La mutation des métiers de la finance, par Yves Soulabail

Le premier site d’offres d’emploi spécialisé dans les secteurs de la banque et de la finance eFinancialCareers.fr vient d’organiser une première table ronde sur la mutation des métiers de la banque d’investissement face à la crise.

Du changement dans la continuité…

Comme on pouvait s’y attendre, avec la crise, le renforcement s’opère autour des fonctions de gestion de risque et de contrôle. Evidemment, pour les traders déchus, il n’est pas simple et naturel de basculer dans le contrôle. Les ressorts des métiers ne sont évidemment pas les mêmes !

C’est pourquoi se développe de nouvelles poches de tension à l’emploi pour un public restreint : les seniors spécialisés. Qu’ils soient spécialisés sur le contrôle, des postes nécessitant polyvalence et techniques spécifiques, et cadres confirmés, nécessitant des statures permettant de jouer le contre pouvoir face aux opérationnels, la denrée aujourd’hui se fait particulièrement rare.

Comme le relate Vincent Picard, consultant du cabinet de recrutement Fed Finance, on constate « beaucoup de candidats frileux à la période d’essai » en ses jours troublés et précise que l’accompagnement dans la chasse s’est – par force – renforcée.

C’est pourtant en même temps un constat « à l’allongement des délais de lancement des opérations pour les chasseurs de tête, de 4 à 6 semaines pour certains, alors qu’elle n’était auparavant que de 2 semaines. […] Même en situation de choix accru, les exigences sont identiques, surtout lorsque  le décalage est aussi fort existe entre l’offre et la demande. »

Les inspections générales des grands groupes permettent, quant à elles, d’intégrer les plus jeunes diplômés dans les métiers de la banque d’investissement. Dominique Schaeffer, responsable des relations Ecoles de la banque Natixis, expose même son intérêt tout particulier pour les VIE.

Seuls les cadres de deuxième rang semblent supporter sur leurs épaules le poids du changement. « On remonte même le moral des gens », évoque Jérôme Hacquard, associé chez le cabinet de chasseurs de têtes Singer & Hamilton avant de préciser, qu’ils souhaitent savoir surtout ce « que font les autres… » Le besoin de rassurance est fort. Les chasseurs de têtes deviennent les vigies des concurrents, confidents des collègues, lorsque la tension se fait sentir… entre témoignage par procuration et prise de pouls leur rôle hors mission est devenu plus grand, étant les seuls à détenir une réelle vision terrain, hors des « on-dit » et de la presse ravageuse.

Pour un constat de risque accru

Après le ralentissement, la reprise devient inexorable. La réduction des recrutements depuis quelques mois provoque le tarissement des flux. Avec « les mois qui passent, les stocks s’amenuisent » reprend Henry Cheynel. C’est la reprise de la tension sur les marchés de la demande. Les salaires remontent. Mécaniquement !

On remarquera même que les plus confirmés des seniors, ne pouvant bénéficier des bonus dans des largesses aussi grandes qu’auparavant, en situation de pouvoir face aux besoins des entreprises du secteur financier, font actuellement grimper leurs rémunérations fixes. Une situation à même de reporter le risque sur les employeurs, d’une manière assez étrange, lorsque le secteur repartira, inexorablement… et avec lui les rémunérations variables !

Une situation très différent face au marché international, que les sociétés nationales risqueront de payer cher à terme.

Un bouleversement plus grand à venir dans le secteur

Les nouveaux défis de demain sont pourtant ailleurs. Comme Henry Cheynel, responsable de l’Observatoire des métiers de la banque, le constate – et ce pour l’ensemble du secteur – un changement plus radical et fort de conséquence est à venir : le bouleversement démographique de la profession toute entière.

Les effectifs du secteur bancaire dépendant de la même convention collective (AFB et Banques Populaires) représentent 242 000 personnes. En y ajoutant le monde mutualiste, en France, cela représente  près de 390 000 salariés. Avec les sociétés d’investissement, les sociétés de gestion comme les assurances, on totalise approximativement 700 000 actifs.

Avec les bouleversements à venir des régimes sociaux, amenant les salariés à partir plus tard, concomitant du développement de l’apprentissage, poussant les plus jeunes à démarrer plus tôt leur vie professionnelle, le secteur est sans doute à l’aube d’un  bouleversement plus grand que la crise que tout le monde à en tête. Une situation que certain considère en opportunité, par l’offre de nouvelles solutions pour se secteur dont certain se mettent déjà en solo, sous statut d’indépendants notamment, vers les problématiques de succession.

De g à d., H. Cheynel, D. Schaeffer, T. Iochem, V. Picard et J. Hacquard.