N°312 –  Une conscience contre la violence

Philippe Naszalyi LaRSG

Une conscience contre la violence[1]. Ô combien l’essai polémique de Stefan Zweig prend bien toute sa place aujourd’hui, tout comme l’ouvrage, paru quelque temps avant, de Julien Benda, La trahison des clercs !

par Philippe Naszályi – Directeur de La RSG

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Évoquer des similitudes avec certaines périodes précédentes de notre histoire, fait invoquer presqu’aussitôt, par une sorte de caricature d’intelligentsia qui sévit çà et là, le point de Godwin ! Tout est alors dit pour disqualifier toute analyse pertinente qui essaie de tirer une leçon du passé. Nos contemporains, et en particulier ceux qu’on vient d’évoquer, préfèrent à l’instar de quelques sous-produits de la culture étatsuniennes, pratiquer l’anachronisme en jugeant le passé avec les idées, disons plutôt les préjugés qu’ils ont. La pensée colonialiste qu’ils vitupèrent à l’envi, est paradoxalement exactement cette méthode sans bien comprendre ce qu’ils font !

Ils ont une telle haine de notre civilisation qu’ils oublient que l’on sera jugé de la manière dont on a jugé et que cela augure mal pour eux, si les générations futures se montrent aussi intolérantes et incultes qu’eux !

On pourrait croire que cet éditorial est à côté de la science de gestion ! Pas tant que çà, car le conformisme qu’on voit se développer jusqu’à devenir dominant dans certaines chapelles ou groupuscules, est directement le fruit de cette sous-culture venue d’Outre-Atlantique. Il pousse à éviter de penser différemment des autres d’abord par lâcheté, puis par abandon ou paresse avant d’atteindre la collaboration soumise après avoir cédé à la connivence ! Ce phénomène s’observe d’autant plus depuis que la pandémie a terrorisé les populations. Les Gouvernements dits libéraux ont trouvé commode d’utiliser cette peur pour attenter à toutes les libertés et de plus en plus.

Même les organes réputés défendre le Droit et les libertés, du fait de leur composition comme le Conseil Constitutionnel français, ont très souvent abdiqué et baissé pavillon pour le plus grand mal de la démocratie.

Pour ce qui concerne notre revue, c’est la liberté du hercheur qui nous. Elle doit se sortir de toutes les entraves qui lui sont faites : appels à projet par nature directifs et exclusifs ou intervention ou plainte devant la justice ou autres instances ordinales contre des chercheurs qui paraissent hétérodoxes à un moment donné, pour ne citer que quelques points.

Galilée et Pasteur ont été des sortes d’hérétiques !

L’on n’est pas sûr que la « majorité » du temps ait eu raison ! Or, définir la vérité scientifique à la majorité des voix comme on le trouve étonnamment dans les travaux du GIEC, ou par un consensus mou ou conformisme ambiant, ne peut que faire naître la méfiance à ceux qui croient par principe au complot, mais ne garantit rien non plus aux autres, surtout soucieux d’éthique épistémologique !

Tout cela paraît simple et de bon sens, voire parfaitement admis, mais pas vraiment vécu ou appliqué par des comités Théodule, parfois sous inspiration des pouvoirs publics qui essaient de faire taire ceux qui dérangent par leur originalité et plus encore par leur non-conformisme. Bien sûr, il est excessif alors de crier à la dictature, et les beaux esprits des plateaux se font fort de ridiculiser ceux qui « crient au loup ».

Et pourtant, la liberté est une chose bien fragile ! Que de crimes ne commet-on pas en son nom, a dit Madame Rolland en montant à l’échafaud ! C’est bien l’ignorance, l’oubli ou le mépris des droits de l’Homme qui sont les seules causes des malheurs publics et de la corruption des Gouvernements[2] !

Prétendre que toute pensée différente est une fake news est faux. Ce terme anglo-saxon appliqué à toutes les sauces pour définir autant les contrevérités scientifiques que les pensées différentes, ne révèle qu’une volonté totalitaire de contrôle de la pensée et une très grande méconnaissance de l’histoire. Les fausses nouvelles ont fleuri sous tous les climats et toutes les contrées, seul le débat avec tous, pourvu qu’il soit libre permet de faire avancer la connaissance.

La remarquable loi sur la Liberté de la Presse du 29 juillet 1881, si abîmée par des lois circonstancielles ou mémorielles postérieures, comprenait déjà en son article 27 que « la publication ou reproduction de nouvelles fausses, de pièces fabriquées, falsifiées ou mensongèrement attribuées à des tiers, sera punie d’un mois à un an d’emprisonnement et d’une amende de cinquante francs à mille francs, ou de l’une de ces deux peines seulement, lorsque la publication ou reproduction aura troublé la paix publique et qu’elle aura été faite de mauvaise foi ». On dispose déjà bien de tous les outils, y compris pour les réseaux sociaux sans inventer une nouvelle atteinte aux libertés de penser, de publier…

Ce court préambule qui valorise la conscience personnelle contre la violence institutionnelle comme y invite le grand auteur austro-hongrois, est notre philosophie fondatrice.

Elle explique que nous avons fait le choix de présenter les trois premiers articles de ce numéro dans un dossier intitulé :

La recherche en action. En effet, faire un état des connaissances sur une question fondamentale du marketing, présentée par une cohorte de chercheurs éprouvés tout comme ouvrir sur une question d’organisation et de management d’une thématique nouvelle, présentée par une doctorante concourent à poser un acte de la recherche en marche. La proposition d’une grille interprétative sur les services, autre question de gestion, qui unit des chercheurs par-delà la Méditerranée répond à la même unité de pensée !

Cette marche de la pensée vise évidemment à s’adapter à l’environnement. Cinq articles répondent à ce souci et à notre propos liminaire. Ils étudient : la nécessité de la qualité de l’information préalable au reporting, la capacité d’adaptation de la firme, mais aussi grâce à deux cas concrets de marketing : l’un portant sur l’écolabellisation à Madagascar, l’autre sur la manière de comprendre les raisons amenant les clients à adopter les services digitaux dans les banques françaises. L’analyse de la créativité des employés et à leur formation en lien avec l’emploi achève ce vaste aperçu d’une science de gestion toujours en évolution.

Tels sont les apports que La Revue des Sciences de Gestion propose à la place qui est la sienne dans sa dernière livraison de l’an II de la pandémie…


1. Traduction du titre du livre de Stefan Zweig, Ein Gewissen gegen die Gewalt, 1936.

2. Préambule de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789.

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