8e colloque international du GEM&L – Toulouse, 26-28 mars 2014

Toulouse Business School
Appel à communication

Langage et performance de l’entreprise

En fondant la linguistique moderne, Saussure institua une profonde dichotomie entre langue et parole. Le langage considéré comme acte de parole (Austin, 1962) a longtemps été ignoré dans le champ du management international (Marschan et al. 1997). Si aujourd’hui, on ne peut plus dire qu’il soit le facteur oublié des études en management international, le langage, considéré comme un acte social, constitue encore une « boîte noire » qu’il appartient aux chercheurs d’explorer.
En dépit des querelles qui ont opposé linguistes et sociologues par le passé, force est de constater que ces deux orientations sont non seulement compatibles, mais encore qu’elles sont les deux faces d’une même réalité et répondent à un certain nombre de préoccupations communes, telles que l’impact sur le sens du message et l’importance du contexte situationnel dans le choix des mots. Autrement dit, les aspects formels d’un message et les aspects sociaux et contextuels sont à prendre en considération si on veut faire avancer nos connaissances sur la communication en entreprise et le transfert de connaissances.

Grâce aux échanges entre linguistes et chercheurs en affaires internationales et en sciences organisationnelles, nous comprenons mieux aujourd’hui la double facette de la langue en tant que message structuré et en tant qu’acte social, ainsi que ses implications pour la performance en entreprise. Dans cet appel à communications, nous entendons par « performance » les progrès faits par les entreprises, les équipes, ou les individus dans leur poursuite des objectifs financiers ou
non-financiers de l’entreprise (Venkatraman & Ramanujam, 1986). La recherche sur le langage et la performance explorent donc la manière dont le langage favorise ou gêne la réalisation des
objectifs stratégiques.

La vision mécaniste de la communication, souvent centrée sur la problématique de la structure de la langue et du message à décoder, s’est
transformée ces dernières années au contact de la réalité complexe des échanges entre les membres des équipes désormais internationalisées. Dès le début des années 90, ce qu’il est convenu d’appeler le linguistic turn dans les sciences sociales, a fait apparaître le rôle central du langage dans le contrôle social et dans la structuration des identités sociales.

On pourra se demander quelle est la liberté des acteurs par rapport à la politique linguistique de l’entreprise, quand elle existe. Si l’on veut bien considérer que l’anglais n’est pas toujours la lingua franca que l’on imagine et que les libertés d’acteurs (Crozier & Friedberg, 1977) jouent un rôle déterminant dans le choix d’une langue commune de communication, on s’intéressera aussi au développement des langues d’entreprises (corporate language) qui différent des langues nationales parlées par les divers acteurs (national languages) et les interactions entre celles-ci et celles-là. La langue d’entreprise est souvent considérée comme une donnée reçue, non problématisée (Louhiala-Salminen, 2013) alors qu’elle joue un rôle fondamental dans le processus de partage et de transfert de connaissances. Quelle langue de l’entreprise se développe, à l’instar de « l’airbusien » parlé à Airbus, sorte d’anglais simplifié issu d’un transnational space (Appadurai, 1996) ? Dans quelle mesure peut-on considérer que se développe une multilingua franca, concept à mi-chemin entre la lingua franca et le multilinguisme, constituant un corporate language (Janssens & Steyeart, 2013). Peut-on sortir d’une conception statique des langues, comme nous y invitent certains chercheurs qui développent le concept de translanguaging (Janssens & Steyeart, 2013) et d’interfaces langagiers dynamiques -« dynamic language boundaries »- (Saulière, 2013).

La politique linguistique des entreprises ne se limite pas à une simple question technique, mais constitue un enjeu stratégique, influençant
le succès des négociations internationales, la gestion des connaissances et les relations entre l’entreprise et ses partenaires dans le monde (Brannen & Doz, 2012). Au-delà des questions de stratégie globale, nous savons aujourd’hui que les enjeux organisationnels sont touchés par les choix liés à la langue. La capacité des collaborateurs à contribuer pleinement à l’atteinte des objectifs, les jeux du pouvoir au sein de l’entreprise et la gestion optimale des ressources humaines découlent directement de la manière dont les langues sont – ou ne sont pas – gérées.
Que nous apportent les approches discursives du langage pour l’étude de l’implication des managers dans le développement stratégique de l’entreprise (Mantere & Vaara, 2008), ainsi que la notion de « circuits de pouvoir » pour la description des rapports de pouvoir induits par les politiques linguistiques (Vaara et al. 2005) ? Comment se négocie l’usage de la (des) langue(s) de communication dans un groupe multilingue (cf. les linguascapes de Steyeart, Ostendorp & Gaibrois, 2011) et la notion de répertoire discursif (Gaibrois, 2013) comme descripteurs des tensions sociales provoquées par la coexistence d’acteurs de cultures et de langues différentes ? Quel rôle joue le pouvoir symbolique du langage (Bourdieu, 1982) ?

Dès lors, le lien entre langage et performance est central. L’étymologie du mot (de l’anglais à travers l’ancien français parformance) nous renvoie depuis le XIIe siècle à l’idée d’achèvement, d’accomplissement, de résultats réels, de réalisations. Sans communication ou compréhension réussies, sans désignations efficaces du monde ou des actions à accomplir, sans identification des objectifs ou des discours pertinents, les résultats escomptés ne peuvent voir le jour. Savoir ce que l’on fait, comment on doit le faire et pour quels objectifs, sont au cœur de l’activité des organisations et des entreprises.

Si le développement concomitant de l’anglais et de la formation au management a donné à l’anglais la position hégémonique (Tietze, 2004) qu’il occupe, les autres langues n’ont pas cessé pour autant d’exister dans le quotidien des entreprises. Quel est l’impact, à double tranchant, des acteurs bilingues/biculturels, notamment des expatriés, qui peuvent soit utiliser l’avantage linguistique et culturel à des fins personnelles (gatekeepers), soit servir de passeurs interculturels (language nodes), de facilitateurs dans le processus collectif de construction du sens (Marschan, et al., 1997) ? Quel rapport y a-t-il entre l’hétérogénéité des compétences linguistiques des acteurs dans la performance des équipes multilingues ou encore comment se manifeste l’impact
de la prononciation de l’anglais lingua franca (ELF) ou d’autres langues (Piekkari et al., 2005) sur les perceptions et attitudes des acteurs (Rogerson-Revell, 2007). Comment prépare-t-on les uns et les autres à la rencontre pour que la performance globale soit satisfaisante ?

De ces considérations émergent de nombreux thèmes :

  • Langue, gestion de carrière et performance
  • Quel est le rôle de la langue dans la gestion des carrières en termes de performance ?
  • Les expatriés, leurs « nouvelles langues » et leur(s) performance(s), quels critères ?
  • Quel rapport existe-t-il entre la culture d’entreprise, ses langues et la performance ?
  • Quelle est la place de l’écrit dans la performance ?
  • Existe-il de bonnes pratiques attestées de politique linguistique contribuant à la performance des organisations ?
  • Comment la langue peut-elle constituer un « accélérateur de carrière » ?
  • La formation linguistique améliore-t-elle la performance des managers ?
  • Traduction, interprétariat et technologies
  • Qu’est-ce que traduire en entreprise veut dire ?
  • Quels types de traduction y sont pratiqués (texte, intention, contenu) ?
  • Quelles technologies servent les traductions en entreprise ?
  • En interprétation, y a-t-il des pratiques spécifiques visant à la performance ?
  • Les langages contrôlés sont-ils une garantie absolue de performance ?
  • Traductions « officielles » et traductions « officieuses » : qui traduit quoi et pourquoi ?
  • Quelle est la place de la localisation dans la performance ?
  • Sociolinguistique des entreprises et des organisations
  • Y a-t-il un rapport entre les tensions linguistiques en entreprise et la performance ?
  • Comment le multilinguisme ou le monolinguisme contribuent-ils à la performance des organisations ? Est-ce mesurable ?
  • Quels problèmes de communication interne ou externe liés aux langues ont un impact sur la performance ?
  • L’accent peut-il nuire à la performance du/des individu(s) ?
  • Quelle relation existe-il entre accent et représentation sociale ?
  • Quelles dynamiques existent entre les frontières linguistiques dans les organisations ?

Autres thématiques mettant en rapport les questionnements du colloque.

Les propositions attendues touchent à l’ensemble des thématiques et des questions évoquées (mais non limitatives) tant du point de vue théorique qu’empirique et ayant une perspective applicative. Merci pour vos contributions que nous espérons nombreuses. Bien à vous. [Le comité scientifique du GEM&L]

Comité consultatif du GEM&L 2014
Mary-Yoko Brannen, Gustavson School of Business, University of Victoria
Josiane Boutet, Université Paris Diderot – EILA, France
Sylvie Chevrier, Université Paris-Est, France
Bernard Cova, Kedge Business School, France
Dardo de Vecchi, Kedge Business School, France
Geneviève Tréguer-Felten, CNRS, France
John Humbley, Université Paris Diderot – EILA, France
Helena Karjalainen, EM-Normandie, France
Leena Louhiala-Salminen, Aalto University School of Business, Finlande
Ulrike Mayrhofer, Université Lyon 3, France
Terry Mughan, University of Victoria, Canada
Yvon Pesqueux, CNAM, France
Susan Schneider, Université de Genève, Suisse
François Silva, CNAM, Dicen, France
Mette Zølner, Copenhagen Business School, Danemark

Présentation de la communication :

Page de garde avec l’identité du/des auteurs et son/leur affiliation et coordonnées.

Page suivantes anonymes comportant le texte de la proposition au format Word. Résumé en français et en anglais accompagné de 6-7 mots clé (1500 caractères espaces compris). Texte justifié partout, toutes marges 2.5 cm. Titres : Times New Roman, gras, taille 16. Texte Times New Roman, taille 12. Bibliographie : voir modèle ci-dessus.

Communication en français ou en anglais, longueur maximale : 40 000 caractères espaces compris.

Au plus tard le 10 janvier à l’adresse suivante : scientifique@geml.eu

Notification des réviseurs (accepté, accepté avec modifications mineures ou rejeté) :20 février 2014. Si accepté avec modifications mineures,
communication définitive : le 10 mars 2014en vue de la publication des actes. Feuille de style téléchargeable à partir du 1er octobre 2013 à l’adresse suivante : www.geml.eu

Pour tout renseignement concernant les journées, veuillez vous adresser àscientifique@geml.eu

Planning
Proposition de communication :
10 janvier 2014
Notification d’acceptation / modification : 20 février 2014
Communication définitive : 10 mars 2014 

Ouverture des inscriptions au 8e colloque international du GEM&L :
1er février 2014

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