Modifié le 22 juin 2024.
Appel à contributions
Colloque international
Ecole des hautes études en sciences sociales, 21-22 octobre 2010
Les révoltes fiscales en Europe, aux États-Unis et dans les empires coloniaux (fin du XVIIIe siècle – fin du XXe siècle)
Alors que les soulèvements antifiscaux de l’époque moderne ont depuis longtemps retenu l’attention des historiens soucieux de
comprendre le processus de construction de l’État moderne et les fondements politiques et sociaux de l’absolutisme, les révoltes fiscales de l’ère contemporaine, pourtant nombreuses, n’ont guère
suscité l’intérêt des chercheurs au-delà de quelques études monographiques exemplaires sur tel ou tel épisode de contestation. Pourtant, de la révolte des treize colonies anglaises d’Amérique
contre les taxes de la Couronne britannique dans les années 1770 àla révolte des contribuables californiens dans les années 1970, en passant par la résistance aux 45 centimes dans la France de la
Seconde République, les révoltes paysannes dans l’Empire ottoman du XIXe siècle ou les protestations des sujets indigènes de l’Empire britannique en Inde et en Afrique, les mobilisations
collectives contre l’impôt ont rythmé l’histoire politique, sociale et économique des États, des empires et des mouvements d’indépendance à l’époque contemporaine. Loin de s’apparenter à une
survivance archaïque ou à un répertoire d’action collective en voie de décomposition, la révolte antifiscale appartient de plain-pied à l’histoire de la modernité politique, de la démocratie et
de l’État-providence. Nullement cantonnée aux régions les plus reculées ou aux seules couches sociales paysannes, la protestation antifiscale a fait l’objet d’appropriations nombreuses, variées
et polysémiques, de la part de groupes sociaux favorisés, d’ouvriers politisés, de paysans révolutionnaires ou de peuples colonisés anti-impérialistes.
Organisé par le Centre d’études nord-américaines de l’EHESS et l’Institut d’histoire moderne et contemporaine de l’ENS, ce
colloque propose de mener pour la première fois une étude d’ensemble des révoltes fiscales, comprises dans un sens large comme toute mobilisation collective impliquant, en discours ou en
pratique, le refus temporaire ou permanent de payer l’impôt à l’autorité qui le réclame. Cette définition ne préjuge ni du type d’impôt contesté (impôts directs, indirects, droits d’accise,
redevances), ni des formes de la protestation (pétitions, manifestations, agressions contre les agents collecteurs de l’impôt, renvoi des feuilles d’impôt), ni des motivations ultimes des acteurs
(refus d’un impôt particulier, instrumentalisation de l’antifiscalisme à des fins autres, subversives ou révolutionnaires, souci de limiter la « pression fiscale ») mais suppose a minima une
action collective : le refus individuel de payer l’impôt n’entre donc pas dans la définition de la « révolte fiscale », sauf s’il est mis au service d’une cause politique qui le transcende (comme
dans le cas du refus de l’impôt par volonté de désobéissance civile). Souvent présentés comme l’émanation d’individus isolés, les refus de l’impôt s’insèrent pourtant dans le tissu social par le
biais d’organisations professionnelles, d’associations ou de ligues.
L’intérêt scientifique du colloque consiste à dépasser plusieurs clivages qui obscurcissent l’originalité de la révolte fiscale
comme modalité de l’action collective :
– le recours à une approche comparée permet de sortir de l’illusion selon laquelle il existerait des traditions nationales, voire
locales, spécifiques et foncièrement différentes. Bien au contraire, il paraît utile d’analyser les similitudes de formes, de contextes et de finalités des révoltes fiscales en Europe, aux
États-Unis et dans les empires coloniaux et de comprendre comment se déroulent les circulations, les emprunts ou les hybridations entre des groupes contestataires en apparence très divers. C’est
à cette condition que l’histoire de l’impôt peut s’affranchir du cadre de l’État-nation et s’inscrire dans une histoire globale du pouvoir d’extraction fiscale et de ses contestations.
– le décloisonnement géographique s’accompagne d’une diversification des regards portés sur les phénomènes de révolte fiscale, en
faisant appel à la fois à l’histoire des idées politiques (importance du thème du consentement à l’impôt ou du droit à la résistance), à l’analyse des comportements économiques, à la sociologie
des mobilisations collectives, à l’étude des représentations sociales (imaginaire de l’antifiscalisme, etc.). La restitution de ces diverses dimensions doit notamment permettre d’écarter les
modèles, autrefois prégnants, qui liaient la contestation antifiscale à des facteurs psychologiques, y voyant la manifestation désespérée de couches sociales en voie de déclassement social ou
économique. À ce titre, il est intéressant de s’interroger sur la manière dont a évolué la politisation de la révolte fiscale, tantôt défendue par des acteurs politiques et sociaux de gauche,
pacifistes, anticolonialistes, anarchistes, tantôt prônée par des mouvements de droite, réactionnaires ou libertariens.
– la longue période retenue, de même que l’ouverture géographique, vise à dépasser des coupures chronologiques insatisfaisantes,
associant par exemple la révolte fiscale aux formes « pré-politiques » de contestation de l’époque moderne et ses manifestations tout au long du XIXe et du XXe siècle à des résurgences de
pratiques anciennes condamnées par l’histoire et l’affirmation de la souveraineté des États-nations. Ainsi pourra-t-on comprendre beaucoup plus finement les processus complexes d’étatisation des
sociétés, de mises en place et de contestations des outils redistributifs, et de négociation sociale entre les élites, les classes moyennes et les classes populaires.
Les propositions de contributions devront être adressées par courrier électronique avant le 30 novembre 2009 aux organisateurs du
colloque. D’une longueur maximale de 500 mots, elles comprendront un titre, une présentation du terrain étudié, de la méthode et des hypothèses soulevées. Elles seront accompagnées d’un bref curriculum vitae de l’auteur (deux pages maximum incluant les travaux les plus
significatifs).
Le comité d’organisation sélectionnera les propositions retenues au cours du mois de décembre 2009 et donnera sa réponse au mois
de janvier 2010. Les auteurs participant au colloque devront ensuite envoyer une première version écrite de leur contribution au 1er octobre 2010. Le colloque se tiendra les 21 et 22 octobre 2010
à l’Ecole des hautes études en sciences sociales. La publication d’un volume collectif issu des travaux du colloque est prévue pour 2011.
Contacts :
Romain Huret, maître de conférences (Lyon 2 – IUF),
CENA-EHESS : huret@ehess.fr
Nicolas Delalande, ATER (Collège de France),
IHMC-ENS : nicolas.delalande@yahoo.fr