Colloque “Produits menacés, produits oubliés, produits disparus.”

Colloque “Produits menacés, produits oubliés, produits disparus. Causes et mécanismes du déclin, XIVe-XXIe siècle”, co-organisé par Philippe Meyzie et Corinne Marache dans le cadre du programme TERESMA à Bordeaux les 4 et 5 avril 2017.

Colloque TERESMA
4-5 avril 2017
Université Bordeaux-Montaigne

Produits menacés, produits oubliés, produits disparus.
Causes et mécanismes du déclin
XIVe-XXIe siècles

Organisation scientifique : Corinne Marache et Philippe Meyzie

Loin d’être toujours linéaire, la trajectoire des produits alimentaires est faîte de succès, de phases de diffusion spatiale et sociale, de modes éphémères ou durables, mais aussi parfois de défiance, de désintérêt voire de peurs qui entrainent des moments de repli ou de déclin. Dans les théories du marketing, chaque produit s’inscrit dans un cycle de vie caractérisé par des phases de croissance, de maturité et de déclin. Parfois même certains aliments, boissons ou plats disparaissent avant de réapparaitre plus tard sous une forme légèrement différente. L’heure est aujourd’hui au succès, à la relance, voire à l’exhumation de produits longtemps boudés ou méprisés, tandis que d’autres sont menacés pour des raisons éthiques ou sanitaires. Les recherches développées par le programme ViValTer (La ville, espace de valorisation des produits de terroir) et aujourd’hui par le programme TERESMA (Produits de terroir, espaces et marchés, hier et aujourd’hui) à l’initiative de ce colloque, ont montré que les produits de terroir connaissent un renouveau qui interroge la nature des liens des consommateurs aux territoires et l’ancrage de ces produits dans l’histoire. Les salaisons, les fromages, les fruits, les animaux, les vins et autres produits associés à une origine géographique auront donc une place de choix au sein des réflexions de cette rencontre scientifique qui vise néanmoins à prendre en compte tous les types d’aliments et de boissons ainsi que les différentes formes de production. Réelle ou artificielle, la notoriété que connaissent aujourd’hui tous ces produits un temps tombés dans l’oubli ne doit pas pour autant faire oublier pourquoi et dans quel contexte ils ont pu décliner, se voir menacer ou carrément disparaître.

Si l’histoire et les sciences sociales en général se sont beaucoup intéressées aux success stories, aux produits qui ont réussi à se diffuser largement, à s’inscrire dans la durée, à assoir leur notoriété et à entraîner la croissance de secteurs économique, d’entreprises ou de territoires, l’échec peut lui aussi être un objet historique permettant de mettre en lumière les transformations économiques, sociales et culturelles d’une époque et d’une espace. Si cette thématique est parfois abordée dans l’étude de certains secteurs agro-alimentaires ou d’entreprises, elle n’a pour l’instant pas suscité de recherches d’ampleur pour en interroger spécifiquement les caractéristiques et les enjeux. En prenant le contrepied des études consacrées à l’analyse de l’adoption réussie de nouvelles denrées (café, sucre, maïs), à la notoriété bien établie des grands vins ou de produits industriels de marques mondialement connues ou à celle de la conquête des marchés internationaux par des productions localisés renommées, la problématique du déclin possède également des vertus heuristiques lorsqu’on s’intéresse à un produit, son histoire, sa géographie, son insertion dans le marché ou sa place dans les consommations. Elle permet en effet de mieux comprendre comment un aliment s’inscrit dans des modes de consommation qui peuvent évoluer, comment un produit parvient à se diffuser sur le marché avant de se voir concurrencer par d’autres, comment une production locale largement implantée dans une région devient peu à peu une culture résiduelle. Etudier les multiples processus de déclin, de la menace latente sur un aliment à sa disparition définitive, conduit ainsi à interroger les choix alimentaires et leurs contraintes, les orientations du secteur agro-alimentaire ou les politiques menées dans ce domaine.

Dans le cadre du programme TERESMA qui s’intéresse aux liens entre produits de terroirs, territoires, espaces et marchés hier et aujourd’hui, ce colloque se propose donc d’essayer de comprendre les causes et les mécanismes du déclin de certains produits du XIVe au XXIe siècle. Dans l’esprit qui prévaut dans ce programme collectif de recherche international, nous souhaitons croiser les réflexions des sciences humaines, mais aussi du droit et de l’économie en s’inscrivant dans une perspective diachronique permettant de mesurer les changements et l’importance des différents contextes historiques autour de trois axes principaux.

  • Le déclin d’un produit alimentaire, d’une gamme de produits, d’un plat ou d’une boisson se manifeste à travers différents mécanismes qu’il convient de mesurer et d’interroger, en particulier dans ses dimensions socio-économiques et spatiales : recul de la consommation, repli sur des marchés régionaux ou des marchés de niche, production devenue résiduelle sur des territoires de plus en plus restreints, perte de réputation, de notoriété et d’identification, oubli des savoir-faire de production, disparition totale, etc. Les variations des échelles spatiales et temporelles doivent permettre de dégager les mécanismes à l’œuvre qui menacent la production et la consommation d’un aliment ou d’une boisson, peuvent entraîner une baisse significative, conduire à une disparition définitive ou, dans certains cas, temporaire, à l’échelle locale, nationale ou internationale. Il conviendra également de s’interroger pour savoir si la baisse significative de la production ou de la consommation d’un aliment entraine nécessairement un déclin de sa notoriété ou si au contraire certains produits ne gagnent pas en notoriété et en attractivité à partir du moment où leur production diminue.
  • Ce colloque a aussi pour objectif de proposer une réflexion sur les causes du déclin. Il s’agira pour cela de prendre en compte les transformations économiques : la raréfaction de la matière première, la perte d’avantages comparatifs, la concurrence d’autres produits typiques ou industriels, l’évolution des pratiques agricoles, le passage de l’agriculture vivrière à l’agriculture commerciale, productiviste et mondialisée et ses corollaires, la nécessité de rentabilité, résistance et inadaptation de certains produits ou modes de production aux exigences de l’agriculture productiviste. Dans un contexte de mondialisation entamé au XIXe siècle qui a largement favoriser la standardisation des comportements et des goûts alimentaires, l’évolution de la distribution et notamment l’arrivée de la grande distribution, à même d’influencer les choix de l’industrie agroalimentaire, comme les modes, de s’imposer en trend-setter, ont aussi joué un rôle dans la disparition (ou la « réapparition ») des produits, qu’il s’agira d’interroger. Les logiques socio-culturelles à l’origine du déclin de certains produits devront également retenir l’attention des intervenants (évolution des goûts et de la demande, modes culinaires, transformation des usages, des modes de vie et des manières de cuisiner et de consommer, impact du discours médical et des notions de santé et de bien-être, prise en compte de la défense animale dans les modes de consommation). Si ces différents types de déclin s’inscrivent dans la durée, d’autres peuvent être engendrés par des événements plus ponctuels : effets des crises sanitaires et les principes de précaution qui en découlent qui peuvent conduire à ne plus consommer certains produits ou certains morceaux (abats…) ; aléas climatiques, question environnementale, crises écologiques… ; mesures législatives, décisions politiques, traités, tarifs douaniers… à l’échelle locale, nationale, européenne ou mondiale. Il conviendra également de prendre en compte le rôle des acteurs dans ces processus de déclin : immobilisme, incapacité à s’adapter à la demande, erreurs stratégiques peuvent-ils être à l’origine des déclins ou tout du moins accélérer leur rythme ?
  • Enfin, il semble nécessaire aussi de s’attacher à l’analyse de la relance de ces produits oubliés dont certains, à l’image aujourd’hui du panais ou du topinambour, mais aussi de certaines races bovines, ovines ou porcines comme le porc Kintoa au Pays Basque, connaissent une vraie renaissance. Ces produits en déclin apparaissent alors comme une ressource à l’innovation, à la relance économique, touristique et patrimoniale d’un territoire. Le déclin, la rareté, voire la menace de disparition de ces produits les rendent synonymes de production à taille humaine et leur consommation apparaît comme un soutien à la sauvegarde de la richesse de notre patrimoine alimentaire et des savoir-faire qui y sont associés, un acte écoresponsable… Reste à savoir si cela suffit à instaurer des productions durables et viables. La lecture en creux du renouveau de certains produits offre ainsi un autre versant de la compréhension des causes et des mécanismes du déclin.

Les propositions de communication sont à renvoyer avant le 1er novembre 2016 à corinne.marache@gmail.com, phmeyzie@club-internet.fr et villeretmaud@gmail.com.

Elles doivent comprendre impérativement :

– le titre de votre communication
– un résumé de 10 à 15 lignes
– une courte présentation biographique

Comité scientifique

Isabelle Bianquis, Université François Rabelais de Tours
Giovanni Ceccarelli, Université de Parme
Marc Dedeire, Université de Montpellier
Jaroslaw Dumanowski, Université de Torun
Marc de Ferrière Le Vayer, Université François Rabelais de Tours
Stefano Magagnoli, Université de Parme
Corinne Marache, Université Bordeaux Montaigne
Philippe Meyzie, Université Bordeaux Montaigne
Isabelle Parmentier, Université de Namur
Raphaël Schirmer, Université Bordeaux Montaigne
Paolo Tedeschi, Université de Milan
Jean-Pierre Williot, Université François Rabelais de Tours

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