifestation d’une autorité vexatoire, le dénigrement voire ce que l’on appelle pudiquement des relations inadaptées qui peuvent aller jusqu’au viol. La « Promotion canapé[4] » n’est pas seulement un film comique sorti en 1990, c’est d’abord et surtout l’une des plaies des nombreux abus de pouvoir qui peuvent se produire dans toutes organisations humaines en créant une ambiance génératrice d’anxiété.

Ce sont ces types de manageur « froid », indifférent à tous, bien connu comme le « petit-chef », voire manipulateur comme un « marionnettiste » ou absolu comme un « monarque ». L’idéal-type au sens wébérien du « management toxique » pourrait fort bien être représenté par le gouvernement managérial « jupitérien » qui sévit en France et se montre si nuisible à la santé de tous et celle de la Nation !

Là encore, les éléments que sont la distance hiérarchique tout comme la reconnaissance ou non des partenaires sociaux sont des éléments mis en avant depuis fort longtemps par l’Agence européenne pour la santé et la sécurité au travail (EU-Osha) pour déterminer les facteurs des risques psychosociaux dans le management[5].

Il n’est pas neutre de constater qu’un salarié sur quatre déclare être en situation de santé mentale dégradée, avec un impact direct sur son engagement, sa productivité et son bien-être au travail[6].

Il meurt au travail par accident un peu moins de 800 personnes en France (759 en 2023), à peu près autant que de morts dans la rue (735 en 2023). L’INRS rapporte que le taux de suicide en France est l’un des sept plus élevés de l’Union européenne[7] et qu’environ 10% de ceux-ci sont liés au travail.

  • C’est dire le rôle clef de l’entreprise, prise dans son sens générique : association, organisation, sociétés, administration… car en effet, « Tout se gère[8] ! »
  • C’est dire également toute l’importance de la gestion des hommes qui n’est pas reproductible par le calque d’une forme de modèle américanisé qui est enseigné un peu partout comme une sorte de Saint Graal.
  • C’est dire encore toute l’importance des pensées et des courants hétérodoxes en économie devant le fiasco de la pensée dominante « mainstream ». Il s’incarne notamment par quelques récipiendaires de ce que l’on appelle improprement le prix Nobel d’économie.
  • C’est dire toujours toute l’importance d’apprendre à connaître les méthodes managériales venues de tous les horizons, car le management interculturel prend ici toute sa place.
  • C’est dire enfin, qu’il est temps de rénover et renforcer les études et les recherches en gestion en ne les diluant pas dans le grand tout dissolvant anglo-saxon, mais en affirmant enfin leur originalité.

Notre revue, la plus ancienne en matière de publications internationales francophones de sciences de gestion est prête à y prendre sa place, avec sa même indépendance et sa même résistance aux oukases !

C’est ainsi que la faiblesse française de considérer les sciences de gestion comme un élément déterminant de la réflexion globale sur les organisations dans les politiques publiques comme dans la presse se démontre dans les faits.

Toutes les études et enquêtes aboutissent à mettre en lumière que le choix de ne pas mettre en place le système de la « participation » aux décisions des travailleurs c’est-à-dire de favoriser le « management participatif » est partout un échec. Bien entendu pas un management de laisser-faire qui induise angoisse, mais une solution d’écoute participative débouchant sur une décision concertée et connue ensuite de tous. Le management n’est pas le problème mais la solution[9] !

Voilà pourquoi notre revue pour ses 60 ans a tenu à consacrer le colloque qui se tiendra en décembre 2025 autour de cette double idée du travail, dans le cadre des Rendez-vous du Management de Marrakech, initiés par Nabil Ouarsafi et de la santé avec notre partenaire habituelle qu’est la chaire de gestion des services de santé du Cnam de Paris que dirige Sandra Bertezene[10].

Voilà pourquoi aussi ce numéro double qui ouvre cette année du soixantenaire, essaie d’embrasser plusieurs thématiques de cette approche du management que le rapport de l’IGAS incite à diversifier.

S’ouvrant sur une tribune sur le Management associatif, se déroulent ensuite quatre thématiques :

  • La Durabilité, ou le développement responsable. C’est une réponse possible pour le commerce comme pour les Techniques d’Information.
  • Discours et action ou comme le diraient les latinistes verba et acta.
  • Quels dirigeants ? est une des questions « cœur » du sujet.

Quatre articles apportent un élément de connaissance propre.

  • Le rôle du temps, enfin, nous est apparu un élément bien trop oublié dans l’immédiateté de nos sociétés. Il n’est certainement pas soluble dans cette horrible sentence citée ad nauseum : « time is money » car nombre de cultures n’ont pas cette vision réductrice !

Si le temps ne pardonne pas ce qui se fait sans lui, gageons que ce numéro permettra de participer à cet apport que souhaite la mission de l’IGAS pour les cadres dirigeants ou non d’« un véritable conseil sur le contenu de leur pratique professionnelle de management, mettant les cadres et notamment les managers au centre des processus de transformation des organisations11 » !

Voilà également sans aucun doute, un moyen de répondre à ce souhait gouvernemental de placer la santé mentale comme « Grande Cause Nationale en 2025 » ! Ne serait-il pas utile que la lecture de notre revue soit désormais considérée comme un traitement efficace pour lutter contre les mauvais manageurs et qui sait, soit remboursée par la Sécurité sociale ?


* Évidemment il faut prendre l’emploi du genre masculin dans sa forme neutre comme le rappelle l’Académie française et donc englobant les femmes et les hommes.

1. Pour le meilleur ou pour le pire, les manageurs ont plus d’effets sur notre santé mentale que les médecins et les thérapeutes-et même à un niveau équivalent avec celui de leur conjoint(e) ou partenaire de vie ! https://www.ukg.com/sites/default/files/2023-01/CV2040-Part2-UKG%20Global%20Survey%202023-Manager%20Impact%20on%20Mental%20Health-Final.pdf

2. Fabienne Bartoli, Thierry Dieuleveux, Mikael Hautchamp et Frédéric Laloue (Igas) (2024), Pratiques managériales dans les entreprises et politiques sociales en France : les enseignements d’une comparaison internationale (Allemagne, Irlande, Italie, Suède) et de la recherche, juin 2024, https://igas.gouv.fr/sites/igas/files/2025-03/Rapport%20Igas%20-Pratiques%20manag%C3%A9riales%20%282025%29%20%28tome%20I%29.pdf

3. Ibid page 42

4. Film réalisé par Didier Kaminka, 1990.

5. EU-OSHA, Management of psychosocial risks in European workplaces–evidence from the second European. Survey of enterprises on new and emerging risks (ESENER-2), 2018.

6. Source : Le baromètre Santé mentale & QVCT 2025 par Qualisocial, en partenariat avec IPSOS. https://www.qualisocial.com/barometre-sante-mentale-qvct-qualisocial-ipsos/

7. https://www.inrs.fr/risques/suicide-travail/ce-qu-il-faut-retenir.html.

8. Philippe Naszályi, (1996) Éditorial, Direction et gestion des entreprises n° 159-160, mai-août 1996. https://www.larsg.fr/la-revue-des-sciences-de-gestion/n297-298-larsg-fr/

9. Matthieu Detchessahars, (2011), Santé au travail, Quand le management n’est pas le problème, mais la solution…, RFG, DOI:10.3166/RFG.214.89-105. https://shs.cairn.info/revue-francaise-de-gestion-2011-5-page-89?lang=fr

10. https://www.larsg.fr/sommet-francophone-du-management-double-appel-a-communication/

11. Ibid, page 89.

Changer le travail. L’utopie en construction des CAE

Pour aider au lancement de la première bande dessinée sur le travail en coopératives d’activités et d’emploi intitulée « Changer le travail. L’utopie en construction des CAE » une campagne de financement participatif  est lancée. Une CAE, pour ceux qui se posent la question, est une coopérative d’activités et d’emploi

Changer le travail. L’utopie en construction des CAE
Changer le travail. L’utopie en construction des CAE. Les autrices et auteurs : Justine Ballon, Paul Duflot, Pierre-Laurent Daures et Claire Markovic

Cette campagne vise à la diffusion du livre, par le don et le pré-achat d’un ou de plusieurs ouvrages, pour financer l’impression et le travail des autrices et des auteurs. Le prix de l’ouvrage est de 21 euros, incluant les frais d’envoi (soit environ 32 dollars canadien).

En plus du pré-achat, cette offre donne la possibilité au choix d’avoir :

  • une dédicace dans l’ouvrage,
  • des affiches pour orner vos murs,
  • un kit d’animation pour discuter, à partir de la BD, du fonctionnement et du travail en coopérative d’activités et d’emploi

Le 1er objectif de cette campagne de financement est d’atteindre 100 ouvrages achetés d’ici le 15 juin 2025. En participant à cette campagne, vous soutenez la diffusion d’un ouvrage qui vise à faire connaître une forme alternative de travail en coopératives d’activités et d’emploi.

Les résultats d’une recherche-action

Cette bande dessinée présente les résultats vulgarisés d’une recherche-action réalisée avec Coopaname, Artenréel et Oxalis, à propos de la mise en pratique de l’utopie de travail autonome et démocratique des coopératives d’activités et d’emploi.

Avec humour, au fil d’une centaine de pages, les auteurs nous emmènent dans le monde du travail des coopératives d’activités et d’emploi. On y croise des philosophes, des économistes et des sociologues, mais aussi des membres de ces coopératives qui nous racontent leur parcours. Une manière originale pour découvrir une réflexion sur les enjeux du travail aujourd’hui et la façon dont ces coopératives change le travail.

La BD sortira officiellement fin 2025. Elle s’adresse :

  • aux curieux et aux curieuses
  • aux membres des coopératives d’activités et d’emploi, des coopératives & de l’économie sociale et solidaire,
  • aux étudiants et étudiantes, enseignantes et enseignants, en lycée, en cegep ou en université, en économie sociale et solidaire, innovation sociale.

Les salariés peuvent faire don de jours de repos à des associations

La loi sur l’engagement bénévole et la simplification de la vie associative prévoit la possibilité pour les salariés de faire des dons de jours de repos et de congés payés, sous forme monétisée, à certaines associations. Emmanuel Labrousse, co-responsable du groupe de travail Social de Walter France, apporte les précisions nécessaires.

Ce dispositif s’inspire de celui existant en matière de don de jours de repos à un parent d’enfant décédé ou gravement malade[1]. Cette loi de 2024 vise à soutenir l’engagement bénévole et à simplifier la vie associative ; elle s’articule autour de deux grands axes.

Dons de jours de repos sous forme monétisée

Un salarié peut faire don, sous forme monétisée, d’un certain nombre de jours de repos et de congés non pris à un organisme défini par le Code général des impôts. Cette possibilité de don concerne aussi le congé payé annuel pour la durée excédant 24 jours ouvrables. Il résulte de cette disposition que le don ne peut porter que sur la cinquième semaine de congés payés.

En outre, le don devrait également concerner les jours de congés supplémentaires conventionnels ou légaux (congés ancienneté, fractionnement, etc.).

Il convient de noter que le salarié et l’employeur devront être d’accord sur le principe du don et sur l’organisme bénéficiaire. Le salarié ne peut pas imposer ce don à son employeur.

Si cette disposition légale est officiellement entrée en vigueur le 17 avril 2024, le nombre de jours de repos et de congés pouvant être donnés ainsi que les modalités de leur monétisation doivent être précisés par un décret qui n’est toujours pas publié. La mise en œuvre pratique de ce dispositif est donc toujours suspendue, faute de précisions techniques.

Congés pour travailler dans des associations

Cette loi étend également le congé d’engagement associatif et de citoyenneté pour l’exercice de responsabilités associatives aux délégués bénévoles du Défenseur des droits.

Ainsi un salarié, exerçant à titre bénévole les missions de délégué du Défenseur des droits[2], peut bénéficier de 6 jours ouvrables de congés par an pour lui permettre de développer la vie associative et l’exercice de responsabilités associatives bénévoles. Ces jours peuvent être fractionnés en demi-journées[3].

Ce congé est non rémunéré (sauf dispositions conventionnelles contraires).


[1] C. trav. art. L 1225-65-1 s.
[2] C. trav. art. L 1225-65-1 s.
[3] C. trav. art. L 3142-54-1 et L 3142-59.

Le Hcérès supprimé

Coralie Chevallier, nouvelle présidente du Hcéres, avait indiqué dans un entretien donné au journal Le Monde et publié le 7 avril que  : « Mon projet est celui d’une réforme en profondeur, dont l’objectif est de simplifier l’évaluation ». Elle n’aura eu que quelques heures pour mettre en œuvre son projet… des députés venant de supprimer, par 76 voix contre et 63, purement et simplement le Hcéres, le Haut Conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur.

Le communiqué du Ministère chargé de l’Enseignement supérieur et de la Recherche suite au vote de suppression du Hcéres

Le Rassemblement National et les députés de La France insoumise viennent de s’allier ce 10 avril pour “préparer la soumission de l’enseignement supérieur et de la recherche au pouvoir politique”, précise le communiqué du Ministère chargé de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, avant d’ajouter : “Le vote de ce jour montre le vrai visage de partis qui sont prêts à piétiner certains de nos principes académiques les plus essentiels pour mettre au pas, si demain ils sont au pouvoir, le savoir, la science et le monde universitaire. À l’heure où le monde de la science, de la recherche et du savoir est sous le feu roulant de pressions politiques partout à travers le monde, la suppression du Hcéres est un acte de guerre contre nos libertés académiques. Nous ne devons pas nous permettre un tel recul de notre crédibilité académique, de notre autonomie universitaire et de la qualité de notre enseignement supérieur. J’en appelle désormais à la sagesse et au sens des responsabilités de la commission mixte paritaire, qui sera prochainement amenée à examiner le projet de loi de simplification de la vie économique, pour rétablir le Hcéres . Ne nous y trompons pas, quand les extrêmes s’attaquent au savoir et aux libertés académiques, c’est notre démocratie qui est attaquée.”

La position de Hendrick Davi

C’est bien l’amendement de suppression du Haut Conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur (Hcéres) déposé par M. Hendrik Davi (groupe Écologiste et Social), et adopté en commission spéciale le 24 mars dernier, qui vient d’être voté par l’Assemblée Nationale, contre une évaluation qui vise, selon lui, à « introduire des logiques de gestion néolibérale dans les administrations publiques ».

Soutenu par plusieurs députés

Arnaud Saint-Martin, député LFI du Seine-et-Marne : “Ce matin, nous avons faire œuvre utile : nous avons ENFIN supprimé le HCERES ! Nous nous sommes fait les porte-voix des communautés de l’ESR qui, depuis des années, subissent cette agence toxique. À dégager !”

M. Hadrien Couet, également député LFI de la Haut-Garonne, précise pour sa part dans un message sur les réseaux : “Enfin ! Aboutissement de 12 ans de lutte : l’Assemblée nationale vote l’abrogation du HCERES, demandée par toute la recherche publique. Stop le management toxique qui pourrit les carrières et assassine des disciplines scientifiques. Choqué par le PS qui a tenté de le sauver.”

Il est rejoint par Mme Hélène Laporte, députée pour le Rassemblement Nationale du Lot-et-Garonne : “Grace au Groupe Rassemblement National, la tentative du Gouvernement pour empêcher la suppression du HCERES a échoué. Avec la suppression de cet organisme inutile, les français vont économiser 24 millions d’euros par an.”

L’intervention de Philippe Baptiste, Ministre chargé de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, suite au vote pour la suppression du Hcéres

Philippe Baptiste, Ministre chargé de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, a évidemment réagit fermement au vote de suppression du Hcéres par l’Assemblée nationale.

Prix Turgot : Palmarès de la 38e édition

Sous le Parrainage du Ministre de l’Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique,
le Président du Grand Jury, Jean-Claude TRICHET,
le Président du Cercle Turgot, Augustin de ROMANET
et la Présidente du Prix Turgot Kathleen WANTZ O’ROURKE, proclament le Palmarès de la 38e édition du Prix TURGOT.

De g. à d. : Mme Kathleen Wantz-O’Rourke, M. Augustin de Romanet et Mme Laure Quennouelle-Corre.

Palmarès de la 38e édition du Prix TURGOT

Ce rendez-vous annuel, incontournable, de la littérature et de la pédagogie économique financière, met à l’honneur des auteurs confirmés et de nouveaux talents prometteurs. Une contribution essentielle à la nécessaire stratégie d’éducation financière pour sensibiliser nos concitoyens aux enjeux économiques et financiers contemporains.

LAUREAT de la 38e Edition du PRIX TURGOT
Remis par Augustin de Romanet – Président du Cercle Turgot

  • Laure QUENNOUELLE-CORRE
    « Le déni de la dette, une histoire française » – Editions Flammarion

PRIX DU JURY

remis par Jean-Claude LELAN, Président Fondateur d’ARGAN
Jean -Baptiste FRESSOZ, « Sans Transition » – Editions Seuil

remis par le Général Jean-Gilles SINTES, Secrétaire Général du Cercle Turgot, Groupe VIEL,
François-Xavier CARAYON « Les états prédateurs » – Editions Fayard

Mentions d’honneur ex-aequo

  • Jean-Denis COMBREXELLE « Les normes à l’assaut de la démocratie » – Editions Odile Jacob 
  • David BAVEREZ, « Bienvenue en économie de guerre ! » – Editions Novice, parrainé par la CCEF
  • Cristina PEICUTI, « Histoire monétaire et économique de la France, de 1944 à nos jours » – Editions Eyrolles, parrainé par IFG Education

Prix Spéciaux

Prix des Ouvrages Collectifs
Christian de BOISSIEU et Dominique CHESNEAU (col), « Réussir la Transition énergétique et écologique » – Editions ESKA

Prix DFCG
François-Xavier DUDOUET et Antoine VION,« Sociologie des dirigeants de grandes entreprises » – Editions La Découverte, parrainé par la DFCG

Prix du Jeune Auteur
Benjamin BURBAUMER, « Chine/Etats Unis, le capitalisme contre la mondialisation » – Editions La Découverte »

Prix de la Pédagogie
Bruno BENSASSON, « L’économie n’est pas qu’une affaire d’argent, comprendre l’économie autrement » – Editions Presses des Mines

Prix Francophone
Michel ALLE, « Nucléaire contre renouvelables » – Editions L’Académie en poche

Prix du Développement Durable
Simon PORCHER, « La fin de l’eau ? » – Editions Fayard

https://clubturgot.com

n°330 – Indépendant(e)

Poursuivons notre pérégrination des mots usités et détournés.
Après « assumer »[1] et « mobilise(e)s »[2], il nous a semblé que le nec plus ultra est constitué non par une forme verbale mais par cet adjectif, parfois substantivé : « indépendant » qui bien-entendu, parité oblige, s’accorde au féminin. Laissons pour le moment sa déclinaison au pluriel, souvent accolée à « experts » !

Mais de quoi parle-t-on ? Nous avons eu en France, après-guerre, comme disent les gens de ma génération, une formation politique dite indépendante, le Centre national des indépendants et appuyé sur les paysans (CNIP), à partir de 1951. Il ressuscitait les « modérés » des années 1930. Ce parti, peu ou pas trop gaulliste mais vraiment conservateur, eut comme figure de proue, Antoine Pinay, le « sage » de Saint-Chamond. Il a compté aussi les Présidents Coty et Reynaud incarnant chacun en leurs grades et qualités, une république en faillite.

https://doi.org/10.3917/rsg.330.0001

Accolé à républicain, indépendant devient un sorte d’avatar comme une nouvelle réincarnation de Vishnou, pour servir les ambitions du jeune Valéry Giscard d’Estaing, indépendant peut-être, mais pas suffisamment des puissances d’argent.

Avec la complicité de Pompidou en 1969, puis de Chirac en 1974, il fit capoter les réformes du Général de Gaulle et tout particulièrement, la grande idée novatrice de la « participation » présentée dans ses grandes lignes dès 1948[3] ! Quant au vocable de républicain accolé à indépendant, tout le sens en est donné par cette belle réplique prononcée par Jean Gabin : « dites-vous bien que quand un mauvais coup se mijote, il y a toujours une république à sauver[4] ». Son nouvel avatar, mais sans doute pas le dernier et en tout cas celui-ci plus dans le sens d’événement fâcheux, occupe provisoirement depuis le 13 décembre, l’Hôtel de Matignon.

Indépendant en sciences de gestion

Si la politique ne grandit pas le mot, il n’en est pas moins un concept intéressant en matière de sciences de gestion. Il existe dans les principes de « bonne gouvernance », la nécessité de compter parmi les administrateurs des sociétés, – je dis bien sociétés et pas entreprises –, des administrateurs indépendants, avec une extension possible dans le domaine des PME/PMI ou de l’Économie sociale ! Indépendance et « externalité » souvent dans l’absence de lien salarial, est généralement reconnu comme élément fondamental.

Fabrice Roth[5] qui a été rédacteur en chef de notre revue, apporte dans une remarquable étude, une nuance importante sur la véritable indépendance qui ne semble pas avoir été suffisamment prise en considération !

En effet, il semble que cette liberté de jugement qu’on requiert d’un administrateur indépendant, ne peut se contenter des risques de conflits d’intérêts, au sens des principes définis notamment par l’Institut Français des Administrateurs (IFA)[6]. Toutefois, si des liens financiers ou familiaux sont souvent évoqués pour éviter la dépendance, il convient aussi de ne pas tomber dans un irénisme béat ou béta qui ferait accroire que l’indépendance est réputée acquise lorsque l’on se proclame comme tel.

Je reste très dubitatif lorsque j’entends parler de cabinet indépendant ou d’experts indépendants dans toutes sortes d’affaires y compris sociales, morales ou éthiques. Comme Jérémie Berrebi, dont je recommande vivement la lecture, je m’interroge sérieusement sur cette question : « l’indépendance d’esprit existe-t-elle vraiment[7]. »

Indépendance et administration ?

Parle-t-on d’oxymore ? Ce terme a été rendu populaire par un « président normal » mais qui n’a été admis à faire valoir ses droits à la retraite à la Cour des comptes que le 11 mai 2017[8] ! Notre république, pense avoir trouvé la solution de l’indépendance. Elle ne compte pas moins de vingt-quatre autorités administratives indépendantes (AAI) et autorités publiques indépendantes (API), Jusqu’en 2017, il y en avait une quarantaine[9]. Ces sinécures, on aurait parlé de « fromages » sous la IIIe République, sont à peu près toutes constituées de manière semblable. Nous ne nous attarderons pas sur l’ineffable ARCOM dont l’une des grandes missions va être de nous changer la numérotation des chaînes de télévision qu’elle autorise et sanctionne sans distinguer des fonctions que la séparation des pouvoirs imposerait en démocratie. La commission de déontologie de la fonction publique, doit d’avantage retenir notre attention par son insuffisance. Nombre de ses décisions frisent la complicité dans le « pantouflage ».

En effet, sur trois-mille trois cents avis annuels, guère plus de quarante incompatibilités ont été retenues[10] ! Est-ce pour rendre le contrôle plus indépendant que cette commission a été fondue dans la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP). Arrêtons-nous alors sur cette autorité administrative indépendante dont, avec les changements fréquents de gouvernement en 2024, on ne cesse d’entendre parler. Le collège qui la compose, est constitué de douze membres :

  • 2 élus par la Cour de Cassation, normalement des magistrats du siège, bien qu’en France, on passe du siège au Parquet et inversement. Admettons-les toutefois plus indépendants que ceux qui vont suivre !
  • 2 élus par le Conseil d’État
  • 2 élus par la Cour des Comptes

On sait que ces deux institutions sont composées de brillants

énarques de la « botte » qui outre la camaraderie d’école, ont l’habitude des navettes entre les cabinets ministériels, les entreprises publiques et parfois privées et leur chambre de rattachement : un gage indéniable d’indépendance !

  • 2 nommés par le Président du Sénat
    et
  • 2 nommés par le Président de l’Assemblée nationale
  • 2 nommés par le Gouvernement

Le Président qui a voix prépondérante est lui, nommé par le président de la République.

Pour simplifier la compréhension de tous, sur ce que l’on appelle indépendance, constatons que lorsque Didier Migaud, ancien député, ancien Premier Président de la Cour des comptes jusqu’en 2020, et alors président de cette haute autorité (HATVP), a été nommé, en septembre 2024, ministre de la Justice par le président de la République, ce sont ses collègues de cette Haute Autorité qui ont statué en toute indépendance !

Cela ne veut pas dire qu’il y a malhonnêteté, mais cela veut dire à coup sûr qu’il n’y a pas indépendance au sens réel et non administratif du terme ! Marie Huret a ramassé tout cela sous l’excellente appellation de « France des connivences[11] » en parlant d’une caste qui n’est pas celle de la France « d’en haut » ni celle « d’en bas », mais de plus en plus la France « d’à côté » !

On le voit bien, indépendant(e) ne s’honore toujours pas de fréquenter la politique et pas plus que des institutions mises en place par la caste aux affaires ou affairiste qui rappelle les belles heures de la monarchie de juillet ! Et pourtant, indépendante est l’un des vocables, et même le premier que nous avons choisi pour définir la « politique éditoriale » de notre revue qui s’apprête en cette fin 2024 à entrer de plain-pied dans sa soixantième année !

Indépendante

LaRSG n’appartient à aucun groupe financier, à aucun groupe d’entreprises, à aucune académie, à aucune association ou fondation… Elle n’est liée à aucune école, à aucune université ou centre de formation… Elle appartient à un groupe de porteurs de parts sociales stables dans le cadre d’une SARL indépendante au capital de 25 000 €. Elle répond à toutes les obligations en matière de transparence. Rare parmi ses consœurs, elle est donc une véritable entreprise, fonctionnant non de subventions, d’adossements divers et variés, mais bien de son lectorat et de ses abonnements.

Même si pour ce dernier point, la chose devient plus difficile ! Nous avons donc aussi privilégié la forme numérique avec larsg.fr et la présence sur de nombreuses plateformes dont Ebsco et Cairn.

Point de connivences donc, reste notre credo et ceux qui apportent leurs concours aux évaluations, à la rédaction, au comité d’orientation (page 2 et 3 de couverture) viennent des horizons les plus variés, de pays et continents différents et concourent ainsi bénévolement à la diffusion de la pensée managériale depuis 1965. Comment mieux illustrer cela qu’en soulignant notre vocation internationale et francophone qu’un tiers des auteurs publiés, ne sont pas français[12] !

Ce dernier numéro de cette 59e année comprend une tribune d’Olivier Meier qui pose un problème actuel celui de la notion de validité externe en recherche qualitative.

Le dossier de ce numéro porte sur la résilience dans tous ses états. Il a été mené entièrement par notre rédacteur enchef, Éric Séverin. Après les crises traumatiques qui nous ont accablés, et nous accablent toujours cinq articles ont été sélectionnés avec une extrême rigueur demandant des écritures et réécritures jusqu’au dernier moment pour coller à l’actualité. Il démontre à l’envi que la science de gestion embrasse tous lesdomaines y compris ce concept que Boris Cyrulnik a largement popularisé car comme il l’écrit « la résilience est la capacité à naviguer dans les torrents de la vie. »


1. https://www.larsg.fr/la-revue-des-sciences-de-gestion/n323-assumer/
2. https://www.larsg.fr/la-revue-des-sciences-de-gestion/n324-mobilisees/
3. 14 décembre 1948, au Vélodrome d’hiver, le Général de Gaulle s’adresse aux délégués des groupes d’entreprises du R.P.F.
4. Dialogue de Michel Audiard dans le film Le Président (1961) d’Henri Verneuil.
5. Fabrice Roth (2011), L’administrateur indépendant dans le cycle de développement de l’entreprise. Revue française de gouvernance d’entreprise, 2011, 8, 15 p. ffhalshs-00693118
6. https://www.ifa-asso.com/rejoindre-lifa/qui-sommes-nous/
7. https://www.linkedin.com/pulse/lind%C3%A9pendance-desprit-existe-t-elle-vraiment-jeremie-berrebi/
8. https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000034681078
9. Loi n° 2017-55 du 20 janvier 2017 portant statut général des autorités administratives indépendantes et des autorités publiques indépendantes
10. Fabien Matras et Olivier Marleix, Rapport d’information n° 611, déposé en application de l’article 145 du règlement, par la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, en conclusion des travaux d’une mission d’information sur la déontologie des fonctionnaires et l’encadrement des conflits d’intérêts, n° 611, déposé le mercredi 31 janvier 2018.
11. https://www.marianne.net/societe/la-france-des-connivences
12. https://www.larsg.fr/liste-des-auteurs/

Première revue francophone de management – Revue gestion REVUE GESTION Revues de Gestion