Modifié le 21 juin 2024.
Regarder des films en VO améliore considérablement la compréhension de l’anglais, mais les Français préfèrent les films doublés.
Finalement les français aiment bien le français 😉
Selon une nouvelle étude réalisée par le professeur Albert Banal-Estañol de la City University of London en collaboration avec des universitaires de plusieurs établissements européens, les habitants des pays non anglophones qui diffusent des programmes de télévision en VO sous-titrés ont de meilleurs résultats dans les tests de compétence en anglais, en comparaison avec les habitants des pays diffusant les films doublés.
Dans le cadre de ce projet de recherche, les universitaires ont utilisé les données combinant : les compétences en anglais, le mode de traduction, les variables démographiques et éducatives pour la période 2008-2015, ainsi que les données historiques de l’époque du cinéma sonore. 135 pays du monde, où l’anglais n’est pas la langue officielle, ont participé à l’étude.
Doublage ou sous-titrage ?
Les disparités dans la maîtrise de l’anglais entre les pays non anglophones sont considérables. Les chercheurs ont souligné l’existence de deux groupes de pays.
Au sein du premier groupe, comprenant à titre d’exemple les Pays-Bas, le Danemark et la Suède, plus de 80 % des citoyens déclarent pouvoir tenir une conversation en anglais. Ce taux est de 60%, dans le deuxième groupe de pays, y compris en Autriche, en Allemagne et en France. Il s’avère que, parallèlement, le sous-titrage à la télévision et au cinéma est largement répandu dans le premier groupe de pays.
Du point de vue historique, dans les années 1930, Paramount Pictures a doublé des films dans 14 langues européennes, dont le français et l’espagnol, mais aussi le néerlandais et le suédois. Quelques années plus tard, certains pays sont passés au sous-titrage tandis que d’autres ont poursuivi le doublage. La littérature sur l’histoire du cinéma explique ce changement par deux raisons.
- Premièrement, il existe des arguments au niveau d’économie d’échelle. « Les pays peu peuplés, comme la Suède ou la Grèce, sont passés au sous-titrage comme mode de traduction principal, le doublage étant beaucoup trop coûteux dans le cas de pays de petite taille”, explique Albert Banal-Estañol, le professeur de la City University of London.
- Deuxièmement, il semble y avoir des motifs politiques. Dans les années 30, des pays comme l’Allemagne, l’Italie, le Japon et l’Espagne, avaient des régimes autoritaires qui cherchaient à renforcer l’identité nationale. Il se peut que les dictateurs aient fait la promotion de la langue locale pour renforcer la fierté nationale et qu’ils aient ainsi favorisé le doublage. A titre d’exemple, en Italie, Mussolini a introduit une loi qui stipulait que tous les films étrangers doivent être doublés en italien, avec l’idée d’utiliser le cinéma comme promotion de la langue commune.
Dans les pays de l’OCDE, le choix du mode de traduction effectué dans les années 30, qu’il s’agisse du doublage ou du sous-titrage, a persisté jusqu’à nos jours.
Comparaison entre les pays
Dans le cadre de cette étude, les chercheurs ont mesuré les compétences en anglais des personnes (non-anglophones) qui ont passé le test TOEFL (Test of English as a Foreign Language). Les chercheurs ont observé des différences considérables dans la maîtrise de l’anglais entre les pays utilisant le sous-titrage et ceux utilisant le doublage. Ainsi, les habitants des pays privilégiant les sous-titres obtiennent, en moyenne, 3,4 points de plus aux examens du TOEFL. “Nous observons que les méthodes de traduction à la télévision et au cinéma peuvent expliquer en partie le déficit de compétences en anglais dans certains pays. En général, nous avons constaté que l’impact du sous-titrage correspond à 16,9% du score global au TOEFL”, souligne le professeur Albert Banal-Estañol.
Les chercheurs ont analysé le cas particulier de l’Autriche et des Pays-Bas. Il est pertinent de comparer ces deux pays parce qu’ils ont une taille et des revenus analogues, mais, en même temps, des approches en matière de traduction des œuvres audiovisuelles différentes.
Selon l’étude, en Autriche, où les programmes sont couramment doublés en allemand, la capacité de tenir une conversation en anglais est de 53%. Aux Pays-Bas, où les films et les programmes anglophone sont sous-titrés, 87 % des habitants peuvent tenir une conversation en anglais.
Les résultats de l’étude ont été ventilés par type de compétences (lecture, écriture, écoute et expression orale). Il apparaît que les sous-titres à la télévision, bien qu’ils améliorent toutes les compétences en anglais, fonctionnent particulièrement bien pour améliorer la compréhension orale de la langue de Shakespeare.
Les Français préfèrent le doublage
L’étude a également révélé que les avantages que présente le sous-titrage pour progresser en anglais, n’étaient pas un critère de choix du mode de traduction des œuvres audiovisuelles. En effet, le sous-titrage peut même être considéré comme indésirable parce qu’il force le public à lire.
Selon une enquête récente de la Commission Européenne, plus de 90 % des personnes interrogées en Suède, en Finlande, en Norvège, au Danemark et aux Pays-Bas sont d’accord avec la déclaration suivante : “Je préfère regarder des films et des programmes étrangers sous-titrés plutôt que doublés.” Seuls, environ 30 % des Français, des Espagnols et des Italiens et moins de 20% des Allemands sont d’accord avec cette affirmation.
Les chercheurs suggèrent que les gouvernements pourraient promouvoir le sous-titrage comme moyen d’améliorer la maîtrise des langues étrangères. “Il est surprenant de constater que très peu de personnes (environ 12% des Européens dans une récente enquête de la Commission Européenne) pensent que la télévision est un outil efficace pour apprendre les langues étrangères. J’espère que notre recherche pourra aider à sensibiliser les gens aux avantages du sous-titrage », conclut le professeur Albert Banal-Estañol de la City University of London.
Les auteurs de cette étude sont :
- Albert Banal-Estañol – School of Arts & Social Sciences, City, University of London et Universitat Pompeu Fabra, Espagne.
- Augusto Rupérez Micola – Luxembourg School of Finance, Luxembourg
- Ainoa Aparicio Fenoll – Collegio Carlo Alberto, Italy; University of Turin, Italie
- Arturo Bris – IMD, Suisse
Vous pouvez également consulter un article sur le thème des langues de la recherche.