Prise de risques dans les affaires et testostérone

Une étude démontre que la testostérone joue un rôle dans les prises de décisions financières risquées et dans les
choix de carrière chez la femme

 

La guerre des sexes continue à faire rage ; cette fois c’est le domaine des affaires qui en fait les frais.
Alors que les débats sur les différences biologiques et sociales entre les hommes et les femmes se succèdent depuis bien longtemps, une nouvelle recherche menée conjointement par le Département
de développement humain comparatif, de la Booth School of Business de l’université de Chicago et la Kellogg School of Management de la Northwestern University, se penche sur l’importance du rôle
de la testostérone dans les différences entre les sexes en ce qui concerne l’aversion pour le risque financier et les choix de carrière.

 

D’une étude à une autre

Une recherche antérieure avait démontré que la testostérone accentuait l’esprit de compétitivité et de domination
tout en réduisant la peur. Les comportements à risques tel que l’addiction pour les jeux d’argent ou pour l’alcool lui étaient aussi imputés. Mais jusqu’à présent, les effets différents de la
testostérone entre hommes et femmes en ce qui concerne la prise de risques financiers n’avaient jamais été étudiés.

Le 24 août 2009 était publiée dans le premier numéro annuel de la revue Proceedings of the National Academy of
Sciences
(PNAS), la nouvelle étude sur les effets de la testostérone dans la prise de risque expliquant ainsi les différences entre hommes et femmes. Intitulée : « Le rôle de la
testostérone dans les différences entre les sexes en matière d’aversion pour le risque financier et de choix de carrière » (« Gender differences in financial risk aversion and career
choices are affected by testosterone »), cette recherche a été menée conjointement par Dario Maestripieri, professeur au Département de développement humain comparatif de l’université de
Chicago, par Paola Sapienza, professeur associée de la Kellogg School of Management à la Northwestern University et par le professeur Luigi Zingales (de Robert McCormick) pour la Booth
School of Business de l’Université de Chicago.

 

Une recherche innovante

Paola Sapienza explique : « En général, les femmes ont moins tendance à prendre des risques lorsqu’il
s’agit de décisions financières importantes, cette attitude de prudence peut avoir d’ailleurs une incidence sur leurs choix de carrière. Par exemple, parmi les étudiants de MBA sondés, 36 %
des femmes ont choisi de s’orienter vers des carrières financières à hauts risques, telles que les banques d’investissement ou les transactions boursières, contre 57 % des hommes. Nous
voulions savoir si ces différences hommes/femmes avaient un rapport avec la testostérone qui, en moyenne, est présente en plus forte concentration chez les hommes que chez les
femmes. »

Pour réaliser cette étude, les chercheurs ont pris comme sujets de recherche des étudiants d’un cours de MBA de la
Booth School of Business de l’Université de Chicago présentant des caractéristiques relativement identiques concernant leur âge, leur milieu culturel et éducatif et leur statut socioéconomique,
réduisant ainsi les effets potentiels d’autres variables non biologiques. Deux échantillons de salive ont été prélevés, un avant l’expérience et un après, pour mesurer le taux de testostérone et
les changements hormonaux qui pourraient intervenir durant l’exercice. Puis, durant deux jours en octobre 2006, les étudiants se sont livrés à un jeu sur ordinateur destiné à évaluer leurs
attitudes en matière de prise de risques. Ils ont ainsi répondu à une série de questions leur demandant de choisir entre accepter une somme d’argent garantie ou participer à une loterie
présentant de forts risques, mais un potentiel de rémunération plus élevée. Les étudiants devaient choisir à plusieurs reprises entre la loterie et un gain fixe, avec des valeurs croissantes. Les
participants présentant un taux de testostérone élevé optaient plus fréquemment pour la loterie, alors que les individus avec un taux plus bas choisissaient davantage la somme garantie.
Globalement, les hommes étaient nettement moins hostiles au risque que les femmes et leur taux de testostérone salivaire était considérablement plus élevé.

 

La testostérone, l’hormone du risque

En utilisant une mesure basée sur une approche économique, les chercheurs ont découvert que les femmes présentant
des niveaux de testostérone élevés avaient un goût plus prononcé pour le risque, mais ce constat ne se confirme pas dans le cas des hommes. En revanche, ils ont observé que cette différence
disparaissait chez les hommes et les femmes présentant des niveaux de testostérone similaires. Les chercheurs ont par ailleurs remarqué que la corrélation entre la peur de prise de risques et la
testostérone influait sur les choix de carrière après l’obtention du diplôme. En effet, les individus présentant un taux de testostérone élevé et par conséquent n’ayant pas peur de prendre des
risques optent pour des carrières plus risquées dans la finance.

Maestripieri conclut ainsi cette recherche : « C’est la première étude faisant apparaître que les
différences hommes/femmes en matière d’aversion pour le risque financier ont une origine biologique et que les différences de niveaux de testostérone entre les individus peuvent affecter des
aspects importants du comportement économique et des choix de carrière. C’est également la première étude à démontrer que les effets de cette hormone sur l’aversion pour le risque sont plus
marqués chez les personnes présentant des taux faibles à moyens de testostérone et que cette conclusion est similaire à celle tirée pour les effets de la testostérone sur le repérage dans
l’espace. »

Pour Luigi Zingales : « Cette étude a d’importantes conséquences sur la façon dont la testostérone peut
affecter la prise de risques sur les marchés financiers, puisque bon nombre de ces étudiants vont devenir des acteurs majeurs dans le monde de la finance. Par ailleurs, elle pourrait nous
éclairer quelque peu sur les différences hommes/femmes dans les choix de carrière. D’autres études devraient suivre, afin d’explorer plus avant les mécanismes par lesquels la testostérone influe
sur le cerveau. »