Modifié le 21 juin 2024.
Dans une intervention publique dans un colloque à Arras en 2006, reprise par une publication en 2007[1], je m’exprimais ainsi : « Il convient donc que dans les pays libres, la profession s’organise et se légitime par un ensemble de principes dits éthiques et de règles dites déontologiques valables pour toutes les familles de médias. Ces principes et règles constituent des repères de l’exercice responsable de la liberté d’informer dans une société où, tant du côté des pouvoirs publics que de la justice, persiste une vieille tendance, héritée du passé mais toujours prête à resurgir, à instrumentaliser la Presse ou à limiter la liberté des journalistes et à préserver leurs sources.
Pour ce faire, il sous semble qu’il faut concilier le contrôle de la déontologie et des informations grâce à des observatoires indépendants[2] et, et cela est parfaitement complémentaire, comme le disait l’un des plus grands professionnels de l’information, Jean Miot[3], mettre en place « la labellisation de l’information (qui) permettra (seule) de sauver le métier d’informer »[4] !
C’est dire, si notre revue s’est associée à cet « Austerlitz » pour la déontologie de la presse en France, ce 2 décembre 2019, qu’est la création d’un Conseil de déontologie journalistique et de médiation (CDJM).
AG constituante du #CDJM, ça commence. pic.twitter.com/xMeDjUjfvc
— Stephan Schreiber (@stephan_ssc) December 2, 2019
Bien entendu, les résistances sont nombreuses et parfois inattendues de la part de personnalités ou d’organes dont on pouvait penser qu’elles avaient le souci de la liberté de la presse qui s’assortit toujours de l’indépendance que donne un organisme paritaire par rapport à toute autre structure, y compris la Justice. L’histoire nous enseigne que cette dernière suit souvent plus la mode ou les pouvoirs que le droit à la liberté.
Il y a ceux qui veulent croire à l’organisation autonome de la profession et les tenants d’un immobilisme du quant à soi. Même si quelques impulsions sont venues de l’actuel gouvernement français, nous pensons préférable de choisir, dans l’esprit de 1945, une structure paritaire librement consentie que le carcan toujours insupportable des interventions étatiques.
Se cacher derrière la formule : « Ce sont les lecteurs qui jugent les journalistes, pas les journalistes qui se jugent entre eux.[5] » est oublié que selon le rapport du Reuters Institute[6], 24% de nos concitoyens font confiance aux médias… donc de moins en moins de lecteurs …
Invoquer « une norme artificielle de déontologie », est tout simplement nier toute valeur à une affirmation de principes de Droits et d’éthique ce qui est un non-sens grave en démocratie. Il y a bien une déontologie professionnelle, indépendante de celui à qui elle est adressée. Le nier est aussi stupide que de prétendre que seule l’appréciation du malade vaut pour l’éthique ou la déontologie médicales par exemple.
La presse et les médias renforceront leur liberté et leur crédibilité en concourant à participer à cette construction collective et paritaire qu’est le Conseil de déontologie journalistique et de médiation. La RSG en est un membre fondateur au titre des éditeurs de presse et à sa place et avec toutes les parties prenantes souhaite un plein succès à cette initiative que nous appelions de nos vœux déjà, il y a plus de 10 ans.
Philippe NASZALYI
[1]. Philippe Naszalyi, 2007. “La gestion de l’information en cas de crise la responsabilité des médias (Information management in a situation of crisis the responsability of media),” Working Papers 150, Laboratoire de Recherche sur l’Industrie et l’Innovation. ULCO / Research Unit on Industry and Innovation. https://ideas.repec.org/p/rii/riidoc/150.html
[2]. On citera parmi les observatoires qui se sont mis en place pour vérifier et dénoncer les dérives d’information en France : Acrimed, http://www.acrimed.org/ ou l’Observatoire français des Médias, http://www.observatoire-medias.info/ ou Media ratings : http://www.m-r.fr/accueil.php
[3]. Jean Miot (1939-2017) Directeur du Figaro (1979-1980), Président de l’Asssociation Presse-Enseignement, Président de la FNPF, Directeur de l’AFP….
[4]. Jean Miot, « La déontologie du Net », in La gazette de la presse francophone, N°124, octobre-novembre 2005, page 4. Jean Miot a été, notamment : directeur du Figaro, de l’Agence France Presse (AFP), de la Fédération Nationale de la Presse française (FNPF) et de l’Association Presse Enseignement (APE) …
[5] https://blogs.mediapart.fr/la-sdj-de-mediapart/blog/291119/conseil-de-deontologie-pourquoi-nous-n-y-participerons-pas?utm_source=Newsletter+Nationale&utm_campaign=59201a5c5c-EMAIL_CAMPAIGN_2019_12_07_11_39&utm_medium=email&utm_term=0_d0b9b5b5b8-59201a5c5c-76887663&mc_cid=59201a5c5c&mc_eid=c5a1508e41
[6] https://reutersinstitute.politics.ox.ac.uk/sites/default/files/2019-06/DNR_2019_FINAL_0.pdf